Terralaboris asbl

Allocations familiales : Remboursement d’indu et obligations inscrites dans la Charte de l’assuré social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 13 septembre 2007, R.G. 47.296

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 13 septembre 2007, R.G. n° 47.296

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a retenu qu’il a faute dans le chef d’une Caisse d’allocations familiales, dès lors qu’il y a carence dans l’obligation d’information, conformément à la Charte de l’assuré social.

Les faits

Une allocataire se voit réclamer, par la Caisse d’allocations familiales, le remboursement d’un indu. Celui-ci concerne sa fille, âgée de 21 ans, qui a obtenu son diplôme (CESS) à une seconde session, en septembre 2003, à l’issue d’un cycle de qualification dans l’enseignement technique. La Caisse a poursuivi le paiement des allocations en septembre et octobre.

La mère ayant, dans le formulaire adressé à la Caisse, mentionné la participation à la seconde session, la date du dernier examen, l’absence de travail pendant la période indiquée, ainsi que l’absence d’inscription comme demandeur d’emploi, la Caisse va adresser, en mars 2004, par voie recommandée, une demande de remboursement pour les deux mois en cause, l’article 62, § 3 des lois coordonnées disposant qu’existe un droit aux allocations familiales jusqu’à la fin des vacances d’été.

La position du tribunal

Le tribunal annule la décision de la Caisse, en se fondant essentiellement sur un manquement de celle-ci à son obligation d’information, ainsi que sur une erreur de paiement commise par elle. Le jugement va ainsi déclarer non fondée la demande de remboursement, introduite à titre reconventionnel.

La position des parties en appel

La Caisse conteste d’une part un manquement à son obligation d’information ainsi que le fait qu’il y ait erreur de paiement.

En effet, elle a été informée, en novembre 2003, du fait que la jeune fille avait cessé de suivre les cours le 30 juin 2003 et qu’elle ne s’était pas inscrite comme demandeuse d’emploi. En conséquence, pour elle, le droit aux allocations cesse à la fin du mois d’août 2003, ce qui justifie la demande de remboursement des allocations pour les deux mois ultérieurs.

En ce qui concerne son devoir d’information, elle considère que l’envoi du formulaire contenant toutes les informations nécessaires, même sous forme de questions, suffit. Pour elle, il n’y a pas erreur dans la poursuite du paiement, la réglementation ayant été respectée par ce paiement fait à titre provisionnel jusqu’au mois civil suivant celui au cours duquel elle a demandé la confirmation de la qualité d’enfant bénéficiaire (envoi du formulaire 5 septembre 2003). C’est, pour elle, le retard mis par l’allocataire dans le renvoi de celui-ci qui a justifié l’indu.

Quant à cette dernière, elle fonde le manquement à l’obligation d’information sur le fait que le formulaire ad hoc (P7) indique seulement de répondre à la question de savoir si le jeune est inscrit comme demandeur d’emploi pendant la période indiquée. Il n’est pas précisé que les allocations seraient supprimées, à défaut de cette inscription. Enfin, elle demande de confirmer qu’il y a erreur, justifiant, au sens de l’article 17, al.2 de la Charte que la décision ne pourrait rétroagir.

La position de la Cour

La Cour rappelle que, pour les enfants qui suivent un enseignement, si la fréquentation scolaire n’est pas reprise, les allocations familiales sont accordées pendant les vacances d’été. Il faut entendre par là le 30 septembre pour les enseignements supérieurs et le 31 août dans les autres enseignements. Par ailleurs, les allocations familiales sont allouées jusqu’à l’âge de 25 ans aux enfants n’étant plus soumis à l’obligation scolaire, inscrits comme demandeurs d’emplois et qui ont terminé des études ou un apprentissage. Les conditions ci-dessus ne sont pas réunies, permettant l’octroi des allocations après le 31 août 2003.

Mais c’est essentiellement sur l’application de la Charte que l’arrêt contient des développements intéressants. La Cour relève, en effet, sur l’erreur, que la réglementation permet le paiement provisionnel d’allocations familiales afin de ne pas interrompre ou retarder le paiement de celles-ci. Est ainsi notamment prévu le paiement à titre provisionnel pour le mois civil suivant celui au cours duquel l’organisme a demandé les renseignements relatifs au maintien de la qualité d’enfant bénéficiaire. Il en résulte que – même si en l’espèce la Caisse a signalé avoir payé « par erreur » - il ne s’agit pas d’une erreur fautive dans son chef, mais de la mention d’un indu.

Par ailleurs, sur le devoir d’information, qui est une des obligations de la Charte, la Cour relève que, en l’application de l’article 3 de l’arrêté royal du 19 décembre 1997, appliquant ses principes au secteur des allocations familiales, les institutions de sécurité sociale doivent fournir à l’assuré social les informations utiles à l’octroi ou au maintien de l’assurabilité (la Cour souligne) ainsi qu’à l’octroi de prestations, entre autres informations.

Pour la Cour, le formulaire utilisé par la Caisse ne répond pas à ces critères, puisque le principe garanti est de permettre aux administrés de mieux faire valoir leurs droits à l’égard de l’administration et des institutions de sécurité sociale. Selon la doctrine citée dans l’arrêt, il s’agit d’éviter que le manque d’information juridique suffisante ait pour effet de priver l’assuré social de certains droits. La Cour y ajoute le fait que l’information doit être donnée d’initiative lorsqu’elle est utile pour le maintien des droits de l’assuré ainsi que l’obligation de la donner dans un langage compréhensible pour le public.

Or, en l’espèce, ne figure pas dans le formulaire l’obligation pour le jeune de s’inscrire comme demandeur d’emploi, s’il entend continuer à bénéficier des allocations. Il s’agit d’une information à caractère général, susceptible d’intéresser tout étudiant terminant ses études, afin qu’il puisse maintenir le bénéficie des allocations familiales. Le simple fait de poser une question ne constitue pas un langage compréhensible au sens de la Charte permettant à l’assuré social de se rendre compte du lien entre cette inscription et le maintien au droit aux allocations. Par ailleurs, aucun délai n’est prévu pour le renvoi du document.

Il y a dès lors carence dans l’information et la Cour relève qu’il s’agissait en l’occurrence d’une information simple et à caractère général. Cette carence est, pour la Cour, constitutive d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil.

Sur le dommage, la Cour constate qu’il résulte directement du manque d’information et qu’il consiste dans la perte du droit aux allocations familiales pour septembre et octobre 2003. La faute de la Caisse, qui consiste dans le non respect de son obligation de fournir d’initiative à l’assuré social tout renseignement complémentaire pour le maintien de ses droits, fait ainsi obstacle à la demande de récupération, qui constitue le dommage à réparer.

Intérêt de la décision

L’intérêt de cette décision est évident, puisqu’elle intègre, concrètement, les obligations de la Charte dans une situation fréquente : remboursement d’un indu d’allocations familiales, en fin d’année scolaire et en cas d’incertitude quant à la poursuite des études. L’intérêt particulier de cet arrêt est qu’il vise l’obligation pour la Caisse de donner d’initiative à l’assuré social tout renseignement complémentaire pour le maintien de ses droits.


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