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Charte de l’assuré social : étendue de l’obligation d’information d’une mutuelle

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 janvier 2016, R.G. 2015/AB/26 (NL)

Mis en ligne le lundi 12 septembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 14 janvier 2016, R.G. 2015/AB/26 (NL)

Terra Laboris

Par arrêt du 14 janvier 2016, la Cour du travail de Bruxelles reprend les limites au devoir d’information et de conseil dans le chef d’une mutuelle : en l’absence de demande de l’assuré social, celle-ci n’est pas tenue de l’informer spontanément de l’existence d’un cumul non autorisé de demandes de prise en charge de soins.

Les faits

Monsieur D. reçoit des soins de kinésithérapie et de physiothérapie, les premiers étant liés à de l’arthrose et les seconds à un « tennis elbow ». Le coût de la physiothérapie est payé directement à l’hôpital où les soins ont été donnés, et ce par le système du tiers payant. L’intéressé reçoit le remboursement de la kinésithérapie par sa mutuelle.

Celle-ci signale, ultérieurement, que se pose un problème au niveau de la nomenclature, dans la mesure où certains de ces soins ont été donnés le même jour.

Après avoir accepté un remboursement partiel, Monsieur D. introduit un recours devant le Tribunal du travail de Louvain. Par jugement du 2 décembre 2014, il est débouté.

Appel est interjeté.

L’enjeu du litige est peu important sur le plan financier (moins de 200 €).

L’arrêt de la cour du travail

La question posée est relative à la nomenclature, qui prévoit les conditions dans lesquelles il y a intervention dans le cadre de l’assurance maladie-invalidité.

Celle-ci prévoit, en ses articles 22 et 23, que des prestations de physiothérapie ne peuvent pas être cumulées le même jour avec d’autres, de kinésithérapie.

Il n’est par ailleurs pas contesté, en l’espèce, qu’il y a eu une double intervention pour les mêmes journées.

La cour constate que l’interdiction du remboursement des deux types de prestations repose sur un critère objectif, manifestement destiné à éviter la surconsommation de soins médicaux, le corps humain étant par ailleurs susceptible de mieux réagir à un seul traitement qu’à deux prodigués le même jour.

L’appelant invoque, à l’appui de sa position, la Charte de l’assuré social et, particulièrement, l’article 17 relatif à la revision, en vertu duquel lorsqu’une décision est entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur matérielle, l’institution de sécurité sociale prend d’initiative une nouvelle décision, celle-ci produisant ses effets à la date à laquelle la décision rectifiée aurait dû prendre effet. En cas d’erreur due à l’institution de sécurité sociale, elle produit ses effets le premier jour du mois qui suit la notification si le droit à la prestation est inférieur à celui reconnu initialement, et ce sans préjudice du mécanisme de l’article 18.

Pour la cour, il n’y a pas d’erreur de l’organisme assureur, la situation étant apparue rapidement et ayant été découverte via un programme informatique spécifique (« webcumul »). Elle admet que l’organisme assureur peut se réserver le droit de vérifier, ainsi, l’éventualité de l’existence d’un cumul non autorisé et rappelle d’ailleurs qu’il existe des règles de prescription en vue de récupération.

L’intéressé invoque également l’article 3 de la Charte, faisant grief à l’organisme assureur de ne pas l’avoir informé de l’interdiction de cumul. Il renvoie aux articles 3 et 4 sur cette question. La Charte prévoit en effet que les institutions de sécurité sociale sont tenues de fournir à l’assuré social qui en fait la demande écrite toute information utile concernant ses droits et obligations, ainsi que de communiquer d’initiative à celui-ci tout complément d’informations nécessaire à l’examen de sa demande ou au maintien de ses droits (et ce sans préjudice de l’article 7 relatif au paiement des prestations). L’information doit remplir certaines conditions aux fins de permettre à l’assuré social de connaître ses droits. La Charte prévoit également l’obligation, dans les mêmes conditions, pour les institutions de sécurité sociale, de conseiller l’assuré social qui le demande sur l’exercice de ses droits ou l’accomplissement de ses devoirs et obligations.

Il ressort de ces dispositions que l’intéressé doit faire la demande. La cour constate que l’appelant ne soutient pas, en l’occurrence, avoir adressé celle-ci. En l’absence de demande, il n’y avait pas d’obligation d’information dans le chef de la mutuelle, et celle-ci n’a dès lors commis aucun manquement du fait qu’elle n’a pas spontanément informé l’intéressé de la chose.

La cour précise que l’on ne peut raisonnablement attendre d’un organisme assureur une telle attitude, eu égard à l’importance de la nomenclature et à la masse des remboursements intervenant quotidiennement. C’est plutôt, comme elle l’expose, le rôle des médecins et des prestataires de soins de santé d’informer leurs patients, et ce d’autant plus lorsqu’ils sont eux-mêmes à la base de ceux-ci.

Pour la cour, il n’y a pas davantage de manquements aux articles 3 et 4 de la Charte.

Enfin, l’intéressé demande à être considéré comme un cas digne d’intérêt. La cour rappelle qu’en matière d’indu, une requête peut être introduite en renonciation. Ceci est prévu dans la Charte elle-même, en son article 22, § 2, a), étant que l’institution de sécurité sociale compétente peut, dans les conditions déterminées par son comité de gestion et approuvées par le ministre compétent, renoncer à la récupération de l’indu dans des cas ou catégories de cas dignes d’intérêt, mais ce à la condition que le débiteur soit de bonne foi. Cette disposition a été exécutée par le Règlement du 22 mai 2006. Elle constate qu’aucune demande de renonciation ne semble avoir été introduite.

Intérêt de la décision

La renonciation peut, au sens de l’article 22, § 2, a), de la Charte de l’assuré social être admise par l’institution de sécurité sociale en cas d’indu, dans plusieurs hypothèses, étant dans des cas ou catégories de cas dignes d’intérêt et à la condition que le débiteur soit de bonne foi, ainsi que lorsque la somme à récupérer est minime ou qu’il s’avère que le recouvrement à récupérer est aléatoire ou trop onéreux par rapport au montant en cause.

Ces conditions, relatives à l’exigence de la bonne foi en cas de demande introduite au motif d’un cas digne d’intérêt, se retrouvent dans le Règlement du 22 mai 2006. Il n’est pas inutile de préciser que l’article 3 de ce règlement impose de donner toutes indications utiles permettant d’établir la bonne ou la mauvaise foi de l’assuré social. Celui-ci peut faire valoir tout élément qu’il estime pertinent à cet égard et qui sera communiqué par l’organisme assureur au service du contrôle administratif. Ce dernier peut encore inviter l’assuré social à produire d’autres documents utiles à la décision. Le cas digne d’intérêt est déterminé sur la base du critère des revenus du ménage. Le montant à prendre en compte est précisé à l’article 4 du même texte.

Sur la Charte elle-même, il n’est pas inutile de rappeler l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2009 (Cass., 23 novembre 2009, n° S.07.0115.F), dans lequel la Cour suprême a considéré que le complément d’informations nécessaire à l’examen de la demande ou au maintien des droits est une obligation dans le chef des institutions de sécurité sociale, celui-ci n’étant cependant pas subordonné à la condition que l’assuré social ait fait une demande écrite préalable concernant ses droits et obligations.


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