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Point de départ de la prescription en accident du travail

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Dinant), 7 mars 2017, R.G. 16/306/A

Mis en ligne le vendredi 28 juillet 2017


Tribunal du travail de Liège, division Dinant, 7 mars 2017, R.G. 16/306/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 7 mars 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Dinant) rejette au motif de prescription une demande de réparation introduite dans le cadre de la loi du 10 avril 1971, la partie demanderesse ayant fixé à tort le point de départ de celle-ci à la date d’une période d’incapacité admise sur le plan administratif.

Les faits

Une déléguée commerciale fait parvenir une déclaration d’accident du travail relative à un accident survenu plusieurs mois auparavant. Cette déclaration est en effet transmise par le conseiller en prévention de l’employeur en octobre 2015 et concerne des faits survenus le 29 mars 2013. Il n’est pas fait état d’un retard fautif de l’employeur dans la transmission. Les faits présentés comme constitutifs de l’accident sont liés à des manœuvres de chargement/déchargement de caisses de produits d’échantillons du coffre du véhicule de l’intéressée. Celle-ci fait état d’un mouvement de rotation effectué en vue de déposer une caisse dans son garage, qui aurait entraîné le blocage de son pied droit, suite à quoi elle aurait perdu l’équilibre et serait tombée.

Suite à ce fait, elle avait tenté de poursuivre tant bien que mal et s’était soignée avec des antidouleurs. Elle a en fin de compte été en incapacité de travail à plusieurs reprises, a été hospitalisée et est, depuis mars 2014, en incapacité de manière continue.

Elle dépose l’attestation de son voisin, qui l’aurait secourue, ayant entendu ses cris. Elle communique également des éléments d’ordre médical. Est encore jointe une déclaration d’un représentant de son employeur à qui l’intéressée a demandé en septembre 2015 de déclarer l’accident de 2013.

Une contestation est intervenue avec l’assureur-loi, au motif qu’il n’existerait pas de preuve des faits.

L’intéressée a, en fin de compte, introduit une requête contradictoire (article 1034 C.J.) devant le tribunal du travail le 7 avril 2016.

La décision du tribunal

Le tribunal effectue un long rappel des principes, parmi lesquels il aborde les effets du retard mis à rentrer la déclaration d’accident. Le fait que celle-ci soit rentrée tardivement n’est pas sanctionné comme tel par la loi. Il appartient cependant toujours au juge d’apprécier la valeur de la preuve présentée par la victime et, dans ce cadre, un retard inexpliqué peut être apprécié à l’encontre de celle-ci, même si le travailleur qui a tenté de dominer son mal afin de poursuivre ses prestations n’a fait valoir l’accident que plus tard, lorsque la lésion est apparue sérieusement.

Le tribunal revient également sur les éléments constitutifs de l’accident et les exigences de preuve.

C’est cependant la question de la prescription qui va l’amener à rejeter la demande.

En vertu de l’article 69 de la loi du 10 avril 1971, l’action en paiement des indemnités se prescrit en effet par trois ans.

La Cour de cassation a précisé que ce moment prend cours au moment où naît pour la victime le droit à la réparation.

En l’espèce, l’intéressée fait valoir que le début de sa période d’incapacité de travail était le 9 avril 2013. Le tribunal ne suit pas la demanderesse, qui retient donc comme point de départ de la prescription le début de période d’I.T.T. En effet, elle a consulté son médecin le 4 avril et celui-ci a d’ailleurs fait état d’une incapacité à partir du 8 avril. Du 1er au 5 avril, l’intéressée était en congé et n’a pas demandé à être couverte par un certificat médical. Dès lors que le médecin a été consulté le 4 avril, il a dû constater l’incapacité existant ce jour, le tribunal précisant qu’il ne pouvait constater celle-ci anticipativement. La date du 9 avril (ou du 8) constitue dès lors une date de prise de cours administrative de l’incapacité, eu égard aux mentions reprises par le médecin dans son certificat.

La requête ayant été déposée le 7 avril 2013, la demande s’avère dès lors prescrite.

Surabondamment, le tribunal examine encore le fond et constate ici également que la demande ne peut être accueillie, d’abord parce qu’au moment des faits tel que précisé par la demanderesse (7h15 du matin), elle n’a pas encore débuté sa prestation de travail (celle-ci démarrant à 8h30) et que des examens médicaux et interventions ont été pratiqués déjà au mois d’avril. Pour le tribunal, il est incompréhensible d’avoir attendu plus de deux ans pour déclarer l’accident. Le tribunal fait encore grief à la demanderesse d’un manque de précision dans le temps quant à la survenance des faits.

Intérêt de la décision

C’est sur la question de la prescription que le jugement mérite d’être retenu, vu qu’il renvoie au point de départ du délai de prescription de la demande en justice.

S’il est généralement admis que ce point de départ est l’accident lui-même, la Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 16 mars 2015 (S.12.0102.F) que le délai de l’article 69, alinéa 1er, L.A.T., prend cours au moment où naît pour la victime le droit à la réparation et que la naissance de ce droit ne dépend pas de la décision de l’entreprise d’assurances reconnaissant ou déniant à l’accident le caractère d’un accident du travail ou accordant ou refusant à la victime une indemnité à laquelle elle prétend avoir droit. En l’occurrence, la décision de l’assureur-loi n’avait pas repris plusieurs des mentions obligatoires de l’arrêté royal du 24 novembre 1997 qui a exécuté la Charte de l’assuré social dans le secteur des accidents du travail et, pour la cour du travail, le délai de prescription n’avait pas pu courir. La Cour de cassation a cassé cette décision. Le pourvoi avait fait valoir qu’un délai de prescription n’est pas un délai de recours au sens de la Charte.

Enfin, le jugement renvoie également à la doctrine récente sur la question (L. VAN GOSSUM, N. SIMAR et M. STRONGYLOS, « Les accidents du travail », Larcier, 2013, pp. 19 et suivantes).


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