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Avantages accordés au personnel : notion de rémunération en sécurité sociale

Commentaire de Cass., 19 juin 2017, n° S.16.0006.F

Mis en ligne le lundi 16 octobre 2017


Cour de cassation, 19 juin 2017, n° S.16.0006.F

Terra Laboris

Par arrêt du 19 juin 2017, la Cour de cassation rappelle qu’en sécurité sociale, la notion de rémunération (passible de cotisations) est non seulement celle à laquelle le travailleur a droit, étant la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat de travail, mais également celle payée en raison de l’engagement : est rémunératoire l’avantage qui constitue un droit pour le travailleur à charge de l’employeur et en raison de celui-ci.

Rétroactes

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Bruxelles le 20 mai 2015 (R.G. 2013/AB/936).

L’affaire faisait suite à une inspection de l’O.N.S.S. auprès d’une société, inspection ayant pour objet de déterminer si certains avantages accordés au personnel devaient être soumis au calcul des cotisations de sécurité sociale.

L’O.N.S.S. avait conclu à l’assujettissement pour deux types d’avantages, d’une part des frais de garde d’enfants malades et stages de vacances et d’autre part une allocation de transition (499 €) accordée aux enfants des membres du personnel à l’occasion de leur douzième anniversaire.

L’Office avait considéré, pour le premier type d’avantages, qu’il s’agissait de compléments aux allocations familiales à concurrence de maximum 50 euros par mois (ou 600 euros par an), les cotisations devant être payées sur les montants dépassant ceux-ci.

Une procédure avait été initiée par la société devant le Tribunal du travail de Bruxelles et celui-ci avait déclaré la demande fondée. Les cotisations ayant été versées entre-temps, l’Office avait été condamné à les rembourser, majorées des intérêts judiciaires.

Appel avait été interjeté et la cour du travail avait confirmé le jugement.

La décision de la cour du travail

Après avoir rappelé que les sommes qui doivent être considérées comme des avantages complémentaires de sécurité sociale sont exonérées des cotisations, la cour avait conclu en ce qui concerne le plafond fixé par l’O.N.S.S. qu’aucun plafond légal n’est prévu et que les juridictions ne sont pas investies d’un pouvoir spécifique de limiter les avantages exonérés non plus que d’apprécier leur caractère raisonnable.

Pour la cour du travail, le juge peut « tout au plus » sanctionner un usage abusif qui serait fait de la liberté pour l’employeur d’accorder de tels avantages. La cour avait également rappelé que les juridictions sociales ne sont pas liées par la circulaire fiscale limitant la valeur des cadeaux exonérés d’impôt et que, d’ailleurs, celle-ci ne vise pas les avantages en cause.

Le jugement avait dès lors été confirmé pour ceux-ci.

Quant à l’allocation de transition, étant une prime unique versée par la société aux enfants des travailleurs lors de leur douzième anniversaire, se posait la question de savoir si celle-ci est une libéralité ou un complément aux allocations familiales. Après avoir constaté que cette allocation n’est pas accordée en contrepartie du travail effectué et que la prime est identique quelle que soit la situation des parents vis-à-vis de la société (que l’un seulement ou les deux soient au service de celle-ci), la cour avait encore souligné le fait que le bénéficiaire n’est pas le travailleur mais l’enfant et qu’elle était, ainsi, payée en raison de la considération de la société pour le travailleur et sa famille, n’étant, en sus, allouée qu’une seule fois.

Le jugement avait également été confirmé sur ce point.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour casse l’arrêt de la cour du travail sur l’allocation de transition, au motif de la violation des dispositions définissant la notion de rémunération en sécurité sociale.

L’article 14, §§ 1er et 2, de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs renvoie, pour la détermination de la notion de rémunération en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, à l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, étant qu’il faut entendre par là les avantages évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de l’employeur en raison de son engagement.

Il s’agit d’une notion plus large que la notion de rémunération au sens de la loi du 3 juillet 1978, qui vise la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat. En sécurité sociale, la notion comprend également les avantages en espèces ou évaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge de son employeur en raison de l’engagement. Ceci vise les sommes payées à un tiers dès lors que deux conditions sont remplies, étant que le travailleur a droit à leur paiement et qu’il fonde ce droit soit sur le contrat de travail, soit sur un engagement de l’employeur.

Sont exclues les libéralités, étant qu’il ne s’agit pas, dans ces hypothèses, d’un droit du travailleur à charge de l’employeur et en raison de l’engagement. Sont visés, pour la Cour de cassation, notamment les avantages alloués lors de la résiliation du contrat de travail, à l’occasion d’une interruption du travail ou en raison de circonstances spéciales (sympathie ou estime personnelles de l’employeur ou événement de la vie personnelle ou familiale du travailleur ou encore de l’un ou l’autre événement de la vie personnelle ou familiale du travailleur).

La cour du travail ayant considéré que l’allocation de transition ne constitue pas la contrepartie du travail effectué en exécution du contrat, la Cour de cassation conclut à la violation des dispositions précitées, dans la mesure où l’allocation – payée au profit des seuls et de tous les travailleurs de la société qui en remplissent les conditions – leur est versée en raison de l’engagement.

La cour du travail ne pouvait dès lors fonder sa décision sur le fait que le bénéficiaire était l’enfant du travailleur, qu’il s’agissait d’une prime payée en raison de la considération portée à celui-ci et à sa famille, ou encore qu’elle n’était accordée qu’une seule fois, signifiant ainsi qu’elle concernait un événement particulier de la vie familiale.

Intérêt de la décision

La Cour de cassation effectue un rappel important sur la notion de rémunération, étant qu’en sécurité sociale, la notion est plus large que celle retenue par la loi du 3 juillet 1978, couvrant également des sommes payées à un tiers lorsque le travailleur a droit à leur paiement et qu’il fonde ce droit sur le contrat ou sur un engagement pris par l’employeur. Dès lors que les conditions d’octroi sont remplies et que le travailleur a droit à cette prime, il faut considérer qu’elle est à charge de l’employeur, dans la mesure où elle est payée par lui et qu’elle l’est en raison de l’engagement, étant versée au profit des seuls et de tous les travailleurs de la société qui en remplissent les conditions.

L’arrêt précise par ailleurs – tout en n’en donnant pas une énumération limitative – que les libéralités non soumises aux cotisations de sécurité sociale, étant les sommes versées lorsqu’il ne s’agit pas d’un droit pour le travailleur à charge de l’employeur et en raison de l’engagement, peuvent consister dans des avantages accordés lors de la résiliation du contrat, lors d’une interruption du travail, ou encore en raison de circonstances spéciales (sympathie ou estime personnelle de l’employeur ou événement de la vie personnelle ou familiale du travailleur). Il y a dès lors trois éléments dont la Cour donne la définition :

  • Le droit du travailleur, droit qui existe dès lors que sont réunies les conditions d’octroi définies ;
  • Avantage à charge de l’employeur : condition remplie dès lors qu’il est constaté que la prime est payée par celui-ci ;
  • Avantage dû en raison de l’engagement : condition également remplie dès lors qu’il est constaté que l’allocation est payée au profit des seuls et de tous les travailleurs qui en remplissent les conditions.

L’on notera encore que la circonstance que des sommes d’argent seraient payées à un tiers est indifférente dès lors que le travailleur a droit au paiement et qu’il fonde ce droit sur le contrat ou sur un engagement de l’employeur.


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