Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 juin 2017, R.G. 2015/AB/418
Mis en ligne le mardi 28 novembre 2017
Cour du travail de Bruxelles, 14 juin 2017, R.G. 2015/AB/418
Terra Laboris
Par arrêt du 14 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles conclut à l’existence d’une double discrimination, dans la règle qui impose à un chômeur ayant fait l’objet d’une décision d’exclusion pour une durée indéterminée de prester un nombre de jours dont le nombre et la période de référence vont dépendre de son âge, la réglementation prévoyant l’application des conditions de stage telles qu’organisées lors de l’admissibilité.
Les faits
Etant radié d’office de l’adresse à laquelle il est inscrit, un assuré social ne reçoit pas une convocation d’ACTIRIS. Il a, un mois plus tard, une adresse de référence au CPAS de Bruxelles.
Une décision d’exclusion de quatre semaines sera prise par l’ONEm.
Ultérieurement il ne donne pas davantage suite à une nouvelle convocation, celle-ci étant adressée au CPAS – adresse de référence. Il est alors exclu pour une durée indéterminée, au motif qu’il n’a pas donné suite à la convocation sans justification valable et qu’un fait similaire est déjà intervenu dans l’année.
Deux ans plus tard, il sollicite l’octroi des allocations de chômage comme travailleur à temps partiel volontaire, ce qui lui est refusé vu l’absence de jours de travail en suffisance au cours de la période de référence.
Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles et par jugement du 27 mars 2015, celui-ci le déclare fondé, considérant qu’il devait être au bénéfice des allocations.
Cette décision ne satisfaisant pas l’ONEm, ce dernier interjette appel.
Décision de la cour
Un premier arrêt est rendu le 14 décembre 2016.
Il s’agit de vérifier si la décision d’admissibilité était nécessaire et, en conséquence, d’examiner la légalité des deux décisions d’exclusion. Si les conditions d’admissibilité ne devaient pas être remplies, l’intéressé devrait être réadmis sur la base de l’article 42 de l’arrêté royal.
Se pose également, pour la cour, une autre question au cas où un nouveau calcul d’admissibilité devait intervenir, étant de savoir s’il est justifié et non discriminatoire d’exiger un plus grand nombre de jours de travail pour les travailleurs âgés de 36 ans au moins que pour ceux qui n’ont pas cet âge.
La cour reprend dès lors la discussion, dans cet arrêt du 14 juin 2017, examinant en premier lieu la légalité des décisions intervenues. Elle conclut qu’il n’y a pas de justification suffisante dans le chef de l’assuré social pour ne pas donner suite à la convocation et qu’il y a effectivement eu récidive.
Elle en vient ensuite à la seconde question posée dans son arrêt du 14 décembre 2016, étant relative à la durée du stage après l’exclusion pur une durée indéterminée. En l’espèce, l’intéressé doit justifier 468 demi-journées de travail au cours des 39 mois précédant sa demande. Seules cependant les périodes de travail postérieures au fait ayant donné lieu à l’exclusion définitive peuvent être prises en compte. Il ne les a pas. Il justifie cependant de 312 demi-journées au cours des 21 + 6 mois précédant la demande.
La question se pose dès lors de la discrimination éventuelle. La cour pose deux questions, étant de savoir s’il est justifié
Elle procède dès lors à l’examen des différences de traitement.
Si le nombre de jours et la durée de la période de référence varie en fonction de l’âge sur le plan de l’admissibilité, ceci peut se justifier, vu qu’un chômeur plus âgé peut avoir une carrière plus longue et que l’on peut admettre un nombre de jours de travail plus élevé avec une période de référence également allongée. Ceci n’est pas, pour la cour, une discrimination prohibée sur la base de l’âge.
Par contre, elle déclare ne pas avoir de justification objective et raisonnable pour ce qui est de la réadmission consécutive à l’exclusion à durée indéterminée, puisque quel que soit l’âge du chômeur, seules les périodes postérieures ou fait ayant donné lieu à l’exclusion définitive seront prises en compte. Il n’est, dans cette hypothèse, pas raisonnable d’exiger un stage plus long. Il y a une discrimination manifeste.
Surabondamment, la cour aborde une seconde différence de traitement, dans l’hypothèse de la réadmission consécutive à une exclusion à durée indéterminée, au niveau de la durée du nouveau stage, et ce dans l’hypothèse intervenue dans le cadre du contrôle du caractère involontaire du chômage et dans celui du comportement de recherche active d’emploi.
Il y a dès lors deux discriminations, celles-ci trouvant leur origine dans l’application par l’article 52bis, §2, alinéa 4 de l’arrêté royal de l’ensemble des conditions de l’article 30, alinéa 1er et 2, correspondant aux diverses catégories d’âge (admissibilité). La cour considère dès lors que doivent rester inappliquées les membres de phrases de la disposition limitant le stage de 312 jours au travailleur « âgé de moins de 36 ans » ainsi que la suite de la disposition. Elle conclut dès lors que pour la réadmission, le travailleur doit accomplir un stage comportant le nombre de journées de travail de 312 au cours des 21 mois précédant la demande d’allocation. S’agissant en l’espèce du travailleur à temps partiel volontaire, la même règle s’applique au prorata. L’intéressé ayant totalisé plus de 312 jours (demi-journées) dans la période de référence, il est admissible en tant que chômeur à temps partiel volontaire.
Intérêt de la décision
Très intéressant arrêt, dont l’on ne manquera pas de constater qu’il a été rendu alors que l’assuré social faisait défaut.
La cour du travail a abordé une question juridique très délicate, étant de savoir si – comme le prévoit la disposition réglementaire – il est conforme à la constitution d’exiger après la décision d’exclusion pour une durée indéterminée un nouveau stage dont la durée va dépendre de l’âge du chômeur, conformément aux règles appliquées lors de la demande d’allocations, étant les conditions habituelles de stage bien connues.
L’on attend impatiemment la position de l’ONEm sur cette décision.