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Exposition au risque d’une maladie professionnelle : critères

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 juillet 2017, R.G. 2016/AB/154

Mis en ligne le mardi 27 février 2018


Cour du travail de Bruxelles, 11 juillet 2017, R.G. 2016/AB/154

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 juillet 2017, la Cour du travail de Bruxelles revient sur les points à vérifier en vue de déterminer si la condition d’exposition au risque en matière de maladies professionnelles est remplie. S’agissant en l’espèce d’une tendinopathie, seuls sont à prendre en compte les critères de l’arrêté royal qui a introduit cette maladie dans la liste et non des critères autres, qui viendraient s’ajouter à ceux-ci.

Les faits

Une demande d’indemnisation est introduite en mars 2013 auprès du Fonds des Maladies Professionnelles (actuellement FEDRIS) par une ouvrière prestant au département restauration d’un établissement d’enseignement. La maladie n’était pas une maladie de la liste mais la tendinopathie a fait l’objet d’un ajout (sous certaines conditions) par un arrêté royal du 12 octobre 2012. La demande avait dès lors été introduite pour une maladie hors liste, alors que la réglementation en la matière avait été modifiée, la tendinopathie portant désormais le code 1.602.22.

La décision du Fonds a été négative, au motif de l’absence d’exposition au risque pendant tout ou partie de la période au cours de laquelle l’intéressée entrait dans le champ d’application de la loi.

Le recours introduit auprès du tribunal du travail fut déclaré non fondé et l’intéressée interjette appel.

Elle demande à la cour de dire pour droit qu’elle réunit les conditions de l’article 32 des lois coordonnées. A titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d’un expert dont la mission serait de déterminer si la tendinopathie à l’épaule droite dont elle souffre constitue une maladie professionnelle indemnisable.

La décision de la cour

La cour constate que le seul problème à régler est celui de l’exposition au risque.

Elle reprend le cadre légal. Trois éléments sont requis par les lois coordonnées du 3 juin 1970 pour qu’il y ait possibilité d’indemnisation : (i) le travailleur doit être atteint d’une maladie, (ii) il doit avoir été exposé au risque de cette maladie par l’exercice de sa profession et (iii) un lien de causalité doit exister entre l’exposition au risque et la maladie elle-même.

La cour passe dès lors en revue les trois critères. Pour ce qui est de la maladie, elle rappelle que toute maladie est susceptible d’être prise en considération et, si l’on envisage de distinguer les « maladies de la liste » des « maladies hors liste », la Cour de cassation est intervenue sur la question, dans un arrêt du 12 décembre 2016 (Cass., 12 décembre 2016, n° S.15.0068.F), jugeant que la désignation d’une maladie de la liste (article 30) ou hors liste (article 30bis) relève d’une opération de qualification juridique des faits. Le travailleur doit prouver l’existence de la maladie en elle-même.

Quant à l’exposition au risque, cette exigence figure à l’article 32, dont le 2e alinéa définit le risque professionnel. Celui-ci existe lorsque l’exposition à l’influence nocive est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus grande que celle subie par la population en général et, dans la mesure où cette exposition constitue, dans les groupes de personnes exposées, selon les connaissances médicales généralement admises, la cause prépondérante de la maladie. Le travailleur a également la charge de la preuve de l’exposition au risque, que ce soit pour une demande d’indemnisation d’une maladie de la liste ou pour une maladie ne figurant pas sur celle-ci.

Enfin, sur le lien de causalité, celui-ci doit également être établi mais, pour les maladies « de la liste », celui-ci est présumé de manière irréfragable. Dans les autres cas, il doit être prouvé par le travailleur.

En l’espèce, la maladie (tendinopathie de l’épaule droite) n’est pas contestée, seule l’étant l’exposition au risque. La position de l’administration est que le temps de travail exigeant une position des bras à une hauteur supérieure ou égale au plan des épaules est peu important (représentant moins de 25% du temps de travail total).

Pour la cour, ce critère ne figure pas dans la loi, non plus que dans l’arrêté royal ayant introduit la tendinopathie dans les maladies de la liste. Il y est en effet fait référence à des mouvements nécessitant de la force et présentant un caractère répétitif ou à des postures défavorables. Il faut dès lors vérifier la réunion de ces conditions dans le cas de l’intéressée, étant de voir (i) si cette tendinopathie répond aux conditions requises (hyper-sollicitation par des mouvements nécessitant de la force et présentant un caractère répétitif ou par des postures défavorables), (ii) si l’exposition à ces mouvements est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus grande que celle subie par la population en général et, en fin de compte, (iii) dans quelle mesure elle va constituer dans les groupes de personnes exposées la cause prépondérante de la maladie.

Un expert est désigné avec cette mission.

Intérêt de la décision

Cet arrêt – clair et concis – rejette le critère de FEDRIS selon lequel un temps d’exposition journalier minimum devrait être présent pour qu’il y ait exposition au sens légal. Pour la cour du travail, FEDRIS ajoute aux conditions légales et réglementaires.

La décision rappelle en outre très judicieusement l’arrêt de la Cour de cassation du 12 décembre 2016 (précédemment commenté), dans lequel la Cour suprême avait admis l’application de l’article 807 C.J. à ce type de litige, la citation introductive ne contenant pas l’identification du code de la maladie (en l’occurrence code 1.605.03), et que des conclusions nouvelles peuvent être fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la situation, même si leur qualification juridique est différente. L’article 807 peut dès lors intervenir, étant applicable à toutes les procédures, hormis celles dont les dispositions spécifiques s’avéreraient incompatibles. La requête en cassation avait souligné que le préalable administratif consacré par les articles 52 et 53 L.C. se limite à l’obligation pour la victime de se soumettre à la procédure administrative et que l’arrêté royal du 26 septembre 1996 sur la question règle uniquement les modalités d’instruction administrative de la demande. Les juridictions du travail, qui sont chargées de statuer sur les contestations relatives aux décisions administratives, sont en règle tenues de respecter les dispositions du Code judiciaire, dont son article 807.


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