Commentaire C. trav. Liège (div. Liège), 26 novembre 2018, R.G. 2017/AL/649
Mis en ligne le vendredi 7 juin 2019
C. trav. Liège (div. Liège), 26 novembre 2018, R.G. 2017/AL/649
Terra Laboris
Dans un arrêt du 26 novembre 2018, la Cour du travail de Liège (division Liège) considère que seul le liquidateur volontaire est visé à l’article 44 de l’arrêté royal du 23 mars 2007, d’exécution de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprise. Cette disposition ne vise pas le liquidateur après faillite.
Les faits
Suite à la faillite d’une société, le Tribunal de commerce de Liège désigne deux curateurs. La faillite date du 14 novembre 2012 et elle est clôturée pour insuffisance d’actif le 4 février 2014. L’ancienne gérante est désignée en qualité de liquidatrice.
Six mois plus tard, une travailleuse de la société introduit une demande d’indemnisation auprès du Fonds de Fermeture. Celle-ci est signée par la liquidatrice.
Le Fonds de Fermeture refuse son intervention, au motif que le formulaire n’a pas été signé par le curateur. Il fait valoir que, vu la clôture de la faillite, le curateur n’avait plus la possibilité de signer le formulaire.
Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Liège (division Liège), demandant de condamner le Fonds au paiement de diverses sommes (rémunération, frais de déplacement, pécules de vacances), à majorer des intérêts légaux et judiciaires ainsi que des dépens.
Le tribunal fait droit à la demande et le Fonds interjette appel.
Position des parties devant la cour
Le Fonds renvoie à l’article 44 de l’arrêté royal du 23 mars 2007 portant exécution de la loi du 26 juin 2002 relative aux fermetures d’entreprise. Celui-ci impose la signature de la demande d’indemnisation par le curateur et non par le liquidateur après faillite. Il rappelle également que son intervention est subsidiaire et que le travailleur ne peut lui réclamer ce qu’il ne pouvait réclamer à son employeur. Il fait grief à l’intéressée de ne pas avoir transformé sa créance provisionnelle à l’égard du curateur en créance définitive et demande dès lors à la cour de dire que l’action originaire est irrecevable pour tardiveté (non-respect de l’article 72 de la loi du 26 juin 2002).
Sur le fond, il demande à la cour de faire droit à ses arguments et de réformer le jugement.
Quant à l’intéressée, elle conclut à la fois à la recevabilité du recours originaire et à la confirmation du jugement quant au fond.
Position du Ministère public
Pour l’Avocat général, la demande est irrecevable ratione temporis. Subsidiairement, quant au fond, il estime que la mission du liquidateur après faillite ne lui confère que des pouvoirs limités et que la demande de paiement d’indemnités auprès du Fonds de Fermeture ne fait pas partie de ceux-ci. Le liquidateur ne peut que défendre la société des actions intentées contre elle.
La décision de la cour
La cour examine en premier lieu la recevabilité du recours originaire.
L’article 72 de la loi du 26 juin 2002 fixe le délai de prescription à un an à partir du jour où le dossier du travailleur est complet et approuvé par le Comité de gestion du Fonds. Ceci vaut à la fois pour les actions des travailleurs portant sur le paiement de l’indemnité de fermeture (article 18) ainsi que pour les autres interventions prévues par la loi (articles 33, 35, 41, 47, 49 et 51). Dans la mesure où le Fonds faisait valoir que le dossier n’était pas revêtu de la signature du curateur, le délai n’a pas pu commencer à courir, le Fonds considérant ainsi qu’il était incomplet.
Quant au fond, la question est celle de la validité de la signature du formulaire de demande d’indemnisation par le liquidateur après faillite. La cour renvoie à l’article 44 de l’arrêté royal d’exécution de la loi, selon lequel le travailleur et, selon les cas, l’employeur ou son mandataire, le curateur, le liquidateur, le commissaire au sursis ou le nouvel employeur ou son mandataire mentionnent les renseignements appropriés sur le formulaire, les certifient exacts et les signent conjointement. Ils doivent également joindre si nécessaire les pièces justificatives. La disposition visant le liquidateur, l’intéressée s’appuie sur celle-ci pour conclure au bien-fondé de la demande.
Pour la cour, cette manière de voir n’est pas exacte, vu que l’article 73, alinéa 2, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites (applicable à l’époque) dispose que la décision de clôture des opérations de la faillite dissout la personne morale et emporte clôture immédiate de sa liquidation en cas d’insuffisance d’actif (celui-ci ne suffisant pas pour couvrir les frais présumés d’administration et de liquidation). La même disposition prévoit en son alinéa 2 que le jugement est notifié au failli et publié par les soins du greffe. Cet extrait contient les nom, prénom et adresse des personnes considérées comme liquidateurs. Il s’agit de liquidateurs après faillite, désignés par le tribunal. Ceux-ci succèdent au curateur et leur rôle est limité à la survivance passive de la société dissoute.
Il faut distinguer cette situation de la liquidation volontaire visée à l’article 184 du Code des sociétés, hypothèse dans laquelle les liquidateurs ont un rôle actif, pouvant entre autres intenter et soutenir des actions, recevoir des paiements, transiger, etc.
Pour la cour, il faut distinguer les deux missions, le liquidateur volontaire ne pouvant être confondu avec le liquidateur après faillite. Dans la disposition visée, il s’agit du liquidateur volontaire et non du liquidateur après faillite.
En l’espèce, il est exact que la liquidatrice était également gérante, mais ne pouvait plus entreprendre des actes de gestion pour la société, du fait de la faillite. Elle ne pouvait dès lors signer le formulaire. La cour accueille, en conséquence, l’appel du Fonds de Fermeture.
Intérêt de la décision
Le point fait par la Cour du travail de Liège sur la question est important, la disposition de l’arrêté royal n’ayant pas précisé s’il s’agit de toute hypothèse de liquidation ou uniquement de celle de la liquidation volontaire.
L’on notera que la référence au liquidateur figure également à l’article 65 de la loi du 26 juin 2002.
Quant à la prescription, elle est, en vertu de l’article 72 du même texte, d’un an, ce délai commençant le jour où le dossier du travailleur est complet et approuvé par le Comité de gestion du Fonds et peut être interrompu par une mise en demeure.