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Droit aux allocations de chômage et demande de dispense au motif de formation : un rappel utile

Commentaire de C. trav. Mons, 10 janvier 2019, R.G. 2018/AM/169 et 2018/AM/187

Mis en ligne le jeudi 12 septembre 2019


Cour du travail de Mons, 10 janvier 2019, R.G. 2018/AM/169 et 2018/AM/187

Terra Laboris

Dans un arrêt du 10 janvier 2019, la Cour du travail de Mons reprend les conditions fixées par l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, permettant au chômeur de suivre une formation et d’être dispensé à la fois de l’obligation de disponibilité sur le marché du travail et d’inscription comme demandeur d’emploi, ainsi que les obligations de l’assuré social dans le cadre de cette dispense.

Les faits

Après une période d’incapacité de travail, un assuré social sollicite le bénéfice des allocations de chômage, et ce à partir du 1er septembre 2015. Il demande également une dispense afin de suivre une formation (préparant à une profession indépendante de boucher-charcutier). Cette formation doit débuter le 17 septembre 2015 et se terminer le 31 juillet 2018. Il confirme dans ses déclarations à l’ONEm qu’il a signé une convention de stage et qu’il perçoit pendant la formation des avantages financiers de l’ordre de 430 euros par mois.

La durée de la formation est confirmée par l’IFAPME, celle-ci ayant une durée hebdomadaire de huit heures pour les cours théoriques, qui se déroule principalement du lundi au vendredi avant 17h00. La formation pratique n’est pas précisée, quant à l’horaire.

La demande de dispense est renvoyée à l’O.P. avec des questions, les informations données étant insuffisantes pour permettre à l’ONEm de trancher. L’intéressé est interrogé à deux reprises et, en fin de compte, l’O.P. renvoie le dossier à l’ONEm le 18 novembre, signalant l’impossibilité temporaire de le compléter. L’ONEm accorde un délai supplémentaire, jusqu’au 4 février 2016, pour donner les informations requises. L’O.P. réinterroge à deux reprises son affilié, qui ne donne pas suite.

La demande est en fin de compte refusée par une décision motivée. Celle-ci date du 11 janvier 2016.

L’intéressé est alors entendu par l’ONEm et il donne enfin les éléments requis. Il sollicite la révision du dossier. Par une décision du 7 mars 2016, l’ONEm décide cependant de l’exclure pour la période du 17 septembre 2015 au 31 décembre 2015 et de récupérer les allocations perçues. La demande de révision est rejetée.

La dispense est également refusée au motif de la condition de durée de chômage (non remplie). Pour ce qui est de la sanction, il s’agit d’un avertissement.

La décision du tribunal

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail du Hainaut (division Binche), qui a statué par jugement du 11 avril 2018. La décision administrative est confirmée, sauf pour ce qui est de la récupération des allocations de chômage pour la période du 26 octobre 2015 au 31 décembre 2015. Pour le tribunal, il y a eu une faute dans le chef de l’O.P. Le préjudice en relation causale n’a pas été fixé par ce jugement mais a fait l’objet d’une réouverture des débats.

L’appel

L’ONEm interjette appel de cette décision, demandant à la cour de rétablir sa décision administrative en toutes ses dispositions. L’O.P. est également présent à la cause en appel et demande à être libéré de toute condamnation. L’assuré social est ainsi en appel, demandant l’annulation de la décision.

La décision de la cour

La cour reprend les conditions d’exclusion du droit aux allocations de chômage, telles qu’organisées par les articles 68 et 92 de l’arrêté royal organique. Il n’y a pas de droit aux allocations de chômage pendant la période couverte par une formation (au sens de l’article 92), sauf si une dispense de l’obligation de disponibilité sur le marché de l’emploi et d’inscription comme demandeur d’emploi est accordée, ou encore si la formation est dispensée principalement le samedi ou après 17h00. L’article 92, qui permet l’octroi d’une dispense pendant la période de la formation, fixe des conditions : durée du chômage après les études ou un apprentissage (ceux-ci étant terminés depuis deux ans au moins et le chômeur ayant perçu au moins 312 allocations au cours de cette période) ou chômage pendant une période de quatre ans avant le début de la formation, période pendant laquelle il a perçu au moins 624 allocations.

Si le chômeur bénéficie des allocations d’insertion, le directeur de l’ONEm peut octroyer cette dispense en tenant compte de divers critères : âge, études déjà suivies, aptitudes, passé professionnel, durée du chômage, nature de la formation et possibilités offertes par celle-ci notamment.

La cour rappelle que la demande de dispense doit parvenir préalablement au bureau de chômage et que le chômeur a des obligations pendant cette formation, notamment de joindre mensuellement un certificat de présence pendant la durée couverte par les cours. Aucune indemnisation n’intervient en cas d’absence sans motif légitime. Enfin, la dispense peut être retirée et elle ne peut être accordée qu’une seule fois.

Elle examine, dès lors, si l’intéressé répond aux conditions de l’article 92 de l’arrêté royal, relatives à la durée du chômage, et constate qu’il ne rentre dans aucune des deux catégories visées.

S’il est prévu dans la réglementation que le ministre peut, pour remédier à des pénuries sur le marché de l’emploi, admettre des cas où la dispense peut être accordée si ces conditions ne sont pas remplies, tel n’est cependant pas le cas pour la formation projetée.

L’exclusion du droit aux allocations est dès lors justifiée.

Pour ce qui est de la récupération, se pose la question de l’existence d’une faute ou négligence dans le chef de l’O.P. et la cour rejette celle-ci.

L’assuré social lui reproche un défaut d’information, et ce avant l’entame de la formation (ayant demandé des informations dès le mois d’août), ainsi que pendant l’instruction du dossier.

La cour rappelle les obligations des organismes de paiement, reprenant essentiellement celles de la Charte de l’assuré social. Elle constate cependant que l’intéressé n’établit pas avoir sollicité des renseignements avant d’entreprendre la formation en cause. Par ailleurs, divers rappels lui ont été adressés après le mois de septembre. La cour souligne par ailleurs qu’il s’est lui-même mis en infraction avec la réglementation, vu la tardiveté de la demande et l’absence de communication des éléments requis, étant le certificat de présence.

Aucune faute ne peut, dès lors, être retenue à la charge de l’organisme de paiement.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle les conditions dans lesquelles la dispense peut être demandée, concernant l’obligation de disponibilité sur le marché du travail et celle d’inscription comme demandeur d’emploi, et ce au motif de formation.

Si des conditions sont mises, eu égard à la catégorie de chômeur pouvant bénéficier de ce mécanisme (étant ceux qui se sont trouvés au chômage pendant une période minimale), l’arrêt rappelle que le ministre peut, pour certains secteurs en pénurie, dispenser de cette condition.

Par ailleurs, cet arrêt est également un rappel de la différence existant entre les chômeurs admis au bénéfice des allocations de chômage sur la base de leur emploi et sur la base des études. Ceux qui bénéficient des allocations d’insertion peuvent demander une dispense, la formation devant ici faire l’objet d’une appréciation par le directeur de l’ONEm. Cette formation sera admise si elle répond à différents critères personnels au chômeur, étant qu’elle est susceptible de favoriser leur intégration sur le marché du travail, eu égard à l’âge de l’intéressé, ses études, ses aptitudes, son éventuel passé professionnel, la durée du chômage et la nature de la formation envisagée. Le service régional de l’emploi peut être sollicité, dans le cadre de cette procédure.


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