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Allocations de chômage à titre provisionnel : conditions du maintien

C. trav. Mons, 11 juin 2020, R.G. 2019/AM/271

Mis en ligne le vendredi 26 février 2021


Cour du travail de Mons, 11 juin 2020, R.G. 2019/AM/271

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 juin 2020, la Cour du travail de Mons rappelle qu’à défaut pour le bénéficiaire d’allocations de chômage provisionnelles d’introduire une action devant les juridictions du travail en contestation de la rupture, les allocations doivent être remboursées.

Les faits

Suite à une restructuration au sein de la société qui l’occupe, une employée, à qui il est demandé de changer de lieu de travail, refuse cette modification. Elle est en conséquence licenciée moyennant un préavis à prester. En cours de prestation, il lui est demandé d’effectuer le solde du préavis au nouveau siège, ce que l’intéressée refuse, au motif d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail. Elle constate dès lors un acte équipollent à rupture, suite auquel une convention est signée entre les parties par laquelle elle renonce à introduire une procédure.

Elle sollicite alors le bénéfice des allocations de chômage et s’engage, à ce moment, à réclamer à son employeur, au besoin par la voie judiciaire, le paiement de l’indemnité compensatoire de préavis (correspondant à la partie de celui-ci qui n’a pas été prestée) ou à des dommages et intérêts.

Elle est occupée, plus de trois semaines plus tard, dans le cadre d’un contrat d’intérim. Elle suivra ultérieurement des formations et sera ensuite engagée à durée indéterminée.

Pendant sa première occupation dans le cadre de l’intérim, elle prend contact avec le BR de Charleroi et pose la question de savoir ce qu’il en serait « au niveau du chômage » si le contrat en cours n’était pas poursuivi. Il lui est alors précisé que, si elle retravaille un minimum de quatre semaines sans interruption, sa prochaine admission se fera sur la base de ce nouvel emploi. Il est précisé que, vu la durée du contrat annoncée, ceci sera le cas, l’intéressée ayant signalé qu’elle était engagée depuis le 14 octobre, et ce jusqu’au 23 décembre.

En avril 2017, L’ONEm informe l’intéressée de la clôture de l’enquête concernant la fin de son contrat, signalant que celle-ci n’avait pas d’incidence négative sur son droit aux allocations de chômage.

En juillet de la même année, il lui est demandé de préciser l’état de sa réclamation d’une indemnité de rupture à l’employeur, l’ONEm rappelant l’engagement irrévocable de rembourser les allocations de chômage pour la période couverte par l’indemnité. Celle-ci répond qu’elle n’a pas introduit de procédure, au motif d’absence de moyens financiers.

Elle est entendue en ses moyens de défense, le délai d’introduction d’une procédure étant à ce moment dépassé. Elle précise alors avoir eu un mauvais conseil de la part de son organisation syndicale, puisqu’elle a signé une convention par laquelle elle renonçait à introduire une procédure.

Elle est, en conséquence, exclue pour la période du 19 septembre 2016 (date de l’acte équipollent à rupture) au 16 août 2017, les allocations perçues devant être remboursées.

L’intéressée introduit un recours devant le Tribunal du travail du Hainaut (division de Charleroi), qui, par jugement du 14 juin 2019, l’a déboutée au motif que l’assurance chômage ne doit pas indemniser le travailleur qui n’a pas fait valoir son droit à une indemnité de rupture ou à des dommages et intérêts.

L’intéressée interjette appel.

Moyens des parties devant la cour

L’appelante plaide essentiellement qu’elle a été induite en erreur, par la réponse de l’ONEm à son mail, étant qu’elle ne devrait rembourser les allocations que pour une période de près d’un mois (soit la période séparant la rupture de l’engagement en tant qu’intérimaire). Elle plaide qu’il y a une faute dans le chef de l’ONEm, qui n’a pas respecté l’article 3 de la Charte de l’assuré social. Elle précise que, si elle avait été dûment informée, elle aurait continué à travailler dans le cadre d’intérims au lieu de privilégier la recherche d’un emploi stable. En conséquence, elle postule l’octroi de dommages et intérêts.

La décision de la cour

Dans un premier temps, la cour rappelle le prescrit des articles 44 et suivants de l’arrêté royal organique, soulignant que l’article 47 (relatif à l’octroi des allocations provisionnelles) résulte de la transposition partielle dans celui-ci de l’article 7, § 12, de l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Il s’est agi, par cette modification de la disposition introduite par la loi-programme du 30 décembre 1988, de donner une base légale à la pratique administrative en vertu de laquelle les allocations étaient accordées à titre provisoire aux travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, n’avaient pas perçu l’indemnité de rupture ou les dommages et intérêts auxquels ils avaient droit suite à la rupture.

En l’espèce, la cour constate que l’intéressée a renoncé à introduire une action contre son ex-employeur et que c’est à bon droit qu’elle a été exclue pour toute la période couvrant les indemnités auxquelles elle aurait pu prétendre (soit onze mois). L’article 169, alinéa 2, de l’arrêté royal ne trouve pas à s’appliquer, s’agissant d’allocations provisoires. L’indu ne peut dès lors être limité.

Enfin, elle examine s’il y a eu faute, étant un manquement aux articles 3 et 4 de la Charte, rappelant que l’arrêté royal contient, en ses articles 24 et 25bis, des dispositions relatives à l’obligation d’information et de conseil, celle-ci n’étant mise à charge de l’ONEm qu’à titre résiduaire et étant confiée principalement aux organismes de paiement.

Vu les éléments de l’espèce et notamment la teneur des courriers de l’ONEm, celui-ci n’a pas commis de faute, ayant explicitement informé l’intéressée de ses obligations vu l’engagement pris et de la suite qui devrait être réservée de la part de l’Office, étant la récupération des allocations octroyées à titre provisionnel en cas de non introduction.

L’intéressée ne peut dès lors faire valoir ni une faute de l’ONEm ni une autre dans le chef de son organisme de paiement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le mécanisme légal en cas d’octroi d’allocations de chômage provisionnelles.

L’engagement du chômeur d’introduire une action devant les juridictions du travail est souscrit par celui-ci lors de l’octroi et en est une condition.

Dès lors que l’action n’est pas introduite, la sanction consiste en la récupération de l’ensemble des allocations accordées à titre provisoire, la période ne pouvant être modulée, s’agissant d’une récupération d’allocations provisionnelles accordées dans l’attente de la perception de revenus professionnels.

L’on mettra cet arrêt en parallèle avec celui rendu par la Cour du travail de Liège (division Liège) le 21 février 2020 (C. trav. Liège, div. Liège, R.G. 2018/AL/455 – précédemment commenté), où la cour avait retenu un manquement de l’ONEm à son devoir de conseil. Dans cette affaire tranchée par la Cour du travail de Liège, l’ONEm n’avait pas informé l’intéressée avant la date-anniversaire de la cessation du contrat de travail du fait que, à défaut pour elle d’introduire l’action en contestation de la rupture, il y aurait exclusion du bénéfice des allocations provisoires à dater de celle-ci. La cour avait retenu, dès lors, que l’intéressée était tenue d’introduire le recours, même si celui-ci avait peu de chances d’aboutir. L’issue de l’action est, dans ce mécanisme, sans incidence, puisque l’article 47 de l’arrêté royal ne prévoit pas de sanction si une action est introduite mais qu’elle n’a pas débouché sur une condamnation de l’employeur. Il n’y a alors pas lieu de rembourser les allocations provisoires, dans la mesure où la procédure a été entamée. La cour du travail de Liège avait dès lors conclu que le chômeur ne prend aucun risque en introduisant cette action, l’obligation en cause étant une obligation de moyen.

En l’espèce, la Cour du travail de Mons a constaté que l’information avait été donnée, et ce avant la date anniversaire de la rupture, et que l’intéressée n’a pas réservé de suite à l’obligation pour elle de saisir le tribunal.

L’on notera encore que, placé dans une telle situation, le bénéficiaire d’allocations provisionnelles doit faire la distinction entre les conditions de maintien des allocations versées à titre provisionnel sous la condition d’intentement d’une action contre l’ex-employeur et le droit aux allocations pour chômage complet, étant que le chômeur doit pour celles-ci établir qu’il n’est pas responsable de son chômage.


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