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Capacité d’agir en justice dans le chef d’UNIA

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 20 décembre 2021, R.G. 2019/AL/345

Mis en ligne le vendredi 13 mai 2022


Cour du travail de Liège (division Liège), 20 décembre 2021, R.G. 2019/AL/345

Terra Laboris

Un premier arrêt a été rendu le 30 avril 2021 (C. trav. Liège, div. Liège, 30 avril 2021, R.G. 2019/AL/345), sur le fondement de la demande, qui concerne une question de discrimination sur la base de la religion et du sexe (secteur privé).

La cour y a retenu que la volonté d’un employeur de mettre en place une politique de neutralité à l’égard de sa clientèle constitue un objectif légitime au sens de la législation anti-discrimination et de l’article 9 C.E.D.H. L’interdiction faite aux travailleuses en contact avec le public de porter le voile islamique sur le lieu de travail constitue une mesure nécessaire pour mettre en œuvre dans l’entreprise une politique de neutralité vis-à-vis de la clientèle (pharmacie). En l’espèce, aucune autre solution n’aurait pu être privilégiée qui aurait été moins contraignante tout en étant appropriée pour atteindre cet objectif. Même réalisé aux couleurs de l’entreprise, un voile islamique reste une manifestation non discrète des convictions religieuses d’une femme et empêche donc totalement l’employeur de mettre en œuvre une politique de neutralité vis-à-vis de la clientèle. Par conséquent, l’interdiction faite à la pharmacienne de porter le voile sur le lieu de travail constitue une mesure nécessaire pour mettre en œuvre dans l’entreprise une politique de neutralité vis-à-vis de la clientèle.

La cour a ordonné une réouverture des débats concernant la capacité d’agir d’UNIA. Elle se prononce donc, dans cet arrêt du 20 décembre 2021, essentiellement sur la capacité d’agir en justice dans le chef de cette institution.

Elle rappelle qu’en règle, la capacité d’agir en justice requiert la personnalité juridique, ce qui est le cas d’UNIA, qui a été habilité à ester en justice dans les litiges auxquels l’application de la loi du 10 mai 2007 donne lieu.

La cour réserve d’assez longs développements à la question de l’intérêt à agir, rappelant que le législateur peut attribuer à une personne la qualité pour agir au-delà de son propre intérêt, la qualité étant définie comme le pouvoir ou le titre en vertu duquel une personne exerce l’action en justice ou figure dans un procès. Elle peut ester, mais seulement dans les limites de l’autorisation légale.

Selon la doctrine (V. PETRY, S. GHISLAEN et S. VANTOMME, « Le racisme dans les relations de travail : défis dans la mise en pratique du dispositif fédéral anti-discrimination », Chr. D. S., 2017/07, p. 311 ; G. CLOSSET-MARCHAL et J.-F. VAN DROOGHENBROECK, « L’action en cessation en matière de discriminations », Les nouvelles lois luttant contre la discrimination, La Charte, 2008, p. 388), UNIA dispose de trois voies d’action, pouvant agir (i) au nom et pour le compte d’une victime identifiée, (ii) à l’appui d’une victime identifiée mais en son nom et pour son propre compte ou (iii) en son nom et pour son propre compte en l’absence d’une victime identifiée.

La cour précise que, contrairement à d’autres établissements ou organisations autorisés à agir en justice pour une action collective, UNIA ne doit pas démontrer qu’il est porté préjudice aux fins statutaires qu’il s’est données. Son intérêt à agir est présumé dès l’instant où il agit dans un litige auquel l’application de la loi du 10 mai 2007 donne lieu.

La cour précise encore que, lorsqu’UNIA agit pour le compte ou en soutien d’une victime identifiée, il doit prouver qu’il a reçu l’accord de celle-ci, la Cour de cassation ayant cependant jugé (Cass., 11 juin 2018, n° S.15.0072.N) que cette condition de recevabilité (accord de la victime) ne doit pas être remplie lorsque la discrimination affecte un nombre indéterminé de personnes. Ceci vaut même si cette victime est parfaitement identifiée et qu’elle constitue le canal par lequel UNIA a été informé de l’existence d’une discrimination.

En l’espèce, la demande en justice dépasse le cadre de l’autorisation donnée, de telle sorte que la cour entreprend de rechercher si la discrimination invoquée par UNIA affecte, outre l’intéressée, un nombre indéterminé de personnes. A cette question, la cour répond par l’affirmative.

Elle examine ensuite le fondement de la demande d’UNIA, se référant aux développements contenus dans son arrêt précédent.

Elle examine, enfin, la question des dépens, étant essentiellement l’indemnité de procédure. Dans la mesure où a été formulée une demande de constat de nullité de deux dispositions internes à la société (règlement de travail), l’intervention volontaire est une intervention agressive. Elle a dès lors créé un lien d’instance entre les parties. Ayant succombé, UNIA est condamné aux dépens. S’agissant d’une demande de constat de nullité, la cour fixe le montant de l’indemnité de procédure à celui correspondant aux affaires non évaluables en argent.


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