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Renonciation à l’indu par le Comité de gestion de l’ONEm et nature du contrôle juridictionnel

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), chbre 2-D, 12 octobre 2023, R.G. 2023/AL/84

Mis en ligne le lundi 27 mai 2024


C. trav. Liège (div. Liège), chbre 2-D, 12 octobre 2023, R.G. 2023/AL/84

Dans un arrêt du 12 octobre 2023, la Cour du travail de Liège rappelle que le contrôle des tribunaux du travail sur la décision du Comité de gestion de l’ONEm en matière de renonciation à l’indu est un contrôle de pleine juridiction, qui permet au juge de se substituer à l’administration.

Les faits de la cause

Mme N. a, par une décision de l’ONEm du 10 juillet 2014, été exclue du bénéfice des allocations de chômage à partir du 1er décembre 2011 pour n’être pas privée de travail, étant gérante d’une société.

La récupération des allocations payées depuis cette date a été décidée et une sanction administrative de 26 semaines a été prononcée.

Rétroactes

Mme N. a formé contre cette décision un recours déclaré recevable mais non fondé.

L’appel de Mme N. contre ce jugement a été déclaré tardif.

Toutefois, l’instruction de la cause en degré d’appel a permis d’établir que Mme N. n’avait été inscrite auprès d’une caisse pour indépendant que pour un trimestre en 2009 et qu’elle n’avait plus été inscrite jusqu’à la fin de 2014. L’ONEm s’était référé à justice sur le bien-fondé de l’appel de Mme N. La cour du travail a souligné la possibilité pour Mme N. d’introduire une demande de renonciation à la récupération de l’indu.

Le conseil de Mme N. a alors adressé à l’ONEm une requête en renonciation fondée sur l’article 22 de la Charte de l’assuré social, soulignant que le formulaire C57 téléchargé sur le site de l’ONEm ne semblait pas adapté à la demande de Mme N. mais pourrait être complété, ce qui sera fait le 31 mars 2021.

Le 8 juillet 2021, le Comité de gestion a pris, sur la base de l’article 171 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, une décision de refus vu les ressources du ménage et la circonstance que la récupération est fondée sur un travail pendant le chômage.

Mme N. a introduit contre cette décision un recours recevable.

Le jugement du tribunal du travail

Par un jugement du 24 janvier 2023, le tribunal a décidé que la décision querellée devait être annulée, étant prise sur la base de l’article 171 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il exclut de la procédure de renonciation l’hypothèse d’un cas digne d’intérêt lorsque le débiteur est de bonne foi et perçoit des ressources supérieures au plafond fixé par cette disposition.

Le tribunal a en conséquence invité le Comité de gestion à prendre une nouvelle décision sur la base de l’article 22 § 1er et § 2, 2°, de la Charte.

L’ONEm a formé contre cette décision un appel recevable.

L’arrêt commenté

L’arrêt retient que le jugement définitif du 11 décembre 2017 a expressément exclu la bonne foi de Mme N. et que, vu l’autorité positive de chose jugée de ce jugement, cette absence de bonne foi ne peut être remise en cause, en sorte que l’article 22 de la Charte n’est pas applicable, seules l’étant les dispositions de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

C’est donc en fonction de ces dispositions que la cour du travail va exercer sur la décision du Comité de gestion un contrôle de pleine juridiction avec pouvoir de substitution. L’arrêt se réfère en page 11 note 5 à M. SIMON, « Chapitre 1. Le droit aux allocations de chômage : notion » in Simon. M. (dir.) Chômage, Larcier 2021 p.14.

L’arrêt constate que la demande soumise au Comité de gestion portait sur l’application des articles 171, 172 et 173 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et que la décision administrative n’a porté que sur l’article 171 alors que la possibilité prévue à l’article 172 aurait dû être examinée.

La décision du Comité est annulée, n’étant pas correctement motivée ; le jugement est donc confirmé sur ce point mais pour d’autres motifs.

Il est réformé en ce qu’il a retenu que les juridictions étaient sans pouvoir de substitution en matière de renonciation à l’indu.

Les parties n’ayant pas pu s’expliquer sur l’application éventuelle de l’article 172 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, la réouverture des débats est ordonnée.

Intérêt de la décision commentée

En vertu de l’article 172 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, le Comité de gestion est autorisé à renoncer en partie aux sommes restant à rembourser lorsqu’il appert des éléments du dossier que le débiteur n’est pas en mesure de rembourser la totalité de sa dette et que la renonciation partielle à la récupération sauvegarde au mieux les intérêts de l’Etat et de l’Office.

Dès lors que, d’une part, suite à l’instruction de la cause en degré d’appel, l’ONEm s’était référé à justice sur le recours de Mme N. qui a été déclaré irrecevable sur un moyen soulevé d’office et que, d’autre part, l’arrêt retient que Mme N. avait deux enfants mineurs, des charges importantes et l’obligation d’apurer des crédits d’environ 2.750 €, l’article 172 semble bien être la solution.


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