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Règle spécifique de prescription en cas d’action contre HR RAIL

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 12 février 2024, R.G. 2021/AB/840

Mis en ligne le mardi 28 mai 2024


C. trav. Bruxelles, 12 février 2024, R.G. 2021/AB/840

Un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 12 février 2024 rappelle qu’en cas d’action fondée sur le statut administratif du personnel ou les règlements d’exécution de celui-ci, la loi a fixé une prescription spéciale d’un an après que la partie demanderesse a eu connaissance du fait générateur de l’action et, en tout état de cause, d’un an après la rupture du lien statutaire.

Les faits

Un agent statutaire de HR Rail fut révoqué pour motif disciplinaire en 2013. Celui-ci introduisit un recours devant le Conseil d’État (recours en suspension d’abord et en annulation ensuite), recours dont il fut débouté.

Il saisit ensuite le tribunal de première instance en 2015. Celui-ci s’étant déclaré incompétent, l’affaire fut renvoyée au tribunal du travail.

Dans son action, l’intéressé sollicite au titre de réparation de son dommage matériel des dommages et intérêts importants pour perte de revenus professionnels ainsi que du droit à la pension et subsidiairement des dommages et intérêts pour perte d’une chance de conserver son emploi. Il demande également condamnation de HR Rail à un dommage moral.

Le jugement du tribunal du travail

Par jugement du 12 octobre 2017, le tribunal a déclaré l’action prescrite.

Le demandeur a été condamné aux dépens.

Il interjette appel.

La décision de la cour

La cour examine uniquement la question de la prescription de l’action, qui avait déjà été retenue par le premier juge.

L’employeur se fonde en effet sur son statut administratif du personnel. Celui-ci prévoit que les actions judiciaires fondées sur une de ses dispositions ou des règlements pris en exécution de celui-ci sont prescrites un an après que la partie demanderesse a eu connaissance du fait générateur de l’action et, en tout état de cause, un an après la rupture du lien statutaire. Un cas spécifique concerne les actions fondées sur une décision prise par l’une des sociétés des Chemins de fer belges, le délai courant, ici, à partir du jour où l’agent a eu connaissance de la décision définitive (étant la décision rendue après l’épuisement des recours organisés ou, à défaut de l’exercice de ceux-ci, après expiration des délais prévus pour les introduire).

La cour du travail renvoie à la loi du 23 juillet 1926 créant la Société nationale des chemins de fer belges, dont elle rappelle qu’elle est toujours en vigueur et est dénommée actuellement ‘loi relative à la SNCB et au personnel des chemins de fer belges’. Celle-ci prévoit que le personnel de la SNCB est soumis à un système de réglementation complet et distinct de celui de la loi relative aux contrats de travail.

Elle rappelle un très ancien arrêt de la Cour de cassation (Cass., 29 avril 1937, Pas., page 131) ainsi qu’à un autre légèrement moins ancien (Cass., 8 février 1952, Pas., page 322) et souligne qu’il a également été confirmé de longue date en doctrine qu’en raison de l’inapplicabilité du régime de prescription prévu par la loi relative au contrat d’emploi (intitulé de la loi à l’époque), les régimes de prescription de droit commun en matière civile auraient dû s’appliquer aux agents de la SNCB mais qu’aux fins d’éviter les graves inconvénients que ceci aurait entraînés, des dispositions spécifiques ont été prises dans le statut, fixant la prescription de manière uniforme à un an.

La cour renvoie encore, pour la jurisprudence plus récente, sur cette question, à un arrêt de la Cour du travail de Liège du 7 février 2005 (C. trav. Liège, 7 février 2005, Chron. Dr. Soc., 2007/3, page 142).

Elle voit cependant dans l’intention des rédacteurs de la disposition en cause le souci de s’inspirer du délai de prescription applicable aux actions naissant du contrat de travail.

En conséquence, citant sur ce point un arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2008 (Cass., 5 mai 2008, J.T.T., 2008, page 325), la cour se réfère à l’interprétation donnée en doctrine et en jurisprudence à l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail pour déterminer le champ d’application de cette disposition du statut (article 2 du Chapitre XII). Il s’agit, en effet, dans le cadre de la loi du 3 juillet 1978, de préciser ce qu’il faut entendre par ‘actions nées du contrat’. Sont visées par-là toutes actions qui n’auraient pas pu naître sans le contrat, en ce compris les actions fondées sur d’autres dispositions que celles du contrat de travail lui-même et de la loi lorsqu’elles attachent des conséquences au contrat de travail.

Aussi considère-t-elle que la disposition est ainsi applicable aux actions judiciaires fondées sur une disposition du statut ou des règlements pris en exécution de celui-ci et ceci vise l’action d’un agent fondée sur une faute qu’il reproche à HR Rail, s’agissant du non-respect du statut ou desdits règlements.

Pour la cour même si un autre fondement est ajouté, ainsi l’article 1382 du Code civil, le fondement premier de l’action est le statut et ses règlements d’exécution.

En l’espèce, l’appelant fonde son action sur une faute, plaide l’existence d’un dommage et en demande réparation conformément à l’article 1382 du Code civil.

La faute est la décision de révocation, qui est contestée. La contestation porte ainsi sur une décision prise en application du statut et du RGPS Fascicule 550. Il ne s’agit pas d’une faute de droit commun.

Par conséquent, cette action entre dans l’article 2 du chapitre XII et elle devait être intentée dans le délai de prescription d’un an.

La cour écarte par ailleurs qu’il faille fixer la prise de cours du délai, que ce soit la date de la décision, celle de la notification ou encore l’arrêt du Conseil d’État. Dans chacune de ces hypothèses il y a prescription.

Intérêt de la décision

La cour rappelle dans cet arrêt que l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ne peut trouver à s’appliquer pour le personnel statutaire de HR Rail, la prescription pour les actions trouvant leur fondement dans le statut ou dans ses règlements d’exécution étant une prescription annale (dont l’on aura noté que le point de départ n’est pas examiné dans la décision).

Cependant, même si la loi du 3 juillet 1978 n’est pas applicable, la cour interprète la disposition pertinente du statut à la lumière de l’article 15. S’est en effet régulièrement posée la question de savoir ce qu’il faut entendre par ‘actions nées du contrat de travail’ au sens de l’article 15 et cette terminologie a son pendant dans la disposition du statut.

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2008, auquel la cour du travail se réfère, avait rappelé la règle de l’article 15, étant que les actions naissant du contrat de travail sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l’action sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat, la Cour précisant que cette disposition s’applique aux actions tendant à l’exécution d’obligations qui prennent leur source dans le contrat.

Elle avait ainsi donné la définition des termes ‘actions naissant du contrat de travail’.

La même interprétation doit dès lors valoir pour le statut du personnel de HR Rail.


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