Commentaire de Cass., 18 janvier 2016, n° S.15.0040.F
Mis en ligne le jeudi 9 juin 2016
Cour de cassation, 18 janvier 2016, n° S.15.0040.F
Terra Laboris
Par arrêt du 18 janvier 2016, la Cour de cassation rejette un pourvoi formé par l’ONSS quant à l’opposabilité d’une transaction signée après jugement : celle-ci s’impose aux tiers, qui sont tenus de reconnaitre les effets qu’elle produit entre les parties.
Les faits
La S.P.R.L. Babyliss Faco a rompu pour motif grave le contrat de travail d’un employé supérieur. Le tribunal du travail de Gand, par un jugement du 01/12/2008, a condamné l’employeur au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis de 9 mois. Ce jugement n’a pas fait l’objet d’une signification et les parties ont ensuite conclu une transaction par laquelle l’indemnité a été réduite à 6 mois. L’ONSS a réclamé à la société des cotisations de sécurité sociale sur les 9 mois. Celle-ci a payé puis a assigné l’ONSS en remboursement de l’indu.
Le tribunal du travail de Liège l’a déboutée de son action.
La cour du travail a, par un arrêt du 12 décembre 2014, réformé cette décision et dit l’action de la société fondée. Cet arrêt rappelle que, pour les employés supérieurs, le droit à l’indemnité compensatoire de préavis est fixé par le juge dans une décision coulée en force de chose jugée ou par les parties à condition que ce préavis ne soit pas inférieur au minimum légal. Aucune hiérarchie n’est fixée entre une décision judiciaire susceptible d’appel et une convention prenant acte de l’accord des parties. Une telle transaction est permise et celle-ci, ayant l’autorité de chose jugée en dernier ressort, prime le jugement.
L’ONSS s’est pourvu en cassation.
La procédure devant la Cour de cassation
L’ONSS soutenait que le jugement du tribunal du travail de Gand était, entre le travailleur et l’employeur et en vertu des articles 19, 20, 25 et 26 du Code judiciaire, définitif et que l’autorité de chose jugée qui lui était attachée subsistait tant que cette décision n’était pas infirmée à la suite d’un recours prévu par la loi. La transaction était opposable au travailleur et avait entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort (article 2052 C.J.). Par contre, elle ne pouvait fixer la base de calcul des cotisations de sécurité sociale régie par les articles 14 § 1er de la loi du 27 juin 1969 et 19 § 2 de l’A.R. du 28 novembre 1969, dispositions d’ordre public dont il ressort que les cotisations sont dues sur l’indemnité revenant au travailleur pour la rupture irrégulière de son contrat. Lorsque l’indemnité, faute d’accord des parties, a été fixée par le juge et que ce jugement n’a pas été réformé, c’est celui-ci qui fixe les droits du travailleur.
L’ONSS ajoutait que le montant sur la base duquel les cotisations doivent être calculées, soit celui fixé par le jugement, était d’ordre public et qu’en vertu de l’article 6 du Code civil, ce montant ne pouvait être réformé par une transaction.
La décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation rejette le moyen.
Lorsque la décision est susceptible d’appel et que les parties concluent une transaction par laquelle le travailleur renonce aux droits reconnus par cette décision tandis que l’employeur renonce à en interjeter appel, cette transaction s’impose aux tiers, qui sont tenus de reconnaitre les effets qu’elle produit entre les parties et, en conséquence, ne peuvent plus prétendre que les droits des parties ou de l’une d’elles ont été fixés par le jugement antérieur à la transaction.
Dès lors que l’objet de la convention n’excède pas les choses dont on peut disposer, il est sans incidence que les droits dont se prévalent les tiers intéressent l’ordre public.
Intérêt de la décision
L’article 82 § 3 de la loi du 3 juillet 1978 a été abrogé par la loi du 26 décembre 2013 instaurant le statut unique mais, pour les contrats de travail entrés en vigueur avant le 1er janvier 2014, le législateur l’a maintenu pour le calcul de la partie du préavis correspondant à l’ancienneté acquise au 31 décembre 2013.
En outre, et surtout, la solution dégagée par la Cour de cassation ne se fonde pas sur cet article 82 § 3 et pourrait s’appliquer à toute transaction portant sur « les choses dont (le travailleur) peut disposer ». Or, indépendamment de la controverse sur le moment où le travailleur peut renoncer à un droit, on peut se demander à quel droit il ne pourrait pas renoncer. On se référera, sur la question, à F. KEFER : ˝Un travailleur peut-il renoncer aux droits issus de son contrat de travail ?˝ (Rev. Fac.dr.ULG, 2013 pp 53 et ss).