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Le défaut de vigilance dans le chef d’une institution de sécurité sociale peut être une erreur de l’institution au sens de l’article 17, alinéa 2 de la Charte de l’assuré social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 février 2013, R.G. 2011/AB/728

Mis en ligne le mercredi 22 mai 2013


Cour du travail de Bruxelles, 14 février 2013, R.G. n° 2011/AB/728

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 14 février 2013, la Cour du travail de Bruxelles reprend les conditions d’application de l’article 17, alinéa 2 de la Charte de l’assuré social, dans un cas de cumul entre un traitement du secteur public (et d’une pension ensuite) avec des indemnités de mutuelle.

Les faits

Madame S. a cumulé deux activités professionnelles, étant surveillante-éducatrice (secteur public) d’une part et aide-soignante en maison de repos d’autre part. Il s’agit de deux temps partiels. Elle est admise en incapacité de travail le 28 février 2005 et bénéficie dès lors des indemnités en sus de son traitement d’éducatrice (maintenu, s’agissant du secteur public). Elle est admise à la pension prématurée pour inaptitude physique définitive en janvier 2008, avec effet au 1er février 2008. Elle perçoit alors une pension de ce chef et l’organisme assureur poursuit le paiement des indemnités de mutuelle.

L’organisme assureur dit être informé en décembre 2008, du montant de la pension et décide de récupérer un indu. Deux périodes sont concernées, étant (i) la période avant la prise de cours de la pension, pour laquelle le cumul est autorisé mais doit être limité (article 235 arrêté royal du 3 juillet 1996) et (ii) la période à partir de la pension, pour laquelle aucun cumul n’est autorisé.

Un recours est introduit devant le tribunal du travail et celui-ci fait droit à la demande de l’intéressée, par jugement du 21 juin 2011. Il dit pour droit que l’organisme assureur ne peut procéder à la récupération des montants réclamés et le condamne à payer des dommages et intérêts.

Décision de la cour du travail

La cour examine les éléments du litige dans le cadre des dispositions de la Charte de l’assuré social et particulièrement eu égard à l’article 17, alinéa 2, qui prévoit l’absence d’effet rétroactif d’une décision de revision lorsque la décision initiale a été prise suite à une erreur de l’institution de sécurité sociale et que suite à la revision le droit de l’assuré social est inférieur à celui qui lui avait été reconnu initialement. La décision de revision va dès lors dans cette hypothèse produire ses effets à partir du premier jour du mois suivant sa notification.

La cour rappelle le principe de sécurité juridique, qu’assure cette disposition.

Il apparaît en l’espèce que l’indu résulte d’une erreur de l’organisme assureur, l’intéressée ayant entrepris des démarches aux fins de régulariser la situation.

En conséquence, deux périodes doivent être examinées.

En ce qui concerne celle qui autorise le cumul (limité) - soit la période pendant laquelle l’intéressée a perçu les indemnités et son traitement, avant d’être mise à la pension - la cour constate que c’est l’organisme assureur qui n’a procédé aux vérifications nécessaires que via les bons de cotisation du secteur privé, alors que les renseignements adéquats lui avaient été fournis. Ces bons ne faisaient état que de l’occupation d’un seul temps partiel alors que – à partir des renseignements donnés par l’intéressée elle-même – elle avait deux employeurs. Pour la cour du travail il s’agit d’un manque de vigilance dans le chef de l’organisme assureur, qui s’est abstenu de toute investigation au sujet des employeurs repris par l’intéressée.

En ce qui concerne la période ultérieure, il apparaît que l’intéressée a effectué diverses démarches aux fins de s’informer en ce qui concerne la possibilité de cumul entre la pension et les indemnités. La cour relève que la mutuelle a rempli ici ses obligations, étant qu’elle a informé celle-ci de la possibilité d’un cumul (le cumul étant cependant limité dans les montants) mais qu’elle ignorait la situation exacte de l’intéressée.

Aucune information n’a en effet été communiquée à l’organisme assureur quant à la modification de la situation de l’assurée sociale et celle-ci n’a, ainsi, pas signalé qu’elle avait commencé à percevoir la pension. Elle n’a pas non plus communiqué le montant perçu. La cour retient que c’est suite à une communication du Service des Pensions que l’organisme assureur a été informé et qu’il a ainsi pu réagir. Ne peut dès lors être retenue d’erreur dans son chef. L’intéressée savait ou devait savoir, selon la cour, qu’elle n’avait plus droit à l‘intégralité des indemnités.

En conséquence, il y aura application de l’article 17, alinéa 2 de la Charte mais en partie seulement, à savoir pour la première période.

Enfin, la cour va statuer sur une demande de dommages et intérêts introduite par l’intéressée et à laquelle le premier juge avait fait droit. Il s’agit d’une demande relative à la réparation du dommage résultant de la faute de l’organisme assureur, l’intéressée ayant contracté un prêt aux fins de rembourser les sommes dues. La cour va ici s’écarter également de la décision du premier juge, constatant qu’il n’est pas établi que cet emprunt a été contracté suite à une mauvaise information donnée par la mutuelle vu que la situation était principalement due au défaut d’information par l’intéressée du montant de pension perçu dans le secteur public.

La cour considère que la faute de l’organisme assureur en ce qui concerne la question du cumul avec le traitement est réparé par l’absence d’effet rétroactif de la décision mais confirme la position de l’organisme assureur pour le reste.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail fait une juste application de l’article 17 de la Charte de l’assuré social, retenant, au titre de faute dans le chef de l’institution sociale un manque de vigilance, étant que, en présence d’informations contradictoires elle s’est abstenue toute investigation permettant une compréhension correcte de la situation de l’assuré social et que, ayant ainsi payé des indemnités indues, le remboursement ne peut être exigé. Ce n’est qu’à partir de la date normale de prise d’effet de la décision de revision que la prestation inférieure sera payée.


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