Terralaboris asbl

Accident du travail dans le secteur public et conditions d’indemnisation de l’aggravation temporaire après l’expiration du délai de revision

Commentaire de Cass., 10 mars 2014, n° S.12.0001.N

Mis en ligne le mercredi 12 novembre 2014


Cass., 10 mars 2014, R.G. n° S.12.0001.N

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 10 mars 2014, la Cour de cassation a examiné la situation d’un membre du personnel contractuel au service d’un pouvoir local (Ville) licencié pendant une période d’incapacité temporaire survenue postérieurement au délai de revision.

Les faits

Un ouvrier contractuel au service d’une administration communale est victime d’un accident du travail en 1987. La date de consolidation est fixée en août 1990, l’incapacité permanente étant de 16%.

Dans le cadre d’une revision, celle-ci est réduite à 8% à partir de novembre 1993.

En août 2007, l’intéressé connait une nouvelle période d’incapacité temporaire de travail, liée aux lésions de l’accident (genou) et subit une intervention chirurgicale. Pendant la période d’incapacité de travail, la Ville le licencie moyennant indemnité. À l’issue de la période couverte par celle-ci l’employeur public cesse de payer les indemnités pour incapacité temporaire, poursuivant cependant le paiement de l’incapacité permanente fixée à 8%.

Le motif de la cessation des paiements est que le travailleur n’est plus à son service, le lien entre l’incapacité et l’accident du travail n’étant pas contesté.

Décision de la cour du travail

Par arrêt du 20 novembre 2009, la Cour du travail de Gand a considéré, s’appuyant sur l’article 25 de la loi du 10 avril 1971, que l’employeur était tenu de payer au travailleur, sans limite dans le temps, toutes les indemnités pour la période d’incapacité temporaire de travail postérieure à la date de consolidation. En conséquence, pour la cour du travail, la Ville était tenue de poursuivre le paiement des indemnités postérieurement à la fin de la période couverte par l’indemnité compensatoire de préavis sauf s’il devait être établi que l’incapacité de travail n’est pas en lien de causalité avec l’accident du travail.

Le pourvoi

Le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour du travail de Gand contient plusieurs branches.

La seconde branche (premier rameau) considère qu’il résulte des articles 3bis, alinéa 1er et 6, § 3 de la loi du 3 juillet 1967 que, en cas d’aggravation temporaire postérieurement à la date de la consolidation, seul l’article 6, § 3 est applicable et non l’article 3bis, alinéa 1er. Selon le pourvoi, l’article 3bis n’est directement applicable que si la période d’incapacité temporaire de travail est antérieure à la date de consolidation, tandis que l’article 6, § 3 vise l’aggravation temporaire de l’incapacité permanente de travail postérieure à cette date, incapacité à la suite de laquelle la victime ne peut plus exercer temporairement son nouvel emploi.

Or, la cour du travail a fondé sa décision sur l’article 3bis, alors qu’en l’espèce la période d’incapacité temporaire totale pour laquelle la victime de l’accident demande des indemnités a pris cours postérieurement à cette date. La cour ne pouvait dès lors condamner l’employeur public au paiement sans limite de temps des indemnités pour la période d’incapacité temporaire (obligation qui pourrait dans ce cas cesser si le lien de causalité venait à disparaître).

Décision de la Cour

La Cour accueille cette branche du moyen, rappelant le mécanisme légal d’indemnisation dans le secteur public en cas d’aggravation. Si l’incapacité de travail permanente reconnue à la victime s’aggrave au point qu’elle ne puisse plus exercer temporairement son nouvel emploi, il y a lieu, en vertu de l’article 6, § 3 de la loi de l’indemniser conformément à l’article 3bis. Celui-ci dispose que, sous réserve de l’application d’une disposition légale ou réglementaire plus favorable, le membre du personnel bénéficie pendant la période d’incapacité temporaire, et ce jusqu’à la reprise complète du travail, des dispositions prévues en cas d’incapacité temporaire totale. Il est ainsi renvoyé à la loi du 10 avril 1971 (secteur privé), dont l’article 22 prévoit que lorsque l’accident a été la cause d’une incapacité temporaire et totale, la victime a droit à une indemnité journalière égale à 90% de la rémunération quotidienne moyenne. En cas d’aggravation temporaire, l’article 25, alinéa 1er, qui vise, renvoie aux indemnités d’incapacité temporaire fixées à cet article (ainsi qu’aux articles 23 et 23bis). S’il s’agit d’une aggravation temporaire produite après le délai de revision (délai de l’article 72), les indemnités ne sont cependant dues que si l’incapacité permanente de travail atteint au moins 10%.

L’arrêté royal du 13 juillet 1970 (relatif au personnel des services publics ou pouvoirs locaux) prévoit la possibilité d’introduire une demande de revision des rentes dans les trois ans à dater de la notification de la décision statuant sur les séquelles de l’accident. En l’espèce, l’aggravation temporaire de l’incapacité permanente est survenue postérieurement à l’expiration de ce délai de revision.

Par ailleurs, en vertu du règlement communal, le membre du personnel contractuel (ou statutaire) bénéficie pendant la durée de son occupation d’une disposition plus favorable du règlement du personnel, à savoir le droit à des indemnités pour incapacité temporaire pour la période de l’aggravation temporaire, et ce indépendamment du taux de l’incapacité permanente.

Cependant, cette situation cesse à la fin du contrat et, si cette période d’aggravation temporaire se poursuit après celle-ci, la victime a alors droit à une indemnité journalière égale à 90% de la rémunération quotidienne moyenne mais ce, à la condition de respecter l’article 25, alinéa 3 de la loi du 10 avril 1971, étant que si l’aggravation temporaire se produit postérieurement à l’expiration du délai de revision (ici calculée en fonction de l’article 11 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970), l’incapacité permanente de travail doit être de 10% au moins.

Tel n’était cependant pas le cas en l’espèce, le taux ayant été réduit à 8% dans le cadre de la procédure en revision.

Pour la Cour de cassation, la cour du travail ne pouvait dès lors rejeter l’application de l’article 25 de la loi du 10 avril 1971, au motif qu’une disposition similaire, à savoir l’article 6, § 3, est prévue dans la loi du 3 juillet 1967.

Intérêt de la décision

L’article 6, § 3 de la loi du 3 juillet 1967 dispose que si l’incapacité de travail permanente reconnue à la victime s’aggrave au point qu’elle ne puisse plus exercer temporairement son nouvel emploi, elle a droit pendant cette période d’absence aux indemnités prévues en cas d’incapacité temporaire totale sous réserve de l’application d’une disposition légale ou réglementaire plus favorable. A défaut d’une telle disposition, il est ainsi renvoyé à la loi du 10 avril 1971. Si l’arrêté royal du 13 juillet 1970 ne reprend pas cette disposition, en l’espèce, l’intéressé bénéficiait pendant le contrat de travail de sa rémunération normale en vertu du statut des agents de la ville, également applicable au personnel contractuel. L’intéressé étant licencié, il était en droit de bénéficier des indemnités prévues aux articles 22, 23 et 23bis de la loi, à la condition cependant de respecter l’article 25, alinéa 3, en vertu duquel l’aggravation temporaire survenant après le délai de revision ne peut être indemnisée que si le taux d’incapacité permanente est de 10%.


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