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Cotisations O.N.S.S. dues par une association de fait : partage de la dette

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 septembre 2015, R.G. 2013/AB/1.102

Mis en ligne le mardi 23 février 2016


Cour du travail de Bruxelles, 2 septembre 2015, R.G. 2013/AB/1.102

Terra Laboris

Dans un arrêt du 2 septembre 2015, à l’occasion d’une action mue par l’O.N.S.S. en paiement de cotisations, la Cour du travail de Bruxelles rappelle d’une part les règles de procédure en ce qui concerne les associations de fait, dépourvues de la personnalité juridique, ainsi que celles relatives au partage de la dette dans une telle hypothèse.

Les faits

Une association de fait est constituée entre deux titulaires d’une même profession libérale et l’O.N.S.S. immatricule cette association de fait, comme demandé par ses membres, en 1988.

Un différend survient entre les deux associés en 1992, ayant pour effet de laisser impayées les cotisations O.N.S.S. pour deux trimestres de l’année 1992.

Trois citations sont lancées entre 1993 et 1995, chacune visant les deux associés en leur qualité d’associés de fait et portant sur la totalité des cotisations impayées.

Un des deux associés décède en 2001 et un administrateur provisoire est désigné à sa succession.

Le tribunal du travail statue, en novembre 2012, condamnant d’une part l’administrateur provisoire et, d’autre part, le second associé à la totalité de l’impayé. Ce dernier interjette appel du jugement.

Il pose en premier lieu une question quant à la recevabilité de la demande.

Il considère également ne pas être tenu au paiement des cotisations impayées, faisant valoir qu’il a été évincé de l’association pendant la période visée.

La décision de la cour

La cour est ainsi amenée à rappeler les règles de procédure vis-à-vis des associations de fait. Celles-ci étant dépourvues de la personnalité juridique, l’action en justice ne peut être dirigée contre l’association elle-même. En règle, elle devrait l’être contre tous les membres mais, renvoyant à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 24 janvier 2014 (C. trav. Brux., 24 janvier 2014, J.T.T., 2014, p. 206), la cour retient qu’elle est recevable, même si elle n’est dirigée que contre un ou plusieurs de ceux-ci, dans la mesure où ils sont habilités à représenter les autres.

La cour rappelle qu’en application de l’article 21 de la loi du 27 juin 1969, les groupements dépourvus de la personnalité juridique doivent faire connaître l’identité de leurs associés. Ceux-ci ont alors la qualité d’employeur à l’égard de l’Office, et ce éventuellement pour compte des autres dont l’identité n’a pas été signalée.

La cour conclut à la recevabilité d’une action introduite contre les personnes ayant rempli le formulaire d’immatriculation.

L’Office ne doit pas procéder à des vérifications supplémentaires aux fins de vérifier s’il y a d’autres membres dans celle-ci. Ces personnes conservent dès lors la qualité d’employeur jusqu’à la radiation de l’immatriculation de l’association, et ce indépendamment d’autres événements (ainsi éviction d’un des membres).

La cour admet, cependant, qu’il peut y avoir partage de la dette, celle-ci étant divisible. Elle renvoie à M. COIPEL (M. COIPEL, « L’association de fait : une notion juridique nébuleuse », Revue pratique des sociétés, 2013, p. 147). La dette doit, en application de l’article 1202 du Code civil, être divisée en parts égales.

Toute convention autre, régissant les relations des membres entre eux, n’est pas opposable.

La cour va encore examiner la question de la suspension des intérêts judiciaires. Les faits sont en effet relatifs à l’année 1992 et le tribunal du travail n’a statué que vingt ans plus tard, suite à une demande de mise en état par l’O.N.S.S. Les conclusions prises par l’associé appelant ayant, quant à elles, été déposées en novembre 1994, la cour va suspendre le cours des intérêts entre la date de dépôt de celles-ci et la demande de mise en état du dossier, qui est intervenue en 2011. Elle fait ici une application de l’article 6, § 1er, de la C.E.D.H., qui impose la garantie du délai raisonnable.

Intérêt de la décision

Ce bref arrêt fait un judicieux rappel de plusieurs règles, étant, en premier lieu, les conséquences sur le plan procédural de l’absence de personnalité juridique d’une association de fait. En l’occurrence, c’est l’association elle-même qui était employeur mais, au sens de la législation O.N.S.S., il s’agit de retenir comme ayant cette qualité les personnes physiques ayant sollicité l’immatriculation à l’O.N.S.S.

La cour renvoie par ailleurs à un récent arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 24 janvier 2014 (C. trav. Brux., 24 janvier 2014, R.G. 2012/AB/1.173 – 2013/AB/00216) rendu à propos d’une organisation syndicale. La cour du travail y a admis que, dans des circonstances déterminées, la procédure judiciaire peut être introduite contre la personne de son secrétaire régional ou de son président (en l’espèce), s’agissant d’un litige relatif à la rupture d’un contrat de travail. La cour du travail y renvoie à un ancien arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 1961 (Cass., 6 novembre 1961, Pas., 1962, I, p. 267), qui a admis que l’ensemble des membres de l’association de fait peuvent avoir délégué leurs pouvoirs à une personne déterminée, qui exerce sur le travailleur l’autorité patronale.

L’arrêt rappelle également très utilement qu’en l’absence de solidarité légale (ou conventionnelle), la dette doit, en vertu de l’article 1202 du Code civil, être partagée en parts viriles, c’est-à-dire en parts égales entre les débiteurs.


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