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Accident du travail : étendue de l’obligation pour l’assureur-loi d’informer l’organisme assureur en A.M.I.

Commentaire de Cass., 23 novembre 2015, n° S.13.0078.N

Mis en ligne le mardi 10 mai 2016


Cour de cassation, 23 novembre 2015, n° S.13.0078.N

Terra Laboris

Dans un arrêt du 23 novembre 2015, la Cour de cassation accueille un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 21 janvier 2013, qui avait fait une mauvaise application de l’article 63, § 2, alinéa 4, de la loi du 10 avril 1971, en ce qui concerne les cas dans lesquels l’assureur-loi est tenu d’informer l’organisme assureur en A.M.I. de la fin de son intervention.

Rétroactes

Un accident du travail survint en août 2005 et fut pris en charge par l’assureur-loi. Une intervention chirurgicale fut pratiquée le 19 janvier 2006 et le 22 février 2006 l’assureur informa l’intéressé et sa mutuelle que, suite à un rapport médical de son médecin-conseil, il était apparu que cette opération n’était plus en lien avec l’accident, de telle sorte qu’il estimait devoir mettre un terme à son intervention dans le cadre de l’incapacité temporaire.

Trois ans plus tard, soit en janvier 2009, la mutuelle fit un courrier, signalant qu’elle n’avait été prévenue qu’en février 2006 de la modification du taux d’incapacité de travail, c’est-à-dire en dehors du délai de sept jours prévu à l’article 63, § 2, alinéa 4, de la loi. Elle réclama le remboursement d’un montant de l’ordre de 1.450 €, correspondant aux indemnités pour la période du 19 janvier au 22 février. L’assureur considéra, dans son courrier en réponse, que l’incapacité de travail à partir du 19 janvier (date de l’opération) avait une autre cause, étrangère à l’accident du travail, de telle sorte que l’obligation d’information figurant à l’article 63 de la loi n’était pas d’application. Il faisait également valoir que, dès qu’il avait été en possession du rapport de son médecin-conseil, il avait informé la mutuelle aussitôt.

Celle-ci répondit que, dans la mesure où l’incapacité de travail consécutive à l’accident du travail se terminait le 19 janvier 2006, elle aurait dû être informée de la modification du taux d’incapacité, de 100% à 0%, au plus tard le 26 janvier 2006, alors que l’information n’intervint que le 22 février.

La procédure

La mutuelle introduisit une procédure devant le Tribunal du travail de Louvain par citation du 2 septembre 2010, réclamant le remboursement de ses interventions. Son recours fut rejeté par jugement du 15 novembre 2011. Elle interjeta appel devant la Cour du travail de Bruxelles, et celle-ci rendit un arrêt le 21 janvier 2013.

Dans sa décision, la cour du travail constata que les parties étaient d’accord pour considérer que l’incapacité de travail consécutive à l’intervention chirurgicale était sans aucun lien avec l’accident du travail. Pour la cour, en conséquence, il ne pouvait y avoir de modification du taux d’incapacité suite à l’accident, mais simplement une incapacité ayant une autre cause. Elle conclut que, dans une telle hypothèse, il n’y a pas d’obligation légale au sens de l’article 63, § 2, alinéa 4, de la loi sur les accidents du travail, pour l’assureur-loi d’informer l’organisme assureur A.M.I. et que, dès lors, ce dernier n’était pas fondé à réclamer le remboursement de ses interventions à dater du jour de l’opération.

La cour rejeta ainsi l’argumentation de l’organisme assureur, selon laquelle le devoir d’information prévu à la disposition ci-dessus doit être respecté, peu importe si l’incapacité de travail trouve son origine ou non dans l’accident du travail.

Le pourvoi

Un pourvoi fut formé contre cette décision. Sa troisième branche fait valoir une violation de l’article 63, § 2, alinéas 3 et 4, de la loi. Il considère que l’obligation d’information existe non seulement en cas de modification du taux d’incapacité, mais également en l’absence d’une telle modification, si l’assureur-loi considère ne plus devoir intervenir à un moment donné, l’incapacité de travail étant due à une autre cause. Il souligne que l’obligation d’information a notamment pour but de préserver les droits de la victime de l’accident du travail en ce qui concerne les indemnités d’incapacité dès lors que l’assureur ne prend plus celles-ci en charge. La disposition a également pour but de préserver les droits de l’organisme assureur A.M.I., dans la mesure où elle lui permet de procéder à la vérification des conditions pour bénéficier des indemnités dans ce secteur et, notamment, de vérifier si l’intéressé présente le taux d’incapacité requis.

Il précise encore que, pour l’application de la disposition légale et de la sanction en cas de défaut d’information, il est sans intérêt de savoir si l’organisme assureur reconnaît ultérieurement que les indemnités ont été versées pour une cause étrangère à l’accident du travail.

La décision de la Cour

La Cour accueille le pourvoi.

Elle reprend le mécanisme de l’article 63, § 2. En cas de refus de prise en charge ou si l’assureur estime qu’il existe un doute quant à l’application de loi, il doit prendre position dans les 30 jours suivant la réception de la déclaration (§ 1er) et prévenir, dans le même délai, l’organisme assureur auquel la victime est affiliée, cette notification devant être accompagnée d’une copie de la déclaration d’accident. Elle vaut comme déclaration d’incapacité introduite en temps utile. L’omission de cette information entraîne une sanction, étant que les indemnités d’incapacité de travail prévues par l’assurance obligatoire A.M.I. sont dues par l’assureur-loi du début de l’incapacité jusqu’au jour de la déclaration inclus (à la condition que le travailleur remplisse les autres conditions). L’assureur A.M.I. verse ces indemnités à la victime et les récupère directement auprès de l’assureur-loi. Dans l’hypothèse où une modification intervient dans le pourcentage d’incapacité attribuée à la victime, une obligation identique existe, celle-ci devant être exécutée dans les sept jours suivant celui où est intervenue ladite modification.

Pour la Cour de cassation, il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’est visée non seulement l’hypothèse d’une modification du taux d’incapacité de travail en tant que telle, mais également celle où l’incapacité n’est plus la conséquence de l’accident du travail, mais a une autre cause (selon l’opinion de l’assureur).

La cour du travail ne pouvait dès lors considérer que cette formalité ne devait pas être accomplie au motif que l’incapacité de travail était restée inchangée, mais qu’elle avait une autre cause, n’étant plus liée à l’accident du travail mais à une intervention chirurgicale indépendante de celui-ci.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de cassation est d’une importance primordiale. Il précise en effet les contours de l’obligation d’information de la part de l’assureur-loi en cas d’évolution de la situation de la victime pendant l’incapacité temporaire de travail.

Le pourvoi rappelait à cet égard l’importance des notifications légales prévues, étant qu’elles ont pour objet de préserver les droits de la victime dans le secteur A.M.I. et, également, ceux de l’organisme assureur dans ce même secteur.

L’on relèvera que l’obligation légale a dès lors, pour la Cour de cassation, un contenu très large, étant qu’elle existe non seulement en cas de modification du taux lui-même (incapacité temporaire uniquement), mais également en cas de persistance de l’incapacité de travail totale, la cause de celle-ci étant cependant distincte. La question est dès lors clarifiée, conformément au vœu du législateur, qui vise la protection des intérêts des organismes de sécurité sociale et de l’assuré social dans le secteur A.M.I.


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