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Bénéfice d’allocations de chômage provisoires : étendue de la récupération en cas d’octroi par le tribunal des indemnités AMI

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 février 2016, R.G. 2014/AB/378

Mis en ligne le lundi 10 octobre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 3 février 2016, R.G. 2014/AB/378

Terra Laboris

Dans un arrêt du 3 février 2016, la Cour du travail de Bruxelles reprend le mécanisme de l’article 62, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui prévoit l’octroi d’allocations de chômage provisoires si une procédure est introduite en contestation devant le tribunal du travail d’une décision de fin d’incapacité dans le secteur AMI. La cour y examine particulièrement l’hypothèse où les indemnités récupérées en AMI sont inférieures aux allocations de chômage versées.

Les faits

Suite à une décision de l’I.N.A.M.I. lui notifiant la fin de son incapacité de travail, un assuré social introduit un recours devant le Tribunal du travail de Bruxelles. Il perçoit, pendant le cours de la procédure, les allocations provisoires, comme prévu à l’article 62, § 2, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage.

La Cour du travail de Bruxelles reconnaîtra, par un arrêt de juin 2012, le bien-fondé du recours, étant que l’intéressé est considéré comme en incapacité de travail depuis la date de prise de cours de la décision de l’I.N.A.M.I. (18 juillet 2005), jusqu’en juin 2009.

Neuf mois plus tard, l’ONEm prend une décision, excluant l’intéressé pour la période correspondante (juillet 2005 – juin 2009) et annonçant la récupération des allocations correspondantes. Il s’agit d’un montant de plus de 48.000 €.

Une demande parallèle est faite à l’organisme assureur AMI, portant sur les indemnités de ce secteur. La mutuelle rembourse, ainsi, un montant de plus de 42.000 €. Reste à rembourser par l’intéressé le solde de l’ordre de 6.000 €.

Celui-ci introduit une contestation judiciaire. Il est débouté de sa demande par jugement du 18 mars 2014 et interjette appel.

La décision de la cour

La cour relève que les allocations étaient dues, provisoirement, au moment de leur octroi. La chose est prévue par l’article 62, § 2, de l’arrêté royal, qui dispose que le travailleur considéré comme apte en application de la législation AMI et qui conteste cette décision peut bénéficier des allocations à titre provisoire.

Dès lors cependant que le droit aux indemnités AMI lui est reconnu, c’est-à-dire à partir de la date du prononcé de l’arrêt de la cour du travail, une partie des allocations a un caractère indu.

Dans cette situation, existe une instruction de l’ONEm (n° 60798A), permettant de limiter la récupération au montant des indemnités perçues en AMI.

Quatre conditions sont exigées, cumulativement, étant que i) le recours a été déclaré fondé, ii) la décision judiciaire a été communiquée immédiatement au bureau de chômage (étant qu’une copie doit parvenir au plus tard le dernier jour du mois calendrier suivant celui de la décision judiciaire, iii) le travailleur ne doit pas être responsable de l’indu, à savoir du fait que les indemnités AMI sont inférieures aux allocations de chômage et iv) le travailleur ne doit pas laisser se prolonger la procédure judiciaire « plus que nécessaire ».

Est en discussion, en l’espèce, le fait que l’intéressé n’a pas communiqué la décision judiciaire immédiatement à l’ONEm. Pour la cour, si le délai d’un mois ci-dessus n’est pas respecté, l’ONEm peut encore apprécier la célérité avec laquelle le bureau de chômage a été averti. Le pouvoir d’appréciation de l’administration appartient également aux juridictions.

Le but de la règle posée est d’éviter un cumul indu entre les indemnités AMI et les allocations de chômage. Or, en l’espèce, tel n’a pas été le cas, dans la mesure où les indemnités n’ont pas été payées directement à l’assuré social, puisqu’elles ont été versées par la mutuelle à l’ONEm. Dès lors, cette condition doit en l’espèce être considérée comme remplie.

A supposer encore que l’on ne partage pas cette conclusion, la cour renvoie aux termes de l’arrêté royal lui-même, dont l’article 169, alinéa 5, dispose que (par dérogation aux alinéas qui précèdent) le montant de la récupération peut être limité au montant brut des revenus dont le chômeur a bénéficié et qui n’était pas cumulable avec les allocations de chômage, et ce s’il a perçu de bonne foi les allocations auxquelles il n’avait pas droit.

En l’espèce, il n’est pas établi que l’intéressé n’était pas de bonne foi. Le fait de ne pas avoir averti immédiatement l’ONEm ne peut constituer la preuve d’une quelconque mauvaise foi dans son chef, dans la mesure où il n’y a pas eu perception des deux types d’avantage cumulativement.

La récupération par l’ONEm doit dès lors être limitée au montant des indemnités d’assurance maladie-invalidité. C’est la conclusion à laquelle mènent les deux fondements réglementaires examinés ci-dessus.

Intérêt de la décision

L’on sait qu’en cas de contestation d’une décision d’aptitude en AMI, la réglementation chômage prévoit l’octroi à l’assuré social des indemnités de chômage à titre provisoire. Celles-ci seront accordées pendant toute la durée de la procédure. L’espèce commentée vise le point spécifique de la limitation de la récupération des allocations de chômage au maximum des indemnités AMI lorsque celles-ci sont inférieures aux allocations perçues. Plus régulièrement, des questions se posent cependant lorsque les allocations de chômage sont octroyées à titre provisionnel sur la base de l’article 47 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, à savoir lorsque le travailleur n’a pas été indemnisé (indemnité de rupture) à l’issue du contrat de travail. Dans cette hypothèse, l’arrêté royal lui-même prévoit les conditions à respecter pour bénéficier des allocations et pour continuer à en bénéficier en cours de procédure. Dans cette hypothèse également, l’obligation d’informer l’Office de toute décision judiciaire existe. Elle n’est cependant, dans l’arrêté royal, pas assortie d’un délai.


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