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Contrat de formation-insertion en entreprise et accident du travail

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Dinant), 6 juin 2016, R.G. 11/37/A

Mis en ligne le mardi 13 décembre 2016


Tribunal du travail de Liège, division Dinant, 6 juin 2016, R.G. 11/37/A

Terra Laboris

En cas d’accident du travail survenu dans le cours d’un contrat de formation-insertion en entreprise encadré par le Décret du Gouvernement wallon du 18 juillet 1997, il n’y a pas application de la loi du 10 avril 1971, l’employeur devant cependant conclure un contrat d’assurance responsabilité civile auprès d’une compagnie agréée aux fins de couvrir la victime « comme » en loi du 10 avril 1971.

Les faits

Un accident survient à un stagiaire prestant dans le cadre d’un contrat de formation-insertion en entreprise. La convention qui le lie à la société est encadrée par le FOREm en application du Décret du Gouvernement wallon du 18 juillet 1997 relatif à l’insertion de demandeurs d’emploi auprès des employeurs qui organisent une formation permettant d’occuper un poste vacant.

Cet accident n’est pas contesté. Les parties ont recouru à une expertise amiable et l’expert a conclu dans son rapport d’expertise à une incapacité de travail temporaire de deux ans et à un taux d’incapacité permanente de 18%. Est également prévu un poste relatif à des dommages dentaires.

La cause oppose l’intéressé à la compagnie d’assurances de l’entreprise qui l’occupait (police de droit commun) et à la mutuelle.

Analyse faite par le tribunal du travail

Le tribunal relève que l’affaire ne tombe pas dans le champ d’application de la loi du 10 avril 1971. Le stagiaire reste, pendant l’exécution de son stage, inscrit comme demandeur d’emploi et peut même continuer à bénéficier d’allocations. Il n’est dès lors pas assujetti à la sécurité sociale. Le tribunal relève également qu’aucune extension du champ d’application de la loi de 1971 n’a été prévue pour ce type de travailleurs.

En vertu du décret wallon, l’employeur doit s’assurer contre les accidents du travail auprès d’une compagnie agréée qui lui garantit les mêmes avantages que ceux de la loi du 10 avril 1971. Il s’agit d’un contrat d’assurance responsabilité civile et l’employeur est tenu d’apporter la preuve de la couverture du stagiaire à la demande du FOREm.

Tout accident doit être porté immédiatement à la connaissance du FOREm et le Service du Contrôle de l’INAMI doit être informé également. En ce qui concerne l’indemnisation de la victime, celle-ci doit intervenir sur la base de la rémunération de la profession pour laquelle elle est formée (après déduction des cotisations de sécurité sociale).

Le tribunal constate qu’il y a dès lors une protection analogue à celle prévue par la loi du 10 avril 1971, celle-ci étant à charge de l’employeur et non à charge de l’assureur. Pour le tribunal, sur le plan procédural, il n’y a cependant pas d’action directe contre l’assureur, comme c’est dans le cas dans le cadre de la loi du 10 avril 1971. Ce droit d’action directe peut cependant découler des dispositions du contrat ou encore de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre (articles 86 et 87), étant que l’assurance fait naître au profit de la personne lésée un droit propre contre l’assureur. Le tribunal relève, en rappelant la doctrine (M.A. SWARTENBROEKX, obs. sous C. trav. Liège, 2 février 1995, Chron. de D.S., 1997, p. 68), que le contrat d’assurance doit, pour ce faire, se rattacher à la catégorie des assurances de responsabilité.

Ce point n’est en l’espèce pas contesté dans le chef de l’assureur. Celui-ci est d’ailleurs déjà intervenu aux fins de prendre en charge une partie de la réparation.

Quant à la mutuelle, celle-ci a indemnisé partiellement le travailleur en indemnités et également en soins de santé. Elle demande l’application de l’article 136, § 2, de la loi coordonnée. Le tribunal rappelle sur cette question que la victime dispose d’un recours direct contre l’assureur et qu’il en va de même de la mutuelle, subrogée de plein droit au bénéficiaire.

Le tribunal va dès lors examiner les différents postes. Il constate une contestation de l’assurance en ce qui concerne les intérêts. Il rappelle que l’indemnisation de l’accident ne représente une dette de sommes qu’à partir du moment de l’évaluation du dommage qui est effectivement lié, en l’espèce, au dépôt des conclusions de l’expertise. Avant ce dépôt, la dette est une dette de valeur, qui peut engendrer des intérêts compensatoires. Elle renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 19 mars 2012, J.T.T., 2012, p. 227), qui a précisé la notion de dette exigible : c’est une dette qui doit être payée sans qu’il soit exigé qu’elle soit certaine, c’est-à-dire qu’elle soit exempte de contestation, sachant que la contestation ne suspend pas l’obligation de payer et n’affecte pas l’exigibilité.

La demande en l’espèce porte sur l’octroi d’intérêts à partir d’une date moyenne. Le tribunal accorde des intérêts compensatoires au taux légal depuis l’échéance du terme des indemnités mensuelles restant dues pour l’incapacité temporaire et, ensuite, des intérêts moratoires au taux légal à dater du dépôt des conclusions de l’expertise. En ce qui concerne l’incapacité permanente, il accorde des intérêts moratoires. Sur le préjudice dentaire et les autres frais (déplacements), il constate que, rien n’étant prévu dans le contrat d’assurance, il y a lieu de renvoyer à la loi du 10 avril 1971. Le contrat y fait en effet référence. Conformément à l’article 41 de la loi, les intérêts de retard sont dès lors dus de plein droit dans les deux mois de la réception des pièces justificatives. Reste à examiner sur la base de ces principes la date de prise de cours.

En ce qui concerne la demande de l’organisme assureur AMI, fondée sur l’article 136, § 2, de la loi coordonnée, le tribunal reprend également les principes d’indemnisation et de non-cumul. Les conséquences de l’accident doivent être prises en charge par l’assureur, en vertu du droit commun. C’est un débiteur au sens de l’article 136, § 2, de la loi coordonnée. Pour ce qui est dû à la victime par l’assureur résultant d’un contrat « de type loi », le tribunal retient, des clauses contractuelles, que le principe n’est pas celui d’une indemnisation limitée au tiers payant. Sur le plan des indemnités, pour la période de l’incapacité temporaire, aucune disposition spécifique ne figure, limitant l’indemnisation ou le paiement (l’assureur ayant d’ailleurs indemnisé l’intégralité de la période d’incapacité temporaire - sauf une très courte période litigieuse, eu égard à un différend médical).

Quant aux intérêts, il s’agit des intérêts moratoires, réclamés par la mutuelle à partir d’une date moyenne. Sur ceux-ci, le tribunal considère que la mutuelle ne peut obtenir plus que ce que le demandeur aurait pu obtenir lui-même, mais uniquement à concurrence de ce qu’elle a payé. Il ne peut dès lors être question de calculer ceux-ci pour une période précédant la date de ces décaissements ni pour celle à laquelle la victime aurait pu prétendre aux intérêts eux-mêmes.

Intérêt de la décision

Dans ce jugement, très complet, le Tribunal du travail de Liège reprend point par point les divers postes de l’indemnisation de l’accident du travail, prenant en compte le fait que les règles fixées dans la loi du 10 avril 1971 ne peuvent s’appliquer en tant que telles. Les obligations mises à charge des entreprises dans le cadre d’un contrat de formation-insertion par le Décret du Gouvernement wallon du 18 juillet 1997 sont cependant très précises, s’agissant d’octroyer à la victime les mêmes avantages que ceux mis à charge de l’assureur-loi par la loi du 10 avril 1971.

Les divers postes sont dès lors examinés à la lumière des règles fixées par cette loi. L’on notera l’attention particulière apportée par le tribunal à l’examen des intérêts compensatoires et/ou moratoires.

L’on peut enfin souligner que, si le tribunal avait ordonné une expertise judiciaire, les parties ont recouru à une expertise amiable, prévue dans le contrat d’assurance, chose qui ne serait pas admise dans le cadre de la loi du 10 avril 1971.


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