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Accident du travail dans le secteur public : caractère contraignant des décisions du MEDEX

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 8 décembre 2022, R.G. 2021/AL/460

Mis en ligne le lundi 26 juin 2023


Cour du travail de Liège (division Liège), 8 décembre 2022, R.G. 2021/AL/460

Terra Laboris

Dans un arrêt du 8 décembre 2022, statuant dans le cadre de l’arrêté royal du 24 janvier 1969, la Cour du travail de Liège (division Liège) conclut que la décision du MEDEX n’est contraignante vis-à-vis de l’employeur public et du juge que pour la seule question du taux d’incapacité permanente.

Les faits

Mme B., conseillère dans un service public (FOREm), a été victime d’un accident sur le chemin du travail en 2011. Une première décision du MEDEX est intervenue en 2012 relative aux périodes d’incapacité et, ensuite, pour ce qui est de la consolidation des séquelles, pour lesquelles un taux d’I.P.P. de 10% a été retenu. Une proposition de règlement a été adressée à l’intéressée et celle-ci l’a acceptée, permettant à l’administration de prendre une décision officielle en avril 2013.

Les parties ont déposé une requête conjointe au greffe du Tribunal du travail le 26 février 2014, la partie demanderesse sollicitant la prise en charge des pertes de rémunération, la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques, ainsi que le remboursement de frais suite à une intervention chirurgicale. Elle y précisait également postuler la condamnation de la partie défenderesse au paiement des indemnités légales, s’agissant d’appliquer l’arrêté royal du 24 janvier 1969.

Ayant dû subir une nouvelle intervention chirurgicale en 2014, l’intéressée se désista de sa demande initiale mais sollicita la désignation d’un expert en ce qui concerne la rechute en incapacité de travail.

Le tribunal statua par jugement du 16 mai 2014, constatant qu’était en litige une période d’incapacité temporaire postérieure à la consolidation et désignant un expert.

La procédure se complexifia, la victime de l’accident mettant à la cause l’assureur du tiers responsable aux fins de lui rendre l’expertise opposable. Dans le cours de celle-ci, le MEDEX prit alors une nouvelle décision, modifiant ses conclusions antérieures. Il fixa les périodes d’incapacité temporaire totale ainsi que celles pour prestations réduites, consolidant alors au 1er avril 2015 avec 15% d’I.P.P. Cette décision ne fut pas contestée. L’expert poursuivit son expertise (manifestement sans que la nouvelle décision du MEDEX ne lui fut communiquée).

Une aggravation intervint encore en 2018, suite au descellement du matériel d’ostéosynthèse. Après une période d’incapacité temporaire totale de six mois environ, l’intéressée fut mise en incapacité temporaire à 50%. Informé de cette nouvelle aggravation, l’expert constata que la question de la nouvelle intervention n’était pas dans sa mission, laquelle portait sur le point de savoir si l’incapacité de travail survenue en 2014 était en rapport avec l’accident du travail de 2011. Aucune extension de la mission de l’expert n’intervint.

Après l’envoi des préliminaires du rapport (rapport provisoire), l’expert fut mis en possession de la décision du MEDEX de 2016 et considéra qu’il s’agissait d’un débat juridique à porter devant le tribunal. Il conclut son rapport final en rejetant l’imputabilité de la période d’incapacité temporaire à partir de 2014 à l’accident de 2011.

Ce rapport fut entériné par jugement du 24 juin 2021, jugement faisant l’objet de l’appel formé devant la cour du travail et aboutissant à l’arrêt du 8 décembre 2022.

Position des parties devant la cour

L’appelante fixe les périodes d’incapacité temporaire à 100% et 50%, dont elle demande qu’elles soient prises en charge par la partie intimée, ainsi que le taux d’incapacité permanente partielle de 15%, tel que retenu par le MEDEX dans sa décision de 2016. Elle conclut sur la prise en charge des frais relatifs aux interventions chirurgicales et sollicite également la désignation d’un expert pour l’imputabilité de la dernière intervention chirurgicale et les périodes d’incapacité temporaire y relatives, ainsi que le taux d’incapacité permanente définitif (les 15% ci-dessus étant sollicités à titre provisionnel).

Quant au FOREm, il postule la confirmation du jugement et demande à la cour de déclarer la demande nouvelle irrecevable.

La décision de la cour

La cour rappelle que, dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967 – qui organise, dans le secteur public, la réparation des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail –, c’est l’arrêté royal du 24 janvier 1969 qui doit être appliqué à l’Office wallon de la formation professionnelle et de l’emploi (étant l’organisme public visé). Elle en reprend les articles 8 et 9, qui fixent la compétence de l’administration de l’expertise médicale (MEDEX), étant que celui-ci est désigné pour vérifier le lien de causalité entre l’accident du travail et les lésions, ce même lien entre l’accident du travail et les périodes d’incapacité de travail, ainsi que pour fixer la date de consolidation, le pourcentage d’incapacité permanente et celui de l’aide de tiers.

La cour rappelle que la Cour de cassation est intervenue à diverses reprises sur le caractère contraignant de la décision du MEDEX, son dernier arrêt sur la question datant du 11 mai 2020 (Cass., 11 mai 2020, n° S.19.0045.N) et les précédents des 18 novembre 2019 (Cass., 18 novembre 2019, n° S.19.0009.F) et 7 mars 2016 (Cass., 7 mars 2016, n° S.15.0053.N).

La Cour de cassation a jugé dans celui du 11 mai 2020 que la décision du MEDEX s’impose en ce qui concerne l’invalidité permanente, le taux ne pouvant qu’être augmenté ultérieurement, soit par l’administration, soit par le juge. L’arrêt du 18 novembre 2019 (statuant sur la question avant la modification intervenue en 2014) a jugé qu’il appartient (dans le cadre de l’arrêté royal du 13 juillet 1970) à l’autorité de vérifier si les conditions d’octroi des indemnités sont réunies et, dans l’affirmative, d’examiner les éléments du dommage subi ainsi que d’apprécier s’il y a lieu d’augmenter le pourcentage d’invalidité permanente fixé par le service médical. Celui-ci ne rend de décision obligatoire pour l’autorité que dans la mesure où il fixe un pourcentage minimum de l’invalidité permanente et non pour les autres missions qui lui sont confiées (lien de causalité entre l’accident et les lésions et, par voie de conséquence, quant à l’existence de l’accident). L’arrêt du 7 mars 2016 est également relatif à la date de consolidation.

La cour du travail reprend dès lors les contradictions médicales persistant au dossier, vu les décisions successives du MEDEX et la poursuite des travaux d’expertise indépendamment du contenu de la deuxième de celles-ci. Elle désigne un nouvel expert sur la totalité de la problématique médicale après la première décision.

Elle considère que la décision du MEDEX intervenue en 2016 (seconde décision) est contraignante pour le taux minimum de l’incapacité permanente mais qu’elle ne l’est pas pour les autres aspects médicaux (lien de causalité, incapacité temporaire et date de consolidation).

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège rappelle la divergence d’appréciation sur la portée de la modification intervenue dans la réglementation par l’arrêté royal du 8 mai 2014.

Cet arrêté royal (arrêté royal portant détermination de la compétence de l’Administration de l’expertise médicale et modifiant certaines dispositions en matière d’accidents du travail dans le secteur public) a apporté des modifications sur la question à la fois à l’arrêté royal du 24 janvier 1969, ainsi qu’à celui du 13 juillet 1970, le premier visant essentiellement les services publics fédéraux, les autres services de l’Etat, en ce compris le pouvoir judiciaire, le Conseil d’Etat, les administrations et autres services des Gouvernements, des Communautés et des Régions, y compris les établissements d’enseignement, etc., et le second le personnel local.

Les modifications apportées à ces deux arrêtés royaux concernent la même disposition, étant leur article 8, qui a ajouté des compétences à l’Administration de l’expertise médicale, étant de vérifier le lien de causalité entre l’accident du travail et les lésions, celui entre l’accident du travail et les périodes d’incapacité de travail et la fixation de la date de consolidation, ainsi que le pourcentage d’incapacité permanente et celui de l’aide de tiers.

La jurisprudence antérieure a été rendue sur des textes dans lesquels les compétences du MEDEX étaient restreintes au taux d’incapacité permanente, et la portée de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question concerne le caractère contraignant de ce taux, étant enseigné dans les arrêts successifs de la Cour que ce taux ne peut être réduit ni par l’administration employeur ni par le juge.

Dans un commentaire d’un arrêt de la Cour du travail de Liège (division Liège) du 22 mars 2022 (R.G. 2019/AL/338 – précédemment commenté), nous avons souligné l’absence de décision de la Cour de cassation à propos du texte actuel tel que modifié par l’arrêté royal du 8 mai 2014, certains penchant en jurisprudence sur le caractère contraignant vis-à-vis de l’employeur de l’ensemble des aspects sur lesquels le service médical est chargé de se prononcer, d’autres limitant ce caractère contraignant à la seule question du taux d’incapacité permanente, règle dégagée dans la jurisprudence de la Cour de cassation pour la période antérieure.

Vu l’importance des effets de la règle, une nouvelle intervention de la Cour de cassation serait certes un élément de clarification indispensable.


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