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Taux des indemnités AMI lorsque le conjoint perçoit l’indemnité droit passerelle

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 21 février 2023, R.G. 2022/AN/42

Mis en ligne le mardi 16 avril 2024


C. trav. Liège (div. Namur), 21 février 2023, R.G. 2022/AN/42

Dans un arrêt du 21 février 2023, la cour du travail de Liège (division Namur) reprend
les discussions intervenues lors de l’élaboration de l’arrêté royal du 12 novembre 2020, qui a modifié l’article 225, § 3, de l’arrêté royal du 3 juillet 1996, relativement à la neutralisation de certaines interventions financières à l’occasion de la crise du coronavirus pour la détermination de la catégorie de travailleur ayant personne à charge.

Les faits

Un travailleur salarié, en incapacité de travail depuis 2013, perçoit des indemnités au taux travailleur ayant personne à charge.

En octobre 2020, son organisme assureur est informé (par lui-même) du fait que son épouse bénéficie du droit passerelle.

L’organisme assureur notifie le 3 février 2021 une décision de modification du taux des indemnités, estimant, en vertu de l’article 225 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996, qu’il devait être indemnisé au taux cohabitant. Un indu est réclamé.

Une procédure est introduite devant le tribunal du travail de Liège, division Namur, qui fait droit à la demande, annulant la décision de l’organisme assureur.

Celui-ci interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelant reproche au jugement son absence de motivation, critiquant celui-ci en ce qu’il a dit l’article 225, § 3, al. 4 et 6, de l’arrêté royal peu clair. Il considère qu’en présence d’un droit passerelle alloué à titre de revenus de remplacement (et non au titre d’aide ponctuelle), comme en l’espèce, celui-ci doit être pris en compte pour l’application de l’article 225.
Il renvoie au Bulletin d’information INAMI n° 2019/1 du 24 août 2020, selon lequel le droit passerelle est un revenu de remplacement à prendre en compte dans ce cadre. Il fait encore valoir que les rémunérations perçues par l’épouse en sa qualité de conjoint ont été probablement inférieures au plafond, permettant à celui-ci de conserver la qualité de travailleur ayant personne à charge au sens de la disposition en cause mais que les montants versés au titre de droit passerelle de crise sont supérieurs à ce plafond.

Quant à l’intimé, il sollicite la confirmation du jugement, faisant notamment valoir une circulaire de l’INAMI du 3 juillet 2018 (n° 2018/190), qui précise que doivent seuls être pris en compte les revenus résultant d’une activité professionnelle prise en considération sur le plan fiscal - ce qui n’est pas le cas du droit passerelle de crise, qui n’est pas imposable. Il considère que celui-ci est une mesure de soutien ponctuel et non un revenu de remplacement.

La décision de la cour

La cour se penche essentiellement sur la question de la prise en compte du droit passerelle, seule en débat.

Elle reprend le cadre légal, étant l’article 225 de l’arrêté royal du 3 juillet 1996 visé. Celui-ci dispose notamment que le conjoint (ou la personne avec laquelle le titulaire forme un ménage de fait) ne peut en règle être considéré comme à charge que s’il n’exerce aucune activité professionnelle et ne bénéficie effectivement ni d’une pension ou d’une rente ni d’une allocation ou d’une indemnité en vertu d’une législation belge ou étrangère. La cour rappelle ce qu’il faut entendre par activité professionnelle, qui est toute activité professionnelle susceptible de produire des revenus au sens fiscal même si elle est exercée par une personne interposée. Ces revenus ne seront par ailleurs pris en compte que si le montant total est supérieur à 707,07 euros par mois (montant indexé).

L’arrêté royal du 3 juillet 1996 a été modifié par un autre du 12 novembre 2020, qui a ajouté un § 3 à l’article 225, en vertu duquel il n’est pas tenu compte des compensations financières allouées par les régions, les communautés, les provinces ou les communes pour les conséquences économiques ou sociales rencontrées suite à l’application de l’arrêté ministériel du 13 mars 2020 (mesures d’urgence – COVID–19) et tout autre arrêté ministériel ultérieur pris dans ce cadre. Des conditions spécifiques sont prévues, s’agissant de ne viser que les compensations accordées en vue de faire face aux conséquences économiques ou sociales directes ou indirectes de la pandémie de COVID-19. Sont expressément visées dans le texte l’indemnité d’incapacité supplémentaire octroyée conformément à la loi du 24 juin 2020 ainsi que la prime temporaire prévue à l’arrêté royal n° 47 du 26 juin 2020.

La cour constate que c’est cette disposition qui donne lieu à discussion.

Elle rejette d’abord la référence faite par l’intimé à la circulaire en cause, estimant qu’il faut se référer au Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 12 novembre 2020. Dans le cadre de l’élaboration de ce texte, il a été souligné par le Conseil d’État que les compensations visées ne concernaient pas celles allouées de manière générale par l’État fédéral. Il a ainsi été précisé par la ministre que le principe de base est qu’elles doivent toujours être prises en considération et le droit passerelle de crise est visé. Il a également été souligné que les neutralisations prévues dans le projet de texte concernent des compléments octroyés en plus de la « prestation de base », la justification étant que si l’on ne prévoit pas de neutralisation, ceci peut avoir comme conséquence de réduire le montant de l’indemnité d’incapacité travail et donc de faire perdre au complément octroyé la totalité ou partie de ses effets.

Il ressort de ceci, pour la cour, que le droit passerelle de crise n’est pas neutralisé dans le cadre de l’application de l’article 225 de l’arrêté royal.

La cour réforme dès lors le jugement et considère que la demande originaire de l’intéressé est non fondée.

Elle en vient à la demande formée en degré d’appel par l’organisme assureur, qui sollicite la condamnation du demandeur originaire au remboursement de sommes. Elle examine la recevabilité de cette demande, recevabilité qu’elle admet, au motif qu’elle est fondée sur un fait invoqué dans l’acte introductif. Sur le fondement, elle y fait droit.

Intérêt de la décision

La décision commentée s’est penchée sur le § 3 de l’article 225 de l’arrêté royal le du 3 juillet 1996, disposition insérée par l’arrêté royal du 12 novembre 2020, pris dans le contexte de la crise du coronavirus.

La cour a apporté des précisions quant au sort des compensations financières allouées dans le cadre des mesures d’urgence prises à l’époque. Elle reprend ici les discussions intervenues lors de l’élaboration de cet arrêté royal, dont il ressort clairement qu’il ne vise la neutralisation des compensations financières que si elles émanent des régions, des communautés, des provinces ou des communes, compensations allouées pour les conséquences économiques ou sociales rencontrées suite à l’application de l’arrêté ministériel du 13 mars 2020 ou de textes ultérieurs sur la question.

Les auteurs du texte ont clairement voulu neutraliser uniquement certains compléments, étant ceux octroyés en plus de la « prestation de base ». Le but est bien évidemment d’éviter le piège de la perte au niveau de l’indemnité d’incapacité de travail de l’avantage (ou d’une partie de celui-ci) accordé vu la crise, ce qui aurait privé l’octroi de ce complément de la totalité ou d’une partie de ses effets. Le droit passerelle de crise a été cité tant par la ministre que par le Conseil d’État comme devant toujours être pris en considération, les interventions financières de l’État fédéral (à savoir les interventions de sécurité sociale ou d’assistance sociale pouvant être qualifiées de pension, de rente, d’intervention ou d’indemnité) devant toujours être prises en considération sauf s’il a expressément été prévu d’appliquer une neutralisation.


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