(Décision commentée)
Les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle causé(e) par la faute de leur employeur ne sont pas dans une situation analogue ou comparable à celle de personnes victimes de dommages corporels ou d’atteinte à leur santé causés par la faute de personnes qui ne sont pas leur employeur. Il y a en l’espèce une relation contractuelle régie par un régime juridique propre, qui se distingue du régime général des relations entre individus. Le régime français de la responsabilité est, en matière de risques professionnels, très différent du régime de droit commun. Il ne repose pas sur la preuve d’une faute et d’un lien de causalité mais sur la solidarité et l’automaticité. La situation du salarié n’est donc pas la même que celle d’une personne victime d’un dommage qui se produit dans un autre contexte. S’appliquent des régimes juridiques distincts pour des personnes se trouvant dans des situations distinctes.
Il ne peut y avoir violation de l’article 14 de la C.E.D.H. combiné avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel, dans la mesure où, pour qu’un problème se pose au sens de l’article 14 de la Convention, il doit y avoir une différence de traitement de personnes placées dans des situations analogues ou comparables.
L’article 120, § 2, alinéa 1er, 1°, a) et b), de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il prive du bénéfice de l’intervention du Fonds amiante le conjoint survivant qui était marié moins de 365 jours avec la victime décédée, avec laquelle il avait, avant que la victime fût admise au bénéfice de l’intervention, fait une déclaration de cohabitation légale, ou qui, avant que la victime de l’amiante fût admise au bénéfice de l’intervention, avait fait avec elle une déclaration de cohabitation légale, à la suite de quoi ils ont été mariés moins de 365 jours, la durée cumulée et ininterrompue du mariage et de la cohabitation légale qui a précédé celui-ci atteignant au moins 365 jours. (Dispositif)
Fonds Amiante - délai de 3 mois (art. 124 loi programme 27 décembre 2006) - pas de violation - renvoi au délai de la Charte
Frais médicaux - art. 41, al. 5 des lois coordonnées - remboursement à partir du 120e jour précédant la demande - pas de violation
Incapacité de travail temporaire - art. 34, dernier alinéa des lois coordonnées - indemnisation à partir des 365 jours précédant la demande - pas de violation
(Décision commentée)
Réponse aux questions préjudicielles posées par C. trav. Bruxelles, 7 février 2011 : pas de discrimination – article 1er, Premier protocole additionnel CEDH et article 14 – art. 1er, § 2 Convention n° 18 O.I.T.
Rétroactivité : inapplicabilité de l’article 2277 du Code civil
Article 36, al. 1er des lois coordonnées - non-violation - réponse à C. trav. Liège, 18 janvier 2010, R.G. 35.519/08
Article 35, al. 3 des lois coordonnées - violation
Illégalité de la limitation de la rétroactivité à 120 jours
La Cour était interrogée sur la compatibilité de l’article 53, alinéa 2, des lois coordonnées le 3 juin 1970 avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition prévoit un délai de déchéance d’un an pour introduire un recours contre la décision de refus de Fedris, alors que tant l’article 20, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 que l’article 69, alinéas 1er et 6, de la loi du 10 avril 1971 prévoient un délai de prescription (troisième et quatrième questions préjudicielles) de trois ans (première et deuxième questions préjudicielles). La Cour a examiné les questions conjointement et a conclu à la non-violation.
(Décision commentée)
La Commission européenne n’a proposé aucune limite à la preuve de l’origine et du caractère professionnel de la maladie susceptible d’être indemnisée. Les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1990 ont souligné que le but de la disposition est d’étendre le champ d’application des lois coordonnées dans l’intérêt même des victimes lorsque celles-ci ou leurs ayants droit prouvent l’existence d’un rapport causal entre la maladie et l’exposition au risque professionnel. Pour la Cour de cassation, il ne ressort pas de ces travaux préparatoires que le risque professionnel doit être la cause exclusive ou prépondérante de la maladie. Une prédisposition n’est pas exclue et l’article 30bis n’impose pas à la victime ou à l’ayant droit d’établir l’importance de l’influence exercée par la prédisposition, notamment que cette influence est moindre que celle de l’exercice de la profession.
(Décision commentée)
L’article X.III.4 de l’arrêté royal du 30 mars 2001 (services de police) exclut l’application de l’article 32 des lois coordonnées, auquel il ne se réfère pas davantage que la loi du 3 juillet 1967. Par ailleurs, la présomption d’exposition au risque n’est pas limitée aux seules maladies professionnelles de la liste dressée par le Roi en application de l’article 30 des lois coordonnées mais s’étend aux maladies qui, tout en ne figurant pas sur cette liste, trouvent leur cause directe et déterminante dans l’exercice de la profession au sens de l’article 30bis de ces lois.
(Décision commentée)
En vertu de l’article 2 du C.J., les règles énoncées dans ce code - dont son article 807- sont applicables à toutes les procédures hormis celles dont les dispositions spécifiques s’avéreraient incompatibles avec celles-ci. Tel n’est pas le cas des articles 52 et 53 des lois coordonnées le 3 juin 1970 et 8bis et 9 de l’A.R. du 26 septembre 1996 qui n’énoncent aucune règle régissant les demandes incidentes prévues par l’article 807 du Code judiciaire. Il n’existe pas, en matière de réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, de ‘’principe du préalable administratif’’ ou d’autre principe de droit dont l’application serait incompatible avec cet article. 08
Des conclusions nouvelles peuvent être fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation même si leur qualification juridique est différente (art. 807 C.J.) et viser ainsi une demande de réparation dans le système ouvert.
(Décision commentée)
Condition d’exposition au risque dans le secteur public : la référence (traditionnelle) à l’article 32 des lois coordonnées n’a pas lieu d’être.
Il résulte du texte et de la genèse de l’article 35bis des lois relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation de dommages résultant de celles-ci, coordonnées le 3 juin 1970, que ses alinéas 3 et 4 s’appliquent lorsque l’incapacité permanente de travail provoquée par la maladie professionnelle débute avant le soixante-cinquième anniversaire de la victime, l’alinéa 1er s’appliquant seul lorsque cette incapacité se produit après cette date.
(Décision commentée)
Action en paiement de l’allocation d’incapacité permanente – application de l’article 2277 du Code civil
Organisme d’intérêt public fédéral de Catégorie B - article 23, al. 1er de la loi du 3 juillet 1967 - application de la loi nouvelle - désignation d’un autre débiteur (application immédiate) - droits acquis aux rentes et autres indemnités (exigence d’un arrêté royal)
La limitation des indemnités et allocations accordées par le Fonds en cas d’exposition au risque professionnel pendant une période au cours de laquelle la victime ne tombait pas sous l’application des lois coordonnées s’applique à toutes les premières demandes de même qu’aux demandes en revision ou aux revisions d’office
Article 35 bis, alinéa 2 des lois coordonnées introduit par l’article 39 de la loi du 21 décembre 1994 - voir également C. trav. Liège, 5 février 2004, R.G. 31.077/02
Prescription - loi du 20 mai 1997 - portée de l’effet rétroactif
Présomption d’exposition
Pas d’exigence de monocausalité - prédisposition - pas de charge de la preuve de l’importance de l’influence de la prédisposition ; voir également Trib. trav. Gand, 31 mai 1999, T.G.R., 2000, 149 (prédisposition étant la cause la plus importante de la maladie)
Critères d’appréciation par le service médical
Possibilité de reconnaissance de la maladie professionnelle par le service médical avant la fixation du taux
(Décision commentée)
La cessation de l’activité professionnelle décidée à titre préventif (écartement préventif) constitue à elle seule un dommage réparable, et ce indépendamment de l’indemnisation à laquelle peut donner lieu la reconnaissance d’un état d’incapacité de travail. Cette cessation peut intervenir non seulement pour éviter l’apparition de la maladie mais également son aggravation. L’allocation forfaitaire d’écartement répare un dommage distinct et peut dès lors être cumulée avec une indemnité pour incapacité permanente partielle.
Par ailleurs, il peut être tenu compte de l’écartement du travailleur dans l’évaluation des facteurs socio-économiques, cette mesure restreignant par nature le potentiel économique de celui-ci sur le marché du travail.
(Décision commentée)
Dans le secteur public, les indemnités d’incapacité permanente de travail produisent intérêt de plein droit à partir du 1er jour du 3e mois qui suit celui au cours duquel l’indemnité devient exigible. La question qui se pose est donc celle de définir la date à laquelle les indemnités litigieuses sont « exigibles » ou, pour reprendre les termes utilisés par la Cour constitutionnelle, la date à laquelle « le droit aux indemnités est né ».
La cour considère que, les dispositions de la Charte de l’assuré social étant supplétives et n’ayant vocation à s’appliquer qu’en l’absence de dispositions légales ou réglementaires plus favorables, seul l’article 20bis de la loi du 3 juillet 1967 (plus favorable) doit être appliqué, étant entendu qu’il y a lieu de retenir une cause étrangère libératoire pour la période antérieure à l’introduction de la demande.
En l’espèce, s’il est acquis que le travailleur peut prétendre au paiement d’indemnités couvrant son incapacité permanente à partir du 8 décembre 2014, les intérêts peuvent au plus tôt commencer à courir, sur ces indemnités, le 1er jour du 3e mois qui suit le 11 mai 2016 (date de la demande au vu de la cause étrangère libératoire s’appliquant pour la période antérieure), soit le 1er août 2016, et ce, en tenant compte des échéances de paiement expressément prévues par l’arrêté royal applicable.
Le risque est un danger éventuel et non certain. Etant une potentialité, ce critère n’implique, en lui-même, aucune certitude quant à la cause exacte de la maladie, celle-ci pouvant trouver son origine ailleurs, notamment dans un travail effectué en dehors des emplois donnant lieu à couverture ou encore dans l’organisme interne de la victime. Le texte ne contient aucune indication de durée ou d’intensité minimum d’exposition ni aucun critère d’évaluation.
Cette absence de critères met la victime à l’abri d’une nomenclature rigide de « conditions » ». FEDRIS a donc établi des lignes de conduite, généralement basées sur des méthodes d’évaluation scientifiques, mais elles ne lient pas les cours et tribunaux. De plus, le texte précise expressément que ce sont « les connaissances médicales généralement admises » qui doivent guider l’appréciation du juge. Il s’agit de s’appuyer sur la littérature médicale, nationale ou internationale.
Indemniser séparément chaque siège de lésion (tendinopathie de l’épaule gauche et tendinopathie de l’épaule droite – en l’espèce) revient à artificiellement scinder et donc amoindrir les répercussions de l’atteinte globale sur la capacité de travail de la victime, résultant de la maladie professionnelle. L’indemnisation d’une atteinte bilatérale impose de prendre en compte la répercussion de la perte de capacité des deux membres à la fois, ce qui n’équivaut pas toujours à une simple addition de l’incapacité résultant de la perte d’usage de chaque membre. La cour renvoie à l’hypothèse où, suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, une victime perd l’usage d’un œil puis d’un second. Il convient d’indemniser la perte totale de la vue et non de retenir un simple doublement des répercussions résultant de la perte d’un seul œil. La scission artificielle de l’indemnisation en fonction de chaque siège de lésion en lieu et place de l’indemnisation des répercussions de l’ensemble de la maladie professionnelle comme le prévoit la loi préjudicie à double titre les victimes de maladie professionnelle. Une telle méthode d’indemnisation ne peut donc être retenue.
L’incapacité permanente au sens des lois coordonnées du 3 juin 1970 relative à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celle-ci, applicable dans le secteur privé, est similaire à celle retenue par la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail. L’incapacité permanente de travail consiste dans la perte ou la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché général de l’emploi. Celui-ci recouvre non seulement le métier exercé par la victime au moment où l’incapacité est fixée, mais également l’ensemble des métiers qu’elle demeure apte à exercer. Il s’agit d’apprécier l’inaptitude à gagner sa vie par son travail et non l’invalidité physiologique, l’atteinte à l’intégrité physique qui en est à la base mais qui n’est pas nécessairement le facteur déterminant. L’incapacité recouvre donc la répercussion de l’invalidité physiologique sur la capacité concurrentielle de la victime, compte tenu de sa situation socio-économique. Il y a dès lors lieu de tenir compte, à côté de l’atteinte à l’intégrité physiologique, de la condition et de la formation de la victime au regard du marché général de l’emploi, des facteurs socio-économiques propres de la victime : l’âge, la qualification professionnelle, la faculté d’adaptation, la possibilité de rééducation professionnelle et la capacité de concurrence sur le marché général de l’emploi à l’exclusion de toute évolution conjoncturelle de l’économie.
La preuve de l’exposition au risque est libre ; aucun critère ni norme n’est imposé par la loi, ce qui requiert un examen au cas par cas, et non le dépassement d’une norme théorique généralisée. Il y aura donc exposition au risque professionnel si l’exposition est susceptible de provoquer le dommage au niveau du groupe de personnes ayant un même degré d’exposition à l’influence nocive, ce qui n’exclut pas une individualisation du risque. Dans le cas du risque listé sous le code 1.606.22, le risque porte sur les contraintes biomécaniques y mentionnées, qui doivent être constatées sur le plan matériel et ne pas exister dans une mesure comparable dans les activités extra-professionnelles. Sur l’aspect d’imputabilité, l’hypersollicitation identifiée par le code comme une cause des tendinopathies peut être admise du fait de l’influence du facteur personnel de réceptivité de la victime (en l’espèce, la petite taille).
(Décision commentée)
L’« incapacité physiologique » est la réduction de la capacité physique. Si l’organisme réagit anormalement à toute une série de substances, il y a une incapacité physiologique ayant une incidence sur le potentiel du travailleur, dès lors qu’il est acquis que les symptômes vont se manifester chaque fois que celui-ci y sera exposé et qu’ils ont une incidence sur sa santé.
Sur la question du risque potentiel, voire futur, la cour précise que l’allergie est un phénomène immunologique précis qui consiste en une réaction excessive du système immunitaire face à une substance étrangère à l’organisme, dénommée « antigène ». Deux conditions sont requises, étant (i) une prédisposition génétique et (ii) une exposition à la substance allergène. L’allergie est une maladie dès lors qu’elle consiste en un dérèglement du système immunitaire pouvant avoir des manifestations cutanées, respiratoires ou généralisées en présence de l’allergène.
(Décision commentée)
Les mesures prises dans le cadre de l’écartement du travailleur ont un but préventif, le travailleur en écartement définitif devant accepter la cessation de l’activité nocive à l’avenir. Le dommage indemnisable lié à la cessation de l’activité à risque n’est pas une incapacité effective mais virtuelle, vu le caractère préventif de la mesure. L’allocation (prévue à l’article 37, § 3, des lois) doit permettre au travailleur de rechercher un emploi et de couvrir certaines dépenses permettant de faciliter cette mutation professionnelle. Elle est due indépendamment du fait qu’un emploi est retrouvé ou non et ne requiert pas que le travailleur soit au chômage.
(Décision commentée)
Si une décision de FEDRIS conclut qu’un assuré social ne fournit pas la preuve de l’exposition au risque d’une maladie professionnelle et qu’elle ne fait l’objet d’aucune contestation, il en découle uniquement que l’intéressé ne démontre pas avoir été exposé au risque professionnel et en déduire qu’il ne l’était pas est erroné. L’autorité de chose décidée ne s’attache donc qu’à ce qui a fait l’objet de la décision, lequel se situe dans le dispositif ainsi que dans les motifs décisoires. Cette autorité n’est pas immuable et peut être anéantie soit par abrogation, soit par retrait. En droit de la sécurité sociale, ceci peut intervenir par la révision (facultative ou obligatoire) de la décision prise par l’institution, et ce notamment suite à une nouvelle demande.
(Même jurisprudence que C. trav. Liège, div. Namur, 21 juin 2022, R.G. 2021/AN/76 – ci-dessous)
Le fascicule RGPS 572 (applicable au sein de HR Rail) ne prévoit pas l’octroi d’intérêts de retard sur l’indemnisation des maladies professionnelles qu’il institue. Il ne comporte par contre aucune dérogation aux dispositions en la matière de la Charte de l’assuré social, qui est applicable à HR Rail en tant qu’elle a pour mission d’indemniser les maladies professionnelles des membres de son personnel. C’est dès lors le texte de la loi du 11 avril 1995 qu’il convient d’appliquer.
(Voir, pour l’arrêt du 28 janvier 2020, la rubrique « Maladies professionnelles > Spécificités dans le secteur public > Champ d’application de la loi »)
Il est admis en doctrine que la Cour de cassation a singulièrement réduit la portée des termes légaux (cause déterminante et directe dans l’exercice de la profession), permettant d’en revenir à la conception de la causalité issue de la théorie de l’équivalence des conditions. Aussi, il y a causalité lorsque la maladie ne serait pas survenue ou aurait été moins grave sans l’exercice de la profession, peu importe que coexistent d’autres causes, étrangères à cet exercice. Dès lors que la victime établit ce lien entre la maladie et l’exercice de la profession, elle n’est pas tenue de prouver l’importance de l’influence des autres causes potentielles de celle-ci. Ceci a été confirmé par la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juin 2020 (n° S.18.0009.F), mettant fin aux controverses qui subsistaient encore quant à la portée de ce lien.
(Décision commentée)
Dès lors que la formation scolaire est minimale et que le travailleur a toujours exercé la même fonction depuis 1986, de telle sorte que son marché général du travail est celui d’un travailleur manuel lourd, ce marché est restreint, vu l’absence de formation ainsi que de polyvalence, de même que vu la faculté d’adaptation limitée par l’âge. Le pourcentage retenu va donc correspondre aux efforts accrus que la victime doit fournir à la suite de sa remise au travail, son marché général du travail n’étant pas davantage restreint par l’impossibilité totale d’exercer une tâche manuelle lourde.
La cour souligne encore qu’il faut distinguer l’hypothèse d’une victime dont l’incapacité ne lui permet d’emblée plus d’exercer son métier ou un type de métier accessible de celle où l’emploi est resté accessible moyennant la fourniture d’efforts. Les deux hypothèses vont porter atteinte à la capacité concurrentielle du travailleur, mais différemment.
Le marché général du travail est celui qui reste potentiellement accessible à la victime jusqu’à l’âge de 65 ans, et ce qu’elle soit en situation de travail, de chômage, de « prépension », etc., qui sont des situations temporaires. Cette appréciation relèverait en outre d’une projection aléatoire sans possibilité de révision, qui n’est prévue que pour un motif médical. Inversement, la prise en compte d’une telle situation qui surviendrait en cours d’incapacité permanente n’est pas un motif de révision.
Sur le plan méthodologique, il est utile mais non indispensable que l’expert estime devoir éliminer certains facteurs étiologiques pour asseoir sa conviction du lien causal entre l’exposition et la maladie. Toutefois, une fois que l’expert, et après lui le juge, estiment que le lien causal déterminant et direct est prouvé, il n’est pas nécessaire d’examiner de façon détaillée tous les autres facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur l’apparition et le développement de la maladie professionnelle. Les autres facteurs étiologiques ne pourront en effet jamais gommer l’impact de l’exposition au risque, fût-il modeste, sur l’apparition et/ou le développement de celle-ci.
L’évaluation de la perte de capacité concurrentielle sur le marché de l’emploi doit se faire par rapport à des travailleurs de la même catégorie d’âge et de formation équivalente et résultant de la maladie professionnelle dont est atteint le travailleur. Cette perte de capacité concurrentielle peut se traduire de différentes manières : une perte de productivité dans les postes de travail occupés auparavant par la victime, une plus grande pénibilité à effectuer ses activités antérieures, ou encore une réduction des chances d’obtenir un emploi lorsque la victime est en concurrence avec un travailleur de la même catégorie d’âge et de formation équivalente mais ne souffrant pas d’une perte de capacité.
(Décision commentée)
En vertu du principe de la conception factuelle de la cause de la demande, une demande introduite dans le cadre de l’article 30 des lois coordonnées peut être examinée dans celui de l’article 30bis, le juge étant tenu de déterminer les règles juridiques applicables aux faits invoqués à l’appui de celle-ci, en l’occurrence l’indemnisation d’une maladie professionnelle : c’est lui qui in fine détermine s’il s’agit d’une maladie de la liste ou hors liste.
Le fascicule RGPS 572 (applicable au sein de HR Rail) ne contient aucune disposition fixant les règles relatives à la date de prise de cours de l’indemnisation d’une maladie professionnelle. Par défaut, il y a lieu d’appliquer le droit commun, soit l’article 2277 de l’ancien Code civil, selon lequel les arrérages de rentes viagères se prescrivent par cinq ans. En l’espèce, la prescription a été interrompue par l’action en justice. La cour limite en conséquence les arrérages de la rente à la période de cinq années précédant la date d’introduction.
S’agissant de fixer le point de départ de l’indemnisation pour maladie professionnelle dans le secteur public, la notion d’exigibilité qui figure à l’article 20bis doit, pour être compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, s’identifier à la naissance du droit, de sorte que les intérêts moratoires prennent cours à la date à laquelle le droit aux indemnités est né (renvoi à C. const. 8 mai 2002, n° 82/2002). La cour ajoute que, suite à cet arrêt, une circulaire est intervenue (n° 523 du 5 juin 2002), précisant que, dans l’un ou l’autre cas, qu’il s’agisse de la loi de 1967 ou de celle de 1971, il faut, pour qu’il n’y ait pas de discrimination, que les intérêts moratoires prennent cours à la date à laquelle le droit aux indemnités est né et que c’est cette interprétation qu’il conviendra de suivre désormais. Les intérêts sont donc dus dès la date de consolidation.
(Décision commentée)
Le délai de trois ans visé à l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 est un délai de prescription et non de recours. La disposition porte sur les actions en paiement des indemnités. Dans le secteur public, l’article 2277 du Code civil n’a pas vocation à être appliqué.
(Décision commentée)
Lorsque la cessation définitive de l’activité professionnelle est proposée à une victime déjà indemnisée pour une incapacité de travail permanente résultant de la maladie professionnelle, cette situation nouvelle doit être soumise aux règles régissant la révision. L’aggravation de l’état de santé de la victime constitue un élément nouveau qui donne ouverture à cette action et la victime a droit à la réparation de son incapacité permanente, réévaluée depuis sa demande ou depuis l’aggravation de son état jusqu’à la cessation définitive. Il y a donc cumul de l’allocation forfaitaire et de l’indemnisation, les avantages alloués réparant des dommages distincts.
Il n’y a pas lieu de tenir compte d’une situation de prépension, de chômage ou d’invalidité pour diminuer le taux de facteurs socio-économiques au motif que la victime, dans une telle situation, est ou s’est effectivement exclue du marché de l’emploi. Le marché général du travail est celui qui reste potentiellement accessible à la victime jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans, qu’elle soit en situation de travail, de chômage, de « prépension », de crédit-temps, de prise en charge par l’assurance maladie-invalidité, etc., qui sont des situations temporaires.
En l’espèce, sont constatées l’absence d’un large éventail de compétences ainsi que l’exclusion de tout travail intellectuel, seul étant accessible le marché du travail ouvrier peu qualifié. Pour la cour, au sein de ce segment, les chances d’obtenir un nouvel emploi sont plus faibles que celles de quelqu’un qui ne serait pas frappé de 10% d’incapacité purement physique en raison d’une maladie professionnelle. Sa capacité de concurrence est bel et bien diminuée et la cour retient un taux de facteurs socio-économiques de 5%.
La matière du risque professionnel ne se distingue pas par des moyens de preuve spécifiques ou des règles particulières sur l’admissibilité des preuves, de sorte que la preuve peut se faire par toute voie de droit. Il y est très fréquemment fait recours à l’expertise, mode de preuve organisé par le Code judiciaire, dont le but est d’obtenir des constatations ou un avis d’ordre technique afin de permettre au juge de statuer. Dans le régime des maladies professionnelles, les critères d’exposition au risque professionnel de la maladie sont régulièrement déférés à l’expert, les études et avis de FEDRIS ayant une valeur purement indicative.
En vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, le lien causal est établi quand bien même l’impact de l’exposition au risque serait modeste dès lors que, sans le risque professionnel considéré, la maladie ne serait pas survenue telle quelle ou si l’exposition au risque professionnel a, avec certitude, aggravé celle-ci. Il est possible mais non indispensable que le médecin-expert estime devoir éliminer certains facteurs de la maladie pour asseoir sa conviction que l’exposition au risque professionnel est en lien causal déterminant et direct avec celle-ci. Une fois qu’il estime que le lien causal déterminant et direct est prouvé, il n’est pas nécessaire d’examiner de manière détaillée tous les autres facteurs susceptibles d’avoir une incidence sur l’apparition et le développement de la maladie professionnelle.
Parmi les critères d’appréciation des répercussions de l’invalidité physiologique sur la capacité concurrentielle de la victime, il faut notamment prendre en compte le critère de l’âge. Celui-ci, conformément à la législation sur les accidents du travail, est pris en considération en ce qu’il a de l’influence sur les capacités concurrentielles et non dans sa dimension d’accès effectif au marché du travail compte tenu de la conjoncture économique. Plus l’âge avance, plus l’incidence de ce critère impactera, en principe, l’incapacité de travail, dès lors que la faculté d’adaptation, de rééducation professionnelle et la faculté de concurrence se réduisent avec l’âge.
Lié à C. trav. Bruxelles, 23 mai 2022, R.G. 2019/AB/275 ci-dessus (décision commentée)
(Décision commentée)
Il n’y a pas lieu d’introduire un rapport de causalité au cœur même du système de la liste (pour le code 1.605.11 en l’espèce), dans la mesure où ce système a précisément pour but d’éviter de faire supporter par la victime les aléas de la preuve en termes de causalité. Il faut se garder d’imposer à la victime la preuve d’un élément pour lequel une présomption joue en sa faveur, sous peine de vider de toute substance le mécanisme d’allègement du fardeau de la preuve mis en place par le législateur.
La condition a trait au rapport existant entre l’agent causal cité et la maladie invoquée par le travailleur et elle ne peut porter atteinte à la présomption irréfragable de causalité. En conséquence, lorsque la maladie est désignée par référence à un agent causal, la preuve à charge de la victime est que la littérature médicale admet en termes tout à fait généraux que de telles affections peuvent être provoquées par celui-ci, cette interprétation permettant de préserver les principes à la base d’un système fondé sur la liste et, en conséquence, la présomption irréfragable.
Il est indifférent de savoir si le demandeur a formé une demande dans la liste, hors liste ou les deux dès lors qu’il lui est loisible d’étendre sa demande en application de l’article 807 du Code judiciaire. Ainsi que la Cour de cassation l’a à juste titre rappelé dans le contentieux des maladies professionnelles du secteur privé (mais cet enseignement est parfaitement transposable au secteur public), les dispositions légales et réglementaires applicables n’énoncent aucune règle régissant les demandes incidentes prévues par l’article 807 du Code judiciaire et il n’existe pas, en matière de réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, de « principe du préalable administratif » ou d’autre principe de droit, dont l’application serait incompatible avec cet article (Cass., 12 décembre 2016, www.juportal.be). La demande d’indemnisation des maladies codifiées sous les références 1.605.01 et 1.606.22 est fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la requête introductive d’instance. A supposer que l’appréciation des maladies sous l’angle de la liste soit une extension de la demande, celle-ci était recevable.
Parmi les critères d’appréciation des répercussions de l’invalidité physiologique sur la capacité concurrentielle de la victime, il faut notamment prendre en compte le critère de l’âge. Celui-ci, conformément à la législation sur les accidents du travail, est pris en compte en ce qu’il a de l’influence sur les capacités concurrentielles et non dans sa dimension d’accès effectif au marché du travail compte tenu de la conjoncture économique. Plus l’âge avance, plus l’incidence de ce critère impactera, en principe, l’incapacité de travail, dès lors que la faculté d’adaptation, de rééducation professionnelle et la faculté de concurrence se réduisent avec l’âge.
L’article 807 du Code judiciaire dispose que la demande dont le juge est saisi peut être étendue ou modifiée si les conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente. La jurisprudence constante de la Cour de cassation précise que cette disposition ne requiert pas que la demande nouvelle, pour autant qu’elle soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans l’acte introductif d’instance, repose exclusivement sur ce fait ou cet acte (avec renvoi à Cass., 17 mai 2019, n° C.18.0276.N et Cass., 12 décembre 2016, n° S.15.0068.F).
En l’espèce, la demande nouvelle introduite en degré d’appel étant factuellement en lien avec celle introduite en première instance (s’agissant d’analyser la même pathologie sous un autre angle juridique), la demande nouvelle de réparation de la maladie professionnelle peut être étendue à un recours contre une précédente décision de FEDRIS, pour laquelle le délai de recours n’a pas commencé à courir, eu égard au non-respect de l’article 14 de la loi du 11 avril 1995, qui reprend les mentions devant figurer sur les décisions d’octroi ou de refus des prestations. En l’occurrence, est manquante la mention relative à la possibilité d’obtenir toute explication sur la décision auprès du service qui gère le dossier.
(Décision commentée)
L’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 contient une règle de prescription de l’action. Cette disposition a été modifiée pour éviter que les droits de la victime d’un accident du travail soient prescrits avant que la décision administrative ne soit notifiée. Cette modification est manifestement intervenue vu les dispositions applicables dans cette matière mais, pour la cour, rien ne permet de considérer qu’elles ne s’appliqueraient pas en matière de maladies professionnelles. Ce délai de prescription de trois ans à dater de la notification de l’acte juridique administratif contesté n’existe pas dans le secteur privé. En conséquence, vu ce système de prescription spécifique, l’article 2277 du Code civil n’a pas vocation à s’appliquer aux indemnités dues dans le secteur public.
(Décision commentée)
La réparation du risque professionnel appliquée aux détenus est en dehors du champ d’application des lois du 10 avril 1971 (accidents dans le secteur privé), 3 juin 1970 (maladies dans le secteur privé) et 3 juillet 1967 (accidents et maladies dans le secteur public).
Tant la loi de principes concernant l’administration pénitentiaire que le statut juridique des détenus du 12 janvier 2005 sont muets sur la question. Le risque lié à un accident du travail survenu à un détenu est actuellement couvert par l’arrêté royal du 26 juin 2019. Aucun texte équivalent n’est cependant venu régler la question de la maladie professionnelle (la cour ordonnant une réouverture des débats sur l’application éventuelle d’une circulaire du 27 décembre 1972).
(Décision commentée)
Vu les règles de preuve, au stade de la procédure où l’expertise est sollicitée, le demandeur a la charge de la preuve d’indices suffisants et non la charge des éléments constitutifs de la maladie en tant que telle. Ce qui est requis n’est pas de démontrer de façon irréfutable que le demandeur souffre d’une maladie en lien causal déterminant et direct avec l’exposition au risque (l’affaire étant examinée en l’espèce dans le cadre d’une maladie hors liste) mais que cette hypothèse est suffisamment vraisemblable pour justifier la désignation d’un expert, dont le rapport constituera un élément de preuve important.
Lors de la demande, l’exposition au risque est examinée au sein de FEDRIS, éventuellement par ses ingénieurs. A cet égard, le conseil scientifique de FEDRIS a établi des lignes de conduite internes, qui peuvent se révéler éclairantes mais qui ne lient pas les tribunaux. Cet examen collectif, au sein du groupe nettement plus exposé au risque que la population générale, n’empêche toutefois pas que le risque de contracter la maladie du fait de l’exposition à des agents ou à des conditions de travail bien définies doit en outre s’apprécier en fonction des caractéristiques propres de chaque agent, en ce qui concerne l’éventuelle prédisposition pathologique. Il y a donc une double approche, collective et individuelle.
La définition du code 1.605.03 impose que la spondylarthrose dégénérative au niveau L4-L5 ou L5-S1 soit précoce. A défaut de cette précocité, l’atteinte est peut-être une maladie professionnelle hors liste, mais certainement pas la maladie codifiée sous la référence 1.605.03.
L’adjectif précoce ne se réfère pas à un âge déterminé mais est l’expression de l’exigence d’une usure anticipée, aggravée par le port de charges lourdes ou les vibrations mécaniques.
S’il veut être indemnisé sous le bénéfice du code 1.605.03, le travailleur doit dès lors démontrer qu’il remplit cette condition de précocité : c’est sur ses épaules que reposent la charge et le risque de la preuve.
(Décision commentée)
N’est pas une cause de revision le fait que FEDRIS reconsidère les connaissances médicales généralement admises et donc l’élément de causalité théorique potentiel de la notion d’exposition au risque professionnel pour les maladies relevant du code visé (en l’espèce 1.605.01). La cour fait grief à l’Agence de ne pas démontrer que sa demande repose sur des éléments nouveaux ou sur la découverte de tels éléments mais sur une nouvelle prise de position scientifique d’ordre général pour ce seul code.
(Décision commentée)
L’origine d’une pathologie lombaire est multifactorielle et, en vertu des principes applicables, il suffit pour qu’il y ait cause déterminante de directe, de constater un impact de l’exposition sur l’apparition ou le développement de la maladie, qui peut être modeste, sans devoir quantifier l’importance de toutes les autres causes potentielles étrangères à l’exposition au risque professionnel.
Arrêt suite à C. const., 28 mai 2020, n° 78/2020.
L’exposition au risque ne doit pas s’apprécier différemment selon que la maladie est dans la liste ou en dehors ou selon que les atteintes sont limitées à la zone L4-L5-S1 ou plus étendues.
La Cour observe par ailleurs que Fedris n’indique pas quelle méthode autre que MDD il y aurait lieu d’appliquer pour mesurer l’exposition au risque ayant pu générer les pathologies lombaires ailleurs qu’à la jonction L5-S1. Or, récuser la pertinence de toute méthode de mesure de l’exposition au risque sans proposer d’alternative revient en réalité à affirmer que le patient ne peut pas avoir de fièvre car il n’existe pas de thermomètre adapté à son cas et à paralyser l’application de l’article 30bis de la loi du 3 juin 1970. Sous réserve d’une argumentation scientifique particulièrement convaincante, que la Cour déclare ne pas apercevoir en l’espèce, le choix de l’administration ne peut enrayer l’application de la loi.
Enfin, pour autant que de besoin, la Cour rappelle qu’elle n’est pas tenue par les normes et méthodes fixées par Fedris pour évaluer l’exposition au risque.
Pour l’appréciation des facteurs socio-économiques à prendre en compte dans la détermination de l’incapacité permanente, il n’y a pas lieu de tenir compte d’une situation de prépension, de chômage ou d’invalidité au motif que la victime est exclue du marché de l’emploi. Le marché général du travail se définit comme celui qui reste potentiellement accessible à la victime jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans, et ce quelle que soit sa situation (travail, chômage, prépension, crédit-temps, prise en charge AMI, etc.). Il s’agit en effet de situations temporaires.
Les lois coordonnées ne mentionnent pas une consolidation. Elles mentionnent néanmoins le passage d’un état d’incapacité temporaire à un état d’incapacité permanente, ce qui implique d’une part que le législateur ait entendu différencier les deux catégories et d’autre part qu’il faille définir une charnière temporelle pour les distinguer. Alors que la consolidation est généralement définie comme le moment où les lésions acquièrent un caractère de permanence, l’article 35, alinéa 1er, de la loi coordonnée du 3 juin 1970, quant à lui, prévoit le passage de l’indemnité temporaire à une allocation déterminée d’après le degré de l’incapacité permanente lorsque l’incapacité de travail temporaire devient permanente, et ce à partir du jour où l’incapacité présente le caractère de la permanence.
L’allocation forfaitaire prévue par l’article 37, § 3, des lois coordonnées du 3 juin 1970 relatives à la prévention des maladies professionnelles et à la réparation des dommages résultant de celles-ci vise à permettre au travailleur qui a accepté la proposition de cessation définitive de chercher un autre emploi ou de couvrir certaines dépenses qui doivent lui faciliter cette mutation. De par son caractère forfaitaire, elle est due indépendamment du fait que l’intéressé trouve immédiatement un nouvel emploi, la victime ne devant pas nécessairement être en état de chômage pour avoir droit à cette allocation.
Lié à C. trav. Liège (div. Liège), 22 mars 2022, R.G. 2020/AL/239 - ci-dessus.
(Décision commentée)
La loi a habilité le Roi à rendre applicable le régime institué par elle « aux conditions et dans les limites qu’Il fixe ». Il y a ainsi une délégation étendue et aucune disposition dans la loi du 3 juillet 1967 n’interdit au Roi d’établir des présomptions. L’article 108 de la Constitution confère au Roi un pouvoir général d’exécution des lois qui L’autorise à dégager du principe de la loi et de son économie générale les conséquences qui en découlent naturellement d’après l’esprit qui a présidé à sa conception et les fins qu’elle poursuit (avec rappel de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2018, n° 125/2018).
Il n’y a par ailleurs pas de discrimination par rapport au secteur privé. L’existence d’une discrimination suppose en effet notamment que la différence de traitement de catégories suffisamment comparables et/ou l’identité de traitement de catégories différentes ne soient pas raisonnablement justifiées. Les catégories sont différentes, et ce notamment en raison du principe de mutabilité de l’agent public. L’indemnisation d’une maladie professionnelle dans le secteur public et le secteur privé répond à des logiques fondées sur un risque différent. Dans le secteur privé, la prévention de ce risque repose sur l’employeur privé, mais le risque n’est pas indemnisé par lui et ne peut être limité, alors que, dans le secteur public, la limitation et l’indemnisation sont à charge de l’employeur public.
Au sens de l’article 5 de l’arrêté royal du 21 janvier 1993, l’exposition au risque professionnel suppose que les conditions de travail puissent causer la maladie. La cour retient comme définition de la notion d’exposition au risque professionnel, en excluant l’application de l’article 32, alinéa 2, de la loi du 3 juin 1970, que : le milieu professionnel doit générer un danger potentiel pour la santé (un risque) pouvant provoquer la maladie (c’est en ce sens que l’agent nocif doit être inhérent à la profession entendue au sens large du terme), l’exposition doit être suffisante (en durée, fréquence et/ou intensité) pour créer le risque que le travailleur contracte la maladie ; enfin, elle doit être plus grande que celle subie par la population en général. Cette définition correspond d’ailleurs largement à la définition au sens commun.
(Décision commentée)
Le fondement légal de la présomption d’exposition au risque professionnel dans le secteur public est l’article 1er de la loi du 3 juillet 1967, celui-ci étant libellé en des termes suffisamment larges pour qu’y soit comprise l’habilitation donnée au Roi de fixer des règles spécifiques en matière de preuve.
(Décision commentée)
L’écartement effectif ne doit pas être examiné eu égard à la situation socio-professionnelle de la personne au moment de l’examen de la mesure mais bien au regard du but de celle-ci, qui est d’ordre purement médical et est une mesure de prévention. Le dommage indemnisable n’est pas une incapacité effective mais virtuelle. L’allocation forfaitaire vise à permettre au travailleur qui a accepté la proposition de cessation définitive de chercher un autre emploi ou de couvrir certaines dépenses devant faciliter cette mutation. De par son caractère forfaitaire, elle est due indépendamment du fait que l’intéressé trouve immédiatement cet emploi, ne devant pas être, par ailleurs, nécessairement en état de chômage à ce moment.
(Décision commentée)
L’article 34, alinéa 1er, des lois coordonnées renvoie pour la question du cumul entre indemnités d’incapacité temporaire totale avec une pension à l’article 22 de la loi du 10 avril 1971. Celui-ci dispose que, lorsque l’accident a été la cause d’une incapacité temporaire totale, la victime a droit, à partir du jour qui suit celui du début de l’incapacité de travail, à une indemnité journalière de 90% de la rémunération quotidienne moyenne. Le principe est le cumul des prestations d’incapacité temporaire avec tous les autres régimes de sécurité et de prévoyance sociale, l’exception étant la limitation ou l’interdiction de cumul selon les règles établies soit par la loi dans le régime en cause (régime des maladies professionnelles), soit dans d’autres régimes. Dans les lois coordonnées ne figure aucune interdiction ou limitation de cumul. En cas de perception d’indemnités annuelles, par contre, il y a réduction des prestations (le montant étant réglé par l’arrêté royal du 17 juillet 1974).
(Décision commentée)
La dernière version de l’article 32, alinéa 2, des lois du 3 juin 1970 démontre la spécificité dans le secteur privé de la définition donnée de l’exposition au risque professionnel, s’agissant de distinguer un concept spécifique à ce secteur (celui de maladie en relation avec le travail), inexistant dans le secteur public.
La cause est directe est déterminante s’il est médicalement reconnu que la maladie ne se serait pas déclarée ou se serait déclarée dans d’autres conditions et, notamment, ne se serait pas déclarée au moment où elle est apparue ou se serait déclarée moins gravement sans le facteur professionnel.
Le risque professionnel comprend le risque de contracter une maladie professionnelle par la seule présence sur les lieux du travail alors même que le travail effectué n’est pas susceptible de provoquer ladite maladie. La volonté du législateur exclut de considérer que l’exposition au risque professionnel soit inhérente à l’exercice de la profession au sens strict du terme limité aux tâches effectuées. Le facteur « exposition au risque » est acquis au travailleur qui séjourne dans une section d’entreprise même sans y appartenir. Est fait un parallélisme avec le régime des accidents du travail, dont l’article 7, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1971 exige que l’événement soudain survienne dans le cours de l’exécution du contrat de travail, disposition qui, dans le secteur public, gît à l’article 2 de la loi du 3 juillet 1967, qui précise qu’il doit survenir dans le cours et par le fait de l’exercice des fonctions.
(Décision commentée)
Le degré d’incapacité permanente représente la perte ou la diminution de potentiel économique de la victime sur le marché général du travail. Les critères retenus pour l’appréciation du dommage sont non seulement l’incapacité physiologique, mais également l’âge, la qualification professionnelle, la faculté d’adaptation, la possibilité de rééducation professionnelle et la capacité de concurrence sur le marché général de l’emploi. Si la reconnaissance de l’incapacité permanente suppose l’existence d’une incapacité physiologique, le taux de celle-ci n’est cependant pas déterminant pour évaluer le degré de l’incapacité permanente globale.
L’introduction d’un rapport de causalité au cœur même du système de la liste interpelle, ce système ayant pour but d’éviter de faire supporter par la victime les aléas de la preuve en termes de causalité. Il faut se garder d’imposer à la victime la preuve d’un élément pour lequel une présomption joue en sa faveur, sous peine de vider de toute substance le mécanisme d’allègement du fardeau de la preuve mis en place par le législateur. La condition a trait au rapport existant entre l’agent causal cité et la maladie invoquée par le travailleur et ne peut porter atteinte à la présomption irréfragable de causalité.
(Décision commentée)
La loi prévoit, pour les maladies de la liste, une présomption d’exposition lorsque la victime a effectué un travail dans les industries ou professions énumérées à l’arrêté royal du 6 février 2007 (arrêté royal fixant la liste des industries, professions ou catégories d’entreprises dans lesquelles la victime d’une maladie professionnelle est présumée avoir été exposée au risque de cette maladie). La présomption est réfragable. L’exposition au benzène et aux produits contenant du benzène étant visée, il appartient à FEDRIS de la renverser.
Il n’y a pas lieu de prendre en compte la prépension dans les facteurs socio-économiques devant intervenir pour la fixation du taux de l’incapacité permanente. En effet, cet élément ne figure pas dans la loi. La seule disposition légale modifiant la prise en compte des facteurs socio-économiques est relative à l’âge de 65 ans, l’article 35bis des lois coordonnées ayant d’ailleurs été modifié à plusieurs reprises à cet égard. En l’espèce, la situation de prépension doit donc être neutralisée et la Cour conclut à l’existence de facteurs socio-économiques, dont le taux s’ajoute au taux d’incapacité physique.
(Décision commentée)
Les lois coordonnées du 3 juin 1970 contiennent, en leur article 33, un renvoi à la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, si la maladie a entraîné la mort de la victime. Sur le plan de la preuve, il appartient aux ayants droit de prouver le lien de causalité entre la maladie professionnelle et le décès, étant entendu que la maladie professionnelle ne doit pas être la cause unique de celui-ci mais qu’il suffit qu’elle ait facilité ou précipité le décès, étant que, sans la maladie, la victime ne serait pas morte au moment précis où elle est décédée.
(Décision commentée)
L’article 1er/1 de la loi du 3 juillet 1967 (introduit dans le texte par une loi du 25 décembre 2016 portant des dispositions diverses en matière sociale) dispose que cette loi n’est pas applicable aux membres du personnel de HR RAIL, mis ou non à la disposition de la SNCB ou d’INFRABEL, qu’ils soient statutaires ou contractuels. Ce texte n’est cependant en vigueur que depuis le 1er janvier 2014 (étant la date du transfert à HR RAIL des membres du personnel de la SNCB HOLDING – prévu par l’arrêté royal du 11 décembre 2013 relatif au personnel des chemins de fer belges). Même si cette disposition n’existait pas précédemment, ceci n’implique pas que la loi était applicable, à défaut d’arrêté royal (avec renvoi à Cass., 10 décembre 2018, n° S.18.0057.F).
Arrêt ayant abouti à C. const., 28 mai 2020, n° 78/2020.
(Décision commentée)
L’exposition au risque s’apprécie de la même manière pour les pathologies du système dit « de la liste » et celles du système dit « hors liste ». Elle comprend deux composantes, étant d’abord un élément matériel (exposition à l’influence nocive inhérente à l’exercice de la profession et nettement plus grande que celle subie par la population en général) et un élément causal (imputabilité), le risque de contracter la maladie du fait de l’exposition à des agents ou des conditions de travail bien définies devant s’apprécier en fonction des caractéristiques propres de chaque individu.
En l’espèce, s’agissant d’une demande d’aggravation d’une maladie retirée de la liste, l’exposition au risque a déjà été reconnue, de telle sorte que – malgré le libellé maladroit de l’article 2 de l’arrêté royal du 25 février 2007, qui prévoit que l’indemnisation ne peut être revue en cas d’aggravation que si l’exposition au risque correspond à la maladie – il s’agit en réalité de vérifier l’imputabilité de la pathologie à l’exposition.
Les termes « déterminante et directe » figurant à l’article 30bis des lois coordonnées ne signifient pas que le risque professionnel doit être la cause exclusive ni même principale de la maladie. Le lien de causalité prévu par cet article entre l’exercice de la profession et la maladie suppose, en réalité, que sans l’exposition à l’influence nocive au cours de l’activité professionnelle du travailleur, la maladie qu’il a contractée ne serait pas survenue ou n’aurait pas connu le même développement.
Depuis la loi du 11 mai 2007 modifiant diverses dispositions relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles et au Fonds Amiante en ce qui concerne les cohabitants légaux, l’égalité de traitement a été réalisée entre époux et cohabitants légaux (ayant conclu une convention conforme à l’article 1478 du Code civil). Il ressort des travaux parlementaires de la loi que l’intervention du Fonds Amiante pour des cohabitants légaux dépend du soutien mutuel et réciproque décidé entre les deux cohabitants légaux.
(Décision commentée)
Le critère de l’exposition au risque professionnel doit s’apprécier selon une double approche : à la fois collective (groupe professionnel concerné) et individuelle (incidence sur l’organisme ou le psychisme de la victime en fonction de ses caractéristiques propres). Le risque de contracter la maladie du fait de l’exposition à des agents ou des conditions de travail bien définies doit ainsi s’apprécier également en fonction des caractéristiques propres à chaque agent.
Le rôle de l’expert, chargé d’émettre une opinion motivée sur la reconnaissance ou non d’une maladie professionnelle ne figurant pas sur la liste visée par l’arrêté royal du 24 mars 1969, n’est pas de déterminer si l’exposition professionnelle à laquelle a été soumise la victime au risque de contracter la maladie dont elle demande réparation est la cause exclusive ou prépondérante de cette maladie, mais bien de déterminer si l’exercice de sa profession a joué un rôle décisif et sûr, mais ni exclusif ni prépondérant, dans la survenance de cette maladie ou s’il a contribué à son développement au stade d’avancement où elle a été constatée.
Pour déterminer si les facteurs socio-économiques doivent encore être pris en compte après l’âge de la pension de retraite (soit après le 65e anniversaire de l’intéressé), il faut prendre en compte la législation en vigueur à cette date de prise de cours.
Fixer la date de la détermination de l’I.P.P. au prononcé de la décision judiciaire définitive qui statue sur la demande en reconnaissance et d’indemnisation de la maladie professionnelle reviendrait à faire dépendre les droits de la victime des aléas de la durée d’une procédure judiciaire. C’est la date à partir de laquelle l’existence de la maladie professionnelle et son taux d’incapacité sont reconnues qui est à prendre en considération.
(Décision commentée)
L’article 2277 du Code civil prévoit une règle de prescription de 5 ans, qui est étrangère à la prise de cours de l’allocation elle-même et est sans incidence sur la règle de l’article 35, alinéa 2, de la loi.
L’article 2277 du Code civil est applicable à l’action en paiement de l’incapacité permanente (avec renvoi à Cass., 12 mai 2014), aucune des dispositions pertinentes des lois coordonnées elles-mêmes ou de l’arrêté royal du 26 septembre 1996 n’excluant cette application.
La cause déterminante est la cause sans laquelle la maladie ne se serait aucunement déclarée ou ne se serait pas déclarée au moment où elle est apparue. La cause directe est celle qui se trouve directement à l’origine de la maladie, sans maillon intermédiaire. Le lien causal entre la maladie et l’exposition au risque professionnel de celle-ci doit être « décisif et sûr », une probabilité ne pouvant suffire et un doute raisonnable ne pouvant exister. Enfin, le lien causal n’est pas nécessairement exclusif : il peut coexister avec des prédispositions pathologiques qui ont eu une incidence sur le déclenchement de la maladie ; néanmoins, il doit être déterminant et direct. Il n’est donc pas exigé que l’exercice de la profession soit la cause unique ou prépondérante de la maladie, mais seulement qu’il en soit la cause réelle ou manifeste.
L’exposition au risque, qui ne doit pas être exclusive, ne doit pas davantage avoir joué un rôle prépondérant, mais déterminant et direct. Il faut entendre par « direct » que le lien causal doit être sans détour ni facteur intermédiaire et par « déterminant » le fait que la cause doit être réelle et manifeste, sans devoir être cependant exclusive ni même principale. Il a été déduit de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 février 1998 une règle analogue à celle qui prévaut en accident du travail, à savoir qu’il suffit que l’exercice de la profession soit l’une des causes de la maladie sans être nécessairement la cause principale, et qu’il suffit aussi que cet exercice ait aggravé l’état antérieur ou les prédispositions pathologiques de la victime.
(Décision commentée)
En cas de suppression de l’inscription d’une maladie de la liste, le droit à la réparation acquise est maintenu, sans préjudice cependant de toute autre disposition contenant la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles. Pouvoir est accordé au Roi de ne pas octroyer des allocations consécutives au décès ou à une révision des indemnités acquises pour une incapacité permanente.
Il découle de l’article 36, alinéa 1er, des lois coordonnées, inséré par l’article 29 de la loi du 13 juillet 2006 qu’existe une garantie intégrale des droits, à savoir qu’en cas de suppression de l’inscription d’une maladie de la liste ou de la modification de son libellé, la personne atteinte de celle-ci conserve ses droits à la réparation acquise sur la base d’une demande antérieure. Cependant, le Roi peut, par voie d’exception, mettre sur pied un régime particulier en cas d’aggravation de l’incapacité permanente (ou de décès), cette faculté étant concrétisée par l’arrêté royal du 25 février 2007 relatif aux droits des victimes atteintes d’affections dorsales résultant d’une exposition à des vibrations mécaniques.
(Décision commentée)
Dans la fixation de l’étendue du dommage, il faut tenir compte au titre de facteurs socio-économiques de l’âge, de la qualification professionnelle, des facultés d’adaptation, des possibilités de rééducation professionnelle et de la capacité de concurrence sur le marché de l’emploi. Ce dernier critère est déterminé par les possibilités dont la victime dispose encore, comparée à d’autres travailleurs, d’exercer une activité salariée. Le taux de l’incapacité physiologique ne constitue par ailleurs pas nécessairement l’élément déterminant pour évaluer le degré d’incapacité permanente.
Pour ce qui est de l’incidence du critère de l’âge sur le dommage réparable, il faut comparer un travailleur (en l‘espèce âgé), victime d’une maladie professionnelle générant un certain taux d’incapacité physiologique, avec un autre travailleur du même âge et de même formation, mais ne présentant pas ce handicap, ceux-ci allant se trouver tous deux en concurrence sur un marché du travail réduit, qui est celui des travailleurs de leur âge, de leur formation et de leur expérience professionnelle. Les chances d’embauche sont objectivement moindres pour le premier travailleur que pour le second, qui a – lui – un avantage concurrentiel indéniable résultant du fait qu’en dépit de son âge il a conservé intacte sa capacité de travail. Si l’évaluation des facteurs socio-économiques procède d’une appréciation forfaitaire, il faut qu’elle reflète l’impact économique de l’incapacité physiologique.
(Décision commentée)
Une incapacité permanente peut connaître plusieurs stades de gravité, c’est-à-dire évoluer, sans pour autant perdre son caractère permanent. L’exigence de permanence vise l’incapacité par rapport à son existence, à son principe, mais non par rapport à son taux. S’il est acquis que la maladie présente un caractère de permanence, l’incapacité peut, le cas échéant, évoluer dans le temps sans que ceci ne soit incompatible avec la notion d’incapacité permanente. Des variations d’intensité dans le temps doivent être admises, ce qui, pour la cour, s’harmonise avec le caractère évolutif de nombreuses maladies professionnelles et avec l’absence d’une consolidation, comme dans la matière des accidents du travail. Ceci permet également de donner un sens utile à l’article 35, en vertu duquel la victime d’une maladie professionnelle peut être affectée d’une incapacité permanente depuis le début alors même que cette incapacité peut se moduler dans le temps.
(Décision commentée)
A défaut de notion de consolidation en maladies professionnelles, le point de départ de l’indemnisation propre à l’incapacité permanente s’apprécie eu égard à la permanence de l’incapacité (et non eu égard à son taux). La permanence de l’incapacité est l’accessoire de la maladie ou des séquelles. Aussi, l’on peut comprendre la notion utilisée par l’article 35, alinéa 1er, des lois coordonnées (« lorsque l’incapacité temporaire devient permanente ») comme suit : « lorsqu’il est médicalement acquis que la maladie ne pourra être guérie sans séquelles et qu’elle génère une incapacité, sans que cela [n’]exclue des variations d’intensité dans le temps ».
(Décision commentée)
Il ne peut y avoir de distinction sur le point de départ des intérêts sur les indemnités de maladie professionnelle selon que le droit à celles-ci est reconnu dans une décision administrative ou, ultérieurement, dans une décision judiciaire (avec renvoi notamment à Cass., 10 février 2003 et 27 novembre 2010).
(Décision commentée)
(Suite de l’arrêt du 6 février 2017)
L’expert ayant conclu à la plausibilité du lien causal, s’appuyant notamment sur les travaux de l’Association Internationale de Recherche contre le Cancer (IARC), selon lesquels une « limited evidence » (preuve limitée) suppose une association positive crédible, et ce même si le hasard, des biais ou un élément confondant ne peuvent être exclus avec « reasonable confidence », il faut admettre la preuve « limitée ». S’appuyant sur les travaux scientifiques autorisés, l’expert a en effet abouti de façon construite, systématique et convaincante à la conclusion que, dans la situation des quatre ex-travailleurs (qui avaient initié la procédure au départ), le développement des cancers a été provoqué par l’exposition au risque visé.
L’introduction d’un rapport de causalité au cœur même du système de la liste interpelle, ce système ayant précisément pour but d’éviter de faire supporter par la victime les aléas de preuve en termes de causalité. Il faut se garder d’imposer à la victime la preuve d’un élément pour lequel une présomption joue en sa faveur, sous peine de vider de toute substance le mécanisme d’allègement du fardeau de la preuve mis en charge par le législateur. Si une maladie de la liste (en l’occurrence Code 1.606.22) est définie par son agent causal, l’on peut poser le principe que la condition a trait au rapport existant entre cet agent causal et la maladie invoquée et ne peut porter atteinte à la présomption irréfragable de causalité. La victime doit uniquement prouver que la littérature médicale admet en termes tout à fait généraux que de telles affections peuvent être provoquées par celui-ci.
(Décision commentée)
Dès lors que la demande originaire a pour objet la réparation du dommage causé par une maladie professionnelle, celle-ci est la cause de la demande et non son objet. La question de savoir si la maladie figure ou non dans la liste n’est pas une question de fait mais relève de la détermination, par le juge, des règles juridiques applicables aux faits. Ainsi, l’objet de la demande n’a pas été modifié par la qualification juridique nouvelle donnée au fait invoqué à l’appui de la demande, qui a d’abord été qualifié juridiquement de maladie de la liste et, ensuite, de maladie hors liste (arrêt de renvoi après Cass., 12 décembre 2016, n° S.15.0068.F).
(Décision commentée)
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 4 avril 2016, n° S.14.0039.F) que la présomption d’exposition au risque professionnel, présomption réfragable, pour tout travail effectué au sein d’un organisme public, contenue à l’arrêté royal du 5 janvier 1971, s’applique également aux maladies hors liste. Dès lors que la maladie est établie et qu’elle est en lien de causalité avec ladite exposition, il y a lieu à réparation.
Dans cet arrêt de la Cour suprême, il s’agissait d’un sapeur-pompier, pour lequel était applicable l’arrêté royal du 21 janvier 1993, et la Cour de cassation a considéré qu’en tenant l’article 32, alinéa 2, des lois coordonnées du 3 juin 1970 pour applicable au litige relatif à la réparation de la maladie professionnelle dont il aurait été victime, le juge du fond avait violé les dispositions légales.
Pour la cour du travail, la Cour de cassation a clairement considéré dans son arrêt que, dans le secteur public, la présomption d’exposition au risque professionnel s’applique tant aux maladies de la liste qu’aux maladies hors liste. Dès lors ainsi que la pathologie est avérée et que la présomption d’exposition au risque professionnel n’est pas renversée, il y a lieu à réparation. Cet enseignement peut être appliqué aux autres travailleurs du secteur public, tels que dans l’espèce soumise, dans la mesure où l’article 4, alinéa 2, de l’arrêté royal du 5 janvier 1971 (applicable en l’espèce) est le pendant de l’article 5, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 21 janvier 1993.
(Décision commentée)
Pour qu’un expert puisse être désigné dans le cadre d’une demande de réparation d’une maladie hors liste, la victime ne doit pas démontrer de manière irréfutable qu’elle souffre d’une maladie en lien causal, déterminant et direct avec l’exposition au risque, mais que cette hypothèse est suffisamment vraisemblable.
Vu « l’asymétrie dans les savoirs et dans les ressources entre FEDRIS et les assurés sociaux », ceci justifie particulièrement dans la matière des maladies professionnelles le recours à l’expertise, qui est un mode de preuve particulièrement adapté chaque fois qu’une contestation raisonnable est portée devant le juge.
L’adjectif précoce ne se réfère pas à un âge déterminé mais est l’expression de l’exigence d’une usure anticipée, aggravée par le port de charges lourdes ou les vibrations mécaniques. La précocité est la caractéristique des lésions dégénératives provoquées par des vibrations mécaniques.
(Décision commentée)
Il n’y a aucun critère légal permettant de définir l’exposition au risque. Le conseil scientifique de FEDRIS a établi des lignes de conduite internes qui ne lient pas les juridictions. En ce qui concerne les critères les plus appropriés, les critères EPILIFT constituent une mise à jour correctrice, au regard de données plus récentes, de la méthode MDD originelle et non une tabula rasa des acquis antérieurs. Il y a lieu de leur accorder la préférence, s’agissant de critères postérieurs et corrigés.
(Décision commentée)
L’existence d’une maladie professionnelle peut être révélée via une expertise judiciaire et, si une demande avait été formée et rejetée précédemment (en l’occurrence 20 ans auparavant), cet élément nouveau doit être pris en considération, dans la mesure où le travailleur était exposé au risque avant l’apparition de l’affection, le temps de latence – en l’occurrence particulièrement long – pouvant s’expliquer médicalement.
La définition de l’exposition au risque reprise à l’article 32, alinéa 2, des lois coordonnées le 3 juin 1970 ne contient aucune indication chiffrée de durée minimale ou d’intensité minimale, pas plus qu’elle ne fixe des critères précis d’évaluation, ce qui assure, du point de vue scientifique, un débat ouvert. Il en résulte que les cours et tribunaux, ainsi que les experts qu’ils désignent, disposent d’un large pouvoir d’appréciation, à condition toutefois de se référer aux connaissances médicales généralement admises, telles qu’elles sont visées dans la disposition précitée. L’exigence de l’exposition au risque professionnel de la maladie est justifiée dans les travaux préparatoires par le fait que certaines maladies peuvent être contractées dans des situations aussi privées que professionnelles.
Appréciation de la perte de capacité de travail eu égard notamment aux efforts accrus dans l’exercice du métier maintenu.
Evaluation du taux d’incapacité permanente dans le cas d’une victime qui était, depuis des années, en « prépension » lorsqu’a débuté l’incapacité permanente – rappel des principes en la matière – rejet du critère de la prépension dans l’évaluation des facteurs socio-économiques.
(Décision commentée)
Il appartient à l’organisme employeur de démontrer que l’agent n’a pas été exposé au risque de la maladie. Seul celui-ci et non le service médical est à même de tenter de démontrer que le travail accompli par la victime ne l’exposait pas au risque de celle-ci. La cour considère dès lors que c’est à bon droit que le premier juge a conclu que seul le C.P.A.S. (employeur) pouvait renverser la présomption, et non FEDRIS.
(Décision commentée)
La condition d’exposition au risque figure à l’article 32 des lois coordonnées, dont le 2e alinéa définit le risque professionnel. Celui-ci existe lorsque l’exposition à l’influence nocive est inhérente à l’exercice de la profession et est nettement plus grande que celle subie par la population en général et, dans la mesure où cette exposition constitue, dans les groupes de personnes exposées, selon les connaissances médicales généralement admises, la cause prépondérante de la maladie. Le travailleur a la charge de la preuve de l’exposition au risque, que ce soit pour une demande d’indemnisation d’une maladie de la liste ou pour une maladie ne figurant pas sur celle-ci.
Si les critères de l’exposition au risque figurent dans un texte – ainsi, pour la tendinopathie dans l’arrêté royal ayant introduit celle-ci dans les maladies de la liste – il faut avoir égard à ceux-ci (mouvements nécessitant de la force et présentant un caractère répétitif ou positions défavorables) et non à d’autres qui n’y figurent pas (durée de l’exposition).
Le taux d’incapacité permanente de travail ne peut être fixé eu égard à l’existence d’une prépension. Cette circonstance a cependant une incidence sur l’évaluation des facteurs socio-économiques lorsque le travailleur n’a pas l’intention de rester actif sur le marché du travail (par la recherche d’une activité professionnelle compatible avec son statut de prépensionné ou par l’abandon de ce statut en vue d’une reprise d’un travail).
Si la cause doit être réelle et manifeste, elle ne doit pas être exclusive ni même principale. Le lien causal doit être considéré comme existant dès lors que, sans le risque, la maladie ne serait pas survenue telle quelle. En réalité, l’on s’approche de la théorie de l’équivalence des conditions. Si la spondylodiscarthrose (en l’espèce) se présente telle qu’elle est entre autres à cause de l’exposition au risque, le lien causal entre le risque et la maladie est établi. De même si l’exposition a, avec certitude, aggravé la maladie.
(Décision commentée)
En vertu de l’article 19 de la Charte, après qu’une décision administrative a été prise concernant une demande d’octroi d’une prestation, une nouvelle demande peut être introduite. Elle ne peut cependant être déclarée fondée qu’au vu d’éléments de preuve nouveaux qui n’avaient pas été soumis antérieurement à l’autorité administrative ou en raison d’une modification d’une disposition légale ou réglementaire. Sans préjudice des dispositions légales ou réglementaires particulières, la nouvelle décision prend cours le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle demande a été introduite. La portée de l’autorité d’une décision administrative est liée à ce qui a fait l’objet de cette décision. Si une seconde demande d’indemnisation de maladie professionnelle s’avère fondée, il y a lieu de lui conférer tous les effets prévus par la loi, dont la possibilité de prétendre à l’indemnisation d’une période d’incapacité temporaire totale remontant à moins de 365 jours avant la date de la demande.
Pour être directe, la cause doit être efficiente, en cela que, sans elle, la maladie professionnelle n’aurait pu exister dans une telle mesure. Des probabilités minimes peuvent dès lors suffire, mais la circonstance que le travail jouerait un rôle fortuit ne le peut. La relation causale doit être directe, décisive, certaine, sans détour ni facteur intermédiaire.
Pour être déterminante, la cause doit être réellement prépondérante ou décisive, ce qui signifie réelle, concrète et manifeste, sans être exclusive, ni même principale. L’article 30bis n’exclut pas une prédisposition et la victime ne doit pas établir l’importance de l’influence exercée par celle-ci.
(Décision commentée)
La causalité propre à l’exposition est collective. La fréquence doit s’apprécier en comparant le taux d’apparition de la maladie incriminée au sein de la population exposée et au sein de la population en général. En outre, la plausibilité, étant la possibilité d’un lien causal, doit s’apprécier de manière globale et théorique, la cour précisant qu’il n’est pas requis qu’il soit certain. L’examen doit se faire selon les connaissances médicales généralement admises.
Une simple corrélation positive entre l’exposition au risque et un nombre de cas plus élevé au sein de la population exposée qu’au sein de la population en général permettrait de considérer que l’exposition constitue la cause prépondérante de la maladie, à la condition toutefois qu’elle soit suffisamment importante et plausible. Il ne faut, dès lors, pas – vu l’appréciation collective de l’imputabilité – examiner la causalité dans le cas concret de la victime. La méthode à suivre est de déterminer deux groupes, l’un exposé à l’agent pathogène et l’autre non : si une prévalence suffisamment accrue et plausible de la pathologie est constatée au sein du groupe exposé, l’exposition au risque professionnel peut être retenue comme cause prépondérante. Cette notion est - à défaut d’autres précisions apportées par le législateur – abandonnée aux lumières du juge.
(Décision commentée)
Le remboursement de l’indu en la matière ne peut être réclamé sauf s’il y a eu moyens frauduleux. L’article 44 des lois coordonnées ne fait pas de distinction suivant la cause du paiement indu (hors cette exception), ni suivant la personne à qui les fonds ont été versés (bénéficiaire ou ayant-droit au sens des lois coordonnées, ou encore en vertu d’une dévolution successorale).
En matière de répétition d’indu, le Fonds des Maladies Professionnelles a l’obligation de notifier sa décision de récupération, conformément au prescrit de l’article 44 des lois coordonnées. L’exécution de celle-ci ne pourra intervenir qu’à l’issue du délai de recours en justice.
(Décision commentée)
Pour le calcul de l’allocation pour aide de tiers, il faut se référer au revenu minimum mensuel moyen garanti (C.C.T. 43nonies). Le nombre d’heures nécessitées est à reporter en base annuelle, à diviser par le total des heures de travail représentant sur cette même base la durée légale maximum autorisée, étant 1748 heures. Le résultat de cette fraction doit être multiplié par le montant mensuel du revenu minimum mensuel moyen garanti.
(Décision commentée)
En cas d’aggravation d’une pathologie précédemment reconnue dans le système de la liste, l’exposition au risque initialement admise doit être maintenue et la procédure est à introduire dans le système ouvert.
Le retrait, par la suppression du code 1605.12 et son remplacement par le code 1605.03 de la maladie ostéo-articulaire provoquée par les vibrations mécaniques de la liste des maladies professionnelles, n’a pas pour conséquence que l’affection dont la victime peut être atteinte ne peut être reconnue comme maladie professionnelle hors liste, mais à la condition que, dans cette hypothèse, une fois établie l’exposition professionnelle, soit encore démontré, sur le plan strictement médical, le lien déterminant et direct qu’entretiendrait cette maladie telle qu’elle est décrite avec l’exercice de la profession exercée, dans les conditions concrètes dans lesquelles l’intéressé a accompli ses prestations de travail.
Le retrait de la liste de la maladie professionnelle initialement reconnue fait obstacle à ce que la victime bénéficie, dans le cadre de l’action introduite pour en faire constater l’aggravation, de la présomption légale de causalité qui s’attachait jadis à cette maladie reconnue sur la base de l’ancien code.
La victime doit dès lors établir le lien déterminant et direct, à savoir que la cause déterminante est celle sans laquelle la maladie ne se serait aucunement déclarée ou ne se serait pas déclarée au moment où elle est apparue et que la cause directe est celle qui se trouve directement à l’origine de la maladie, sans maillon intermédiaire. Le lien de causalité n’exige cependant pas que l’exercice de la profession soit la cause unique de la maladie, la loi n’excluant pas l’existence d’une prédisposition et n’imposant pas à la victime l’obligation d’établir le degré d’influence de celle-ci (renvoi à Cass., 2 février 1998).
(Décision commentée)
En cas de carrière mixte ayant comporté une première période dans le secteur public et une seconde dans le secteur privé, la mission confiée à l’expert doit porter sur l’évolution de l’exposition au risque pendant toute la carrière professionnelle, étant entendu que – en fonction de cette évolution –, l’exposition peut avoir varié dans le temps.
Dans son arrêt du 2 février 1998, la Cour de cassation a considéré qu’il ne ressortait pas des travaux parlementaires que, par les termes « déterminante et directe », l’article 30bis ait disposé que le risque professionnel doit être la cause exclusive de la maladie. Il s’en déduit une règle analogue à celle qui prévaut en matière d’accidents du travail, à savoir qu’il suffit que l’exercice de la profession soit l’une des causes de la maladie sans être nécessairement la cause principale et qu’il suffit aussi que cet exercice ait aggravé l’état antérieur ou les prédispositions pathologiques de la victime. Cette exigence ne s’écarte donc pas notablement de la conception de la causalité issue de l’équivalence des conditions : il y a causalité lorsque la maladie ne serait pas survenue ou aurait été moins grave sans l’exercice de la profession, peu importe que coexistent d’autres causes étrangères à celui-ci. Ceci revient à s’interroger, au vu de l’exigence d’un lien causal déterminant et direct, sur la question de savoir si, dans l’hypothèse où cette profession n’aurait pas été exercée par le malade, dans les conditions concrètes dans lesquelles il a exécuté ses prestations de travail, celui-ci aurait quand même présenté la maladie incriminée.
Il y a lieu de déterminer si l’aggravation de l’affection, telle qu’elle est survenue et/ou au moment où elle est apparue, présente un lien causal déterminant et direct avec l’exposition professionnelle au risque de cette maladie, en ce sens qu’elle présente un lien décisif et sûr, mais ni exclusif ni prépondérant, avec l’exposition à laquelle le travailleur a été soumis au risque professionnel de cette maladie, sans que ce lien causal puisse pour autant être déduit de l’exposition elle-même. Dans cet examen du lien causal déterminant et direct, il suffit que l’exercice de la profession soit l’une des causes de la maladie sans être nécessairement la cause principale et il suffit aussi que cet exercice ait aggravé l’état antérieur ou les prédispositions pathologiques de la victime, de sorte qu’il puisse être exclu que l’intéressé aurait quand même présenté la maladie incriminée au stade où elle est constatée lors de l’introduction de la demande d’aggravation s’il n’avait pas exercé sa profession dans les conditions concrètes dans lesquelles il a exécuté ses prestations de travail.
La notion d’exposition au risque prévue à l’article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970 suppose un lien entre l’exposition et le risque de la population soumise au risque de développer la maladie invoquée. Dès ce stade, il existe une causalité à vérifier, même s’il ne s’agit que d’une causalité potentielle. Le critère de l’exposition au risque professionnel de la maladie suppose qu’un risque de contracter celle-ci existe, risque généré par le milieu professionnel. Le risque étant une potentialité, ce critère n’implique, en lui-même, aucune certitude quant à la cause exacte de la maladie, celle-ci pouvant trouver son origine ailleurs, notamment dans un travail effectué en-dehors des emplois donnant lieu à couverture, ou encore dans l’organisme interne de la victime. Il faut se garder de toute confusion entre la causalité collective inhérente à la notion d’exposition et le lien causal déterminant et direct, qui constitue une condition d’octroi de l’indemnisation de la maladie professionnelle. L’exposition au risque suppose donc l’existence d’une causalité théorique potentielle et rien de plus.
(Décision commentée)
Le principe du préalable administratif ne trouve à s’appliquer qu’à l’égard de l’objet initial du procès. Il ne peut tenir en échec l’article 807 du Code judiciaire, qui fixe les conditions de l’extension de la demande en justice. Une demande d’indemnisation pour une maladie professionnelle de la liste peut dès lors être examinée dans le cadre de la procédure judiciaire dans le système hors liste.
Dans le cas des maladies ostéo-articulaires provoquées par des vibrations mécaniques, il est unanimement admis que le travailleur est considéré comme ayant été exposé au risque professionnel de la maladie s’il a été professionnellement soumis à une dose suffisante de vibrations (appelée encore dose effet ou seuil d’exposition). L’exposition s’apprécie en fonction de divers critères : la fréquence et la direction des vibrations, le niveau d’accélération, la durée d’exposition quotidienne, les intervalles de repos, la durée totale de l’exposition, en tenant compte des particularités de la constitution personnelle du patient, telle une faiblesse congénitale, un état antérieur fragilisé, etc.
L’article 32, al. 2, de la loi relative à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles donne une définition générale de l’exposition au risque. Celle-ci ne contient aucune indication de durée minimum, voire d’intensité minimum, pas plus qu’elle ne contient de critères, de diagnostics médicaux, d’évaluation ou de prévention. Cette absence de critères met la victime à l’abri d’une nomenclature rigide de ‘conditions’. C’est une formule souple qui assure, du point de vue scientifique, un débat toujours ouvert et multidisciplinaire, débat qui permet la confrontation des recherches et les révisions nécessaires.
(Décision commentée)
La société mutualiste, qui a avec l’employeur du secteur public une convention en vue de la gestion du paiement des rentes aux membres du personnel indemnisés pour les maladies professionnelles, n’est pas une institution de sécurité sociale dans la mesure où elle n’accorde pas de prestations sociales et elle ne peut davantage être qualifiée d’institution coopérante de sécurité sociale, n’ayant aucun agrément à cette fin. Elle n’est donc pas visée par la Charte de l’assuré social. Elle ne l’est pas davantage par la loi du 3 juillet 1967 et ses arrêtés d’exécution. Enfin, elle ne l’est pas non plus par la loi du 29 juillet 1991, n’étant pas une autorité administrative.
(Décision commentée)
Critère de l’indemnisation : cessation définitive de l’activité professionnelle exposant au risque de la maladie ou à son aggravation
(Décision commentée)
Si l’exposition au risque professionnel d’une maladie (affection des muqueuses ainsi que des voies respiratoires et des yeux) a été admise et qu’une première indemnisation est intervenue dans le passé pour des périodes d’incapacité temporaire dans le secteur des maladies professionnelles et que, par ailleurs, un dossier est introduit dans le cadre des accidents du travail suite à un fait accidentel et que les conditions de reconnaissance de ce fait sont remplies, il faut distinguer d’une part l’incapacité temporaire à charge de l’accident et de l’autre la reprise éventuelle de l’incapacité dans le secteur des maladies professionnelles.
(Décision commentée)
Les barèmes du Fonds des Maladies professionnelles n’ont qu’une valeur indicative et ils ne peuvent déterminer l’évaluation de l’incapacité permanente consécutive à une maladie professionnelle, celle-ci devant être fixée en tenant compte du marché du travail propre à la victime. Ainsi, en cas de demande introduite pour troubles de l’acuité auditive et acouphènes, si le travailleur a travaillé dans le bruit pendant de longues années, ce type de métier fait partie des professions qui lui étaient accessibles. Si d’autres milieux sont encore ouverts, ceci indique qu’une certaine capacité de travail subsiste mais non qu’il n’y a pas d’incapacité permanente.
La règle du préalable administratif n’empêche pas qu’une demande nouvelle soit introduite en cours d’instance conformément à l’article 807 C.J. Ainsi, s’il apparaît dans le cours de l’expertise qu’existe la possibilité d’une autre maladie indemnisable, le juge peut en connaître (renvoi à Cass., 15 juin 1981, n° 6.256).
Obligation pour le demandeur d’établir le lien de causalité – absence d’exigence de monocausalité – mission de l’expert
Demande instruite dans le système de la liste – désignation d’expert – demande formée après le dépôt du rapport d’expert d’examen par la cour du dossier dans le cadre des maladies hors liste – demande rejetée, les conditions de l’article 807 CJ n’étant pas remplies. NB Cet arrêt a été cassé par Cass., 12 décembre 2016, ci-dessus.
(Décision commentée)
Nécessité d’une approche individualisée de l’exposition au risque professionnel
Erreur du FMP - paiement sur taux accepté mais modifié par le tribunal - 6 mois d’arriérés
(Décision commentée)
Demande portant pour partie sur une période antérieure à une première décision de rejet non contestée – étendue de l’instruction à faire par le FMP
(Décision commentée)
Distinction entre le point de départ des indemnités et l’exigibilité du paiement
(Décision commentée)
Charge de la preuve – mission d’expertise
(Décision commentée)
Application de l’article 2277 du Code civil
(Décision commentée)
Ancien gendarme – membre de la police locale
(Décision commentée)
Déclaration de la maladie professionnelle – unicité – absence de possibilité d’introduction d’une deuxième demande
(Décision commentée)
Présomption d’exposition au risque de l’arrêté royal du 5 janvier 1971 – légalité
(Décision commentée)
Débiteur de la rente- transfert d’un travailleur d’une APL à un organisme public
Les critères d’évaluation sont identiques à ceux en accident du travail - la jurisprudence de la Cour de cassation en cette matière est dès lors transposable
(Décision commentée)
Appréciation des facteurs socio-économiques – secteur public
Obligation d’instruction par le F.M.P. - irrecevabilité de l’extension de la demande - maladie hors liste
Présomptions (A.R. 5 janvier 1971) - preuve à charge de la victime - asthme professionnel
(Décision commentée)
Cumul pension d’invalidité d’ouvrier mineur
(Décision commentée)
Condition d’un an – cohabitation légale
Renvoi à Cass., 2 février 1998 - absence de monocausalité - absence de preuve de l’importance de l’influence exercée par une prédisposition
(Décision commentée)
Affection dégénérative – obligation de prouver la cause déterminante et directe
Autorité de chose décidée - acte générateur de droits - autorité administrative
Modification de la législation en cours d’instance - possibilité d’extension de la demande
(Décision commentée)
Notion
Taux complémentaire pour écartement du risque professionnel - demande non contenue dans la citation - demande contestant la décision du Fonds qui a rejeté l’écartement - demande fondée sur un fait et/ou un acte invoqué dans la citation
Situation confirmée ou modifiée après le 65e anniversaire
(Décision commentée)
Définition de la maladie – définition applicable au moment de la demande ou au moment de la décision judiciaire
(Décision commentée)
Point de départ : début de l’incapacité permanente fixée par l’expert – référence aux arrêts 25/2007 du 30 janvier 2007 et 73/2011 du 12 mai 2011 de la Cour constitutionnelle
Application de la réglementation en vigueur à la date d’introduction de la demande
(Décision commentée)
Maladie hors liste – étendue de la charge de la preuve – opportunité d’une mesure d’expertise
Extension de la demande (article 807 C.J.) autorisée indépendamment de la règle du préalable administratif (renvoi à C. trav. Brux., 25 juin 2007, R.G. 48.899, publié sur le site)
(Décision commentée)
Recevabilité d’une demande en révision : absence d’exigence de l’envoi d’un recommandé
(Décision commentée)
Situation avant la loi-programme du 23 décembre 2009 : deux questions posées à la Cour constitutionnelle
(Décision commentée)
Point de départ de l’incapacité permanente
(Décision commentée)
Rente de veuve
(Décision commentée)
Allocation d’aggravation – conditions – rétroactivité – preuve du lien causal
La présomption d’exposition au risque dont bénéficient les travailleurs du secteur public n’implique pas que l’exposition inhérente à l’exercice de la profession doit être nettement plus grande que celle subie par la population en général comme c’est le cas à l’article 32, al. 2 des lois coordonnées
La pension anticipée ne fait pas obstacle à une activité professionnelle - la prise en compte des facteurs socio-économique est donc justifiée nonobstant la prise de cours de celle-ci
Question ayant abouti à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 mai 2011 (n° 73/2011)
Là où la demande aurait pu, en cours de procédure judiciaire, être étendue à l’indemnisation dans le système ouvert, il faut admettre que la demande en justice pouvait, dès l’origine, également viser cette indemnisation - il en est d’autant plus ainsi que la Charte de l’assuré social imposait au FMP, à tout le moins, d’informer l’intéressée de cette seconde possibilité d’indemnisation
Tous les travailleurs reconnus atteints d’une maladie professionnelle ont droit à la revision de leurs indemnités à la condition de démontrer l’aggravation de l’incapacité permanente découlant de la maladie - la question peut se poser à cet égard du caractère discriminatoire de l’article 36 des lois coordonnées et de l’arrêté royal du 25 février 2007, qui imposent des conditions supplémentaires pour certaines maladies professionnelles de la liste
Toute maladie qui ne figure pas sur la liste peut être admise comme maladie professionnelle si elle remplit les conditions de l’article 30bis, qui joue un rôle subsidiaire par rapport à la liste dressée en exécution de l’article 30 - dès lors, si la demande d’indemnisation doit être rejetée dans le cadre de la liste car elle ne remplit pas les conditions fixées par celle-ci, elle peut être accueillie dans le cadre de l’article 30bis
Demande nouvelle (réparation d’une maladie hors liste) – exigence du préalable administratif
(Décision commentée)
Loi du 13 juillet 2006 confiant au Roi la possibilité de décider qu’il n’y a pas lieu à l’octroi des allocations (article 36, al. 1er des lois coordonnées du 3 juin 1970 – constitutionnalité – question posée à la Cour constitutionnelle)
Précocité – notion – nécessité d’un examen individualisé même si la fréquence de l’arthrose lombaire augmente à la faveur de l’exposition au risque
(Décision commentée)
Exposition au risque professionnel dans le secteur privé et le secteur public – dernier employeur secteur public – obligation de réparer pour une période plus longue que celle de la durée d’occupation (réouverture des débats)
Il faut se référer au marché général de l’emploi aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Il n’y a pas lieu de tenir compte de la stabilité d’emploi censée exister dans le secteur public d’autant que la rémunération, moins élevée dans ce secteur, tient déjà compte de ce facteur et qu’il y a limitation de cumul
Demande nouvelle (réparation d’une maladie hors liste) - pas d’exigence du préalable administratif
Maladie qui n’est plus reconnue (1.605.12) – pas d’indemnisation de l’aggravation – pas de discrimination
Le régime probatoire du secteur public diffère de celui du secteur privé en ce qu’il s’articule autour d’une double présomption qui exonère la victime de toute autre preuve que de celle de l’existence dans son chef de la maladie figurant sur la liste - les deux présomptions légales sont pour la première (présomption d’exposition au risque professionnel de la maladie) réfragable et pour la seconde (présomption de causalité) irréfragable
(Décision commentée)
Légalité de la présomption de l’exposition au risque figurant dans l’arrêté royal du 5 janvier 1971
Syndrome radiculaire consécutif à une hernie discale dégénérative provoquée par vibrations mécaniques ou port de charges - code 1.605.03
(Décision commentée)
Conditions d’exposition au risque professionnel de la maladie ostéo-articulaire provoquée par les vibrations mécaniques
Précocité - code 1.605.12
Taux préférentiel réclamé par la veuve - époux admis à la pension d’invalidité d’ouvrier mineur- ne signifie qu’il était atteint de silicose
Cas d’application de l’article 35bis
Vibrations mécaniques - conduite de camion
(Décision commentée)
Prise volontaire de la prépension - prise en compte dans les critères d’indemnisation
Suppression des facteurs socio-économiques - ajout d’1 % d’IPP supplémentaire et modification intervenue à partir du 1er juin 2007 (voir sur cette question C. trav. Liège, 24 mars 1997, Chron. Dr. Soc., 1998, 530)
Cause déterminante de la cessation d’activité
(Décision commentée)
Conditions d’exposition - appréciation de l’importance
Preuve du lien entre la maladie (silicose) et le décès (ictus cérébral)
(Décision commentée)
Demande dans les deux systèmes
(Décision commentée)
Cumul pension - Sur le même sujet voir Cass., 27 février 2006 (R.G. S.05.0033.F) et C. Const., 17 avril 2008 (arrêt n° 64/2008)
Indemnisation de dermatite - allergie aux solvants - métiers et professions interdits
(Décision commentée)
Mécanisme de la Charte
(Décision commentée)
Code 1.605.03 - régime probatoire
(Décision commentée)
Prise en compte de l’influence - même indirecte - de la maladie sur le décès ; voir en ce sens C. trav. Liège, 27 juin 1980, J.L., 1980, 219 (obs. MANETTE, « La maladie professionnelle, cause indirecte du décès »), confirmant Trib. trav. Verviers, 30 octobre 1978, J.T.T., 1980, 147 - Pour l’admission du lien indirect (état dépressif, psychose, suicide), voir C. trav. Bruxelles, 3 décembre 1982, R.G. 72/2334
Voir également C. trav. Mons, 14 février 1997, R.G. 12.839 et note D. DE BRUCQ, « Commentaire à propos de l’arrêt de la Cour du travail de Mons du 14 février 1997 », R.B.S.S., 1998, 395-398
(Décision commentée)
Obligation d’instruction par le FMP
Si une loi nouvelle vient modifier le débiteur de la réparation, elle s’applique non seulement aux situations qui naissent à partir de son entrée en vigueur mais également aux effets futurs des situations nées sous l’empire des lois antérieures, qui se produisent ou se prolongent sous l’empire de la loi nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés
(Décision commentée)
Maladie hors liste - rupture de la coiffe des rotateurs - l’article 30 bis n’exige pas que le risque professionnel soit la cause exclusive ou principale de la maladie
Vibrations mécaniques - notion de précocité
La décision de révision qui se réfère sans plus de précision à « l’examen auquel il a été procédé » ne comporte pas une motivation suffisante au sens de la loi du 29 juillet 1991 et doit être annulée
(Décision commentée)
Appréciation des facteurs socio-économiques - absence d’obligation légale de subir une intervention chirurgicale
(Décision commentée)
Précocité - notion
Incidence de la loi nouvelle - pas matière à revision de la reconnaissance d’une maladie (précocité)
Norme ISO 2631 - valeurs des critères du F.M.P.
Norme ISO 2631 - valeurs des critères du F.M.P. - canal carpien
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Vibrations mécaniques - notion de précocité
(Décision commentée)
Code 1.605.12
Ecartement spontané - conséquences
Maladie hors liste - étendue de la charge de la preuve
Non respect de l’article 136, §2, alinéa 6 de la loi du 14 juillet 1994
Affection ostéo-articulaire
Affection ostéo-articulaire
(Décision commentée)
Incidence de la loi nouvelle - modification de la liste - pas matière à revision (précocité)
(Décision commentée)
Appréciation des facteurs socio-économiques - rappel des principes - accident du travail antérieur
(Décision commentée)
Mécanisme de la Charte - arrêt de principe - voir également Cass., 10 février 2003, R.G. S020002F, J.T.T., 2003, 172 - Application de l’article 20, alinéa 1er de la Charte (intérêt de plein droit depuis l’exigibilité) et C.A., 8 mai 2002 (arrêt n° 78/2002)
Octroi du taux préférentiel - date de départ
Prise de cours
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Affection ostéo-articulaire
Affection ostéo-articulaire
Demande simultanée dans les deux régimes - rejet
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Affection ostéo-articulaire
Rétroactivité - question à la Cour constitutionnelle (art. 35, al. 2 des lois coordonnées)
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Affection ostéo-articulaire
Haut degré de vraisemblance
Cas d’espèce - vibrations mécaniques
Preuve de l’affection
Présomption légale d’exposition au risque
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Effet du respect de l’obligation d’information prévue à l’article 136, §2, alinéa 6 de la loi du 14 juillet 1994
Silicose - travail dans une entreprise de fabrication de céramique - tabagisme
Appréciation des facteurs socio-économiques - cas d’espèce
Pas de retard fautif - force majeure
Preuve de l’affection
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Cumul AMI : non autorisé
Pas d’intérêt entre la décision du Fonds et la citation - cause étrangère libératoire
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Appréciation des facteurs socio-économiques - âge de la retraite - intérêt
Mécanisme de la Charte de l’assuré social
Cumul AMI - pluralité d’affections
Cas d’espèce - expertise
Préalable administratif - notion
Pas d’intérêt pour la période entre la décision du Fonds et la citation
Maladie professionnelle - motivation de la décision administrative et secret médical
Objet de la demande : la réparation de la maladie dont le demandeur est atteint - peu importe que la demande ait initialement été introduite hors liste s’il s’avère qu’il serait atteint d’une maladie de la liste
Cas d’espèce - vibrations mécaniques
Pas d’intérêt pour la période entre la décision du Fonds et la citation
Appréciation des facteurs socio-économiques - prise en compte de l’âge
Absence de discrimination des règles d’indemnisation par rapport au régime des accidents du travail
Pas d’exigence d’une durée déterminée - valeur des critères du Fonds
Pas d’exigence de monocausalité - réf. Cass., 2 février 1998 - (Chron. Dr. Soc. 1998, 527) pour des lombalgies de personnel soignant
Travailleur au chômage - écartement définitif
Appréciation des facteurs socio-économiques - prépension
Objet de la demande - demande à introduire dans l’année (conditions de l’article 807 C.J.) - préalable administratif : il n’existe pas de règle du "préalable administratif suivant laquelle le juge ne pourrait connaître d’une demande qu’après qu’elle a été soumise à l’administration (renvoi à Cass., 15 juin 1981, Pas., 1981, I, 1175)
Cumul AMI - pluralité d’affections - voir Cass., 8 septembre 1997, S960193N
Etat antérieur
Appréciation des facteurs socio-économiques - prise en compte de l’âge
Appréciation des facteurs socio-économiques - prépension
Vibrations mécaniques - dose d’exposition variable en durée et en intensité, tenant compte des caractéristiques de l’organisme
Vibrations mécaniques - détermination du rapport d’incidence avec l’état du travailleur - pas d’exigence de monocausalité : il suffit que l’activité professionnelle ait été la cause efficiente et que sans elle la maladie professionnelle n’eût pas existé dans une telle mesure
Critères du Fonds - exposition à des vibrations mécaniques
Vibrations mécaniques - pas d’exigence légale d’une « durée suffisante » d’exposition pour causer la maladie (individualisation des critères : voir également C. trav. Mons, 25 octobre 1995, R.G. 11.235, Juridat ; C. trav. Mons, 11 juin 1997, R.G. 12.606, Juridat ; C. trav. Mons, 12 novembre 1997, R.G. 11.632, Juridat)
Dans le même sens que Trib. trav. Liège (div. Verviers), 7 janvier 2021, R.G. 18/171/A - ci-dessous.
Constituent un commencement de preuve par écrit du caractère professionnel d’une broncho-pneumonie dont souffre une infirmière prestant en milieu carcéral dans une pièce sans fenêtre et sans aération naturelle (pièce climatisée) un rapport médical explicite sur la nature des expectorations, l’existence de plusieurs épisodes de surinfection bronchique, l’apparition de la maladie pendant la période d’occupation et l’exposition de l’intéressée pendant tout son temps de travail à une ventilation mécanique. Ce commencement de preuve autorise le recours à l’expertise.
Si le demandeur a la charge de la preuve de l’exposition au risque et qu’il ne dépose pas d’analyse détaillée de celle-ci (études scientifiques), le juge ne doit rejeter la demande d’expertise médicale qu’avec prudence. L’article 6 de la C.E.D.H., qui garantit le droit à un procès équitable, recouvre différents principes, dont celui de l’égalité des armes. Celui-ci implique en matière civile l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves – dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Lorsque le litige met en présence un assuré social et une institution de sécurité sociale qui dispose de services juridiques et médicaux spécialisés, il existe un risque de violation de ce principe.
Dans le système « ouvert », le demandeur a la charge de la preuve de trois éléments : l’existence de la maladie en question, l’exposition au risque professionnel ainsi que le lien de causalité direct et déterminant entre la maladie et l’exposition au risque professionnel de celle-ci. Constituent un commencement de preuve de l’exposition au risque ainsi que du lien causal direct entre la pathologie et cette exposition, permettant la désignation d’un expert, des documents relatifs au descriptif de la carrière professionnelle ainsi que des rapports médicaux circonstanciés.
Dès lors que, suite à l’examen médical réalisé par le MEDEX et la décision qui s’en est suivie, l’Etat belge a été dûment informé de l’aptitude du travailleur à exercer d’autres fonctions que la sienne par voie de réaffectation dans des conditions déterminées, il s’agit là d’une demande d’aménagements raisonnables dans le chef de l’intéressé, que ne pouvait ignorer l’Etat belge. La seule réaffectation proposée ayant été un échec et l’Etat belge n’ayant pris aucune autre initiative de quelque ordre que ce soit, il n’a pas respecté le prescrit de l’article 14 de la loi du 10 mai 2007 et a refusé, sans motif légitime, d’aménager le poste de travail. Il ne peut cependant lui être reproché de ne pas avoir appliqué de trajet de réintégration, celui-ci n’étant pas applicable en cas de maladie professionnelle.
Le membre du personnel du secteur public (soumis en l’espèce à l’arrêté royal du 5 janvier 1971) doit établir qu’il est atteint de la maladie visée sur la liste (lorsqu’il postule la réparation d’une telle maladie). Une fois cette preuve apportée, il bénéficie de deux présomptions : (i) une présomption réfragable d’exposition au risque de la maladie professionnelle et (ii) une présomption irréfragable de lien causal effectif entre l’exposition au risque professionnel de la maladie et la maladie elle-même. Il appartient à l’organisme employeur de démontrer que l’agent n’a pas été exposé au risque de la maladie professionnelle. Par ailleurs, en l’absence de renvoi à l’article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970, la définition qui y est donnée du risque professionnel n’est pas applicable.
Les preuves incombant au travailleur sont exigeantes, mais il ne faut pas oublier que l’expertise constitue elle aussi un mode de preuve dont il peut bénéficier. Le contentieux des maladies professionnelles est en effet particulièrement technique, tant sur le plan juridique que sur le plan médical. FEDRIS et les assurés sociaux qui s’adressent à lui ne sont pas sur un pied d’égalité. FEDRIS recourt à des médecins très pointus et compte en ses rangs des ingénieurs spécialisés. Face à cela, la plupart des assurés sociaux introduisent une demande avec l’aide de leur médecin. Le droit à un recours effectif d’un assuré social contre une décision de FEDRIS suppose de placer la barre des exigences qui permettent de désigner un expert à un niveau raisonnable.
L’article 18 de la Charte de l’Assuré social ne peut servir de fondement à une demande de FEDRIS tendant à autoriser, dans le cadre d’une demande d’aggravation, le retrait du bénéfice du taux admis lors de la détermination de la réparation de la maladie professionnelle.
Dans l’évaluation de l’incapacité permanente, l’indemnisation des facteurs socio-économiques vise la perte ou la diminution du potentiel économique de la victime sur le marché de l’emploi, c’est-à-dire son inaptitude à gagner sa vie par son travail. Une pénibilité suffisamment objectivée peut intervenir dans l’évaluation de cette incapacité à la condition qu’elle ait une répercussion sur la capacité de travail ou sur la position concurrentielle de la victime.
(Décision commentée)
Le travailleur qui entend obtenir l’indemnisation d’une maladie professionnelle de la liste (secteur privé) doit prouver qu’il est atteint de la maladie et qu’il a été exposé au risque professionnel de la contracter. Dès qu’un commencement de preuve est apporté, le tribunal peut ordonner une expertise judiciaire. Une demande d’expertise médicale ne peut en effet être refusée au motif que la partie qui la réclame n’apporte pas la preuve formelle d’un fait que cette mesure d’instruction a pour objet d’établir grâce aux éléments médicaux qu’elle se propose de soumettre à l’expert.
La différence de traitement induite de l’application de la présomption aux travailleurs publics soumis à l’arrêté royal du 21 janvier 1993 et non aux travailleurs du secteur privé est justifiée par l’impossibilité d’établir, dans le secteur public, une liste de services comparable à la liste des industries, professions ou catégories d’entreprises à l’égard desquelles le risque de contracter certaines maladies déterminées est présumé dans le secteur privé. Cette présomption a pour but de tenir compte de la plus grande mobilité qui est exigée du personnel dans le secteur public. La différence de traitement est proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi car, dans le secteur public, l’employeur (débiteur de l’indemnisation) dispose d’un accès direct aux informations (conditions d’exercice du travail, contexte et milieu professionnel) permettant de renverser la présomption d’exposition, ce qui n’est pas le cas de FEDRIS (débiteur de l’indemnisation) dans le secteur privé.
Lorsque la maladie professionnelle entraîne une incapacité permanente, une allocation annuelle est due à partir du jour où celle-ci présente le caractère de permanence. Le mécanisme de réparation n’exclut pas l’application de l’article 2277 du Code civil à l’action en paiement. La prescription constitue, comme le paiement, l’un des modes d’extinction des obligations. Ceci suppose une dette. La prescription n’affecte pas l’existence de la dette mais seulement son exigibilité (avec renvoi à Cass., 12 mai 2014, n° S.13.0020.F).
(Décision commentée)
La légalité de la présomption d’exposition n’a pas été remise en cause par la Cour de cassation et le travailleur du secteur public qui établit la réalité d’une maladie professionnelle, qu’elle soit reprise dans la liste ou non, bénéficie de cette présomption réfragable.
Le législateur a entendu confier au Roi une habilitation large, lui permettant de déterminer les conditions dans lesquelles les lois du 3 juin 1970 seraient applicables au secteur public. Aucune disposition légale ne lui interdit d’ériger des présomptions spécifiques aux régimes pour lesquels il est habilité à légiférer. Il n’y a dès lors pas excès de pouvoir.
En excluant l’application de l’article 32 de la loi du 3 juin 1970 au secteur public, la Cour de cassation ne se prononce aucunement sur l’étendue de l’habilitation donnée au Roi dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967. En ce qui concerne l’étendue de l’habilitation royale, il n’y a aucune disposition dans la loi du 3 juillet 1967 qui indiquerait expressis verbis que le Roi est invité (ou autorisé) à établir des présomptions d’exposition. Il n’existe également aucune disposition qui l’interdise.
Par référence aux principes dégagés par l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 30 janvier 2007, il y a lieu de considérer que l’application du délai de soixante jours prévu par le R.G.P.S. 572 crée une discrimination. En effet, la Cour constitutionnelle en a décidé ainsi alors qu’il s’agissait de comparer l’application d’un délai de cent-vingt jours dans le secteur privé et l’absence de tout délai dans le secteur public. Le tribunal statue dans le même sens, s’agissant de comparer les régimes applicables à des travailleurs qui relèvent tous du secteur public, soit d’une part l’application d’un délai de soixante jours au personnel statutaire de HR Rail (en vertu du R.G.P.S. 572) et d’autre part l’absence de tout délai applicable aux autres agents du service public (en vertu de la loi du 3 juillet 1977). Quels que soient les éventuels objectifs économiques ou de prévention, le fait de limiter l’indemnisation à soixante jours maximum avant l’introduction de la demande crée une différence de traitement disproportionnée en défaveur du personnel statutaire de HR Rail.
Une pénibilité suffisamment objectivée peut intervenir dans l’évaluation de l’incapacité permanente de travail à la condition qu’elle ait une répercussion sur la capacité de travail ou sur la position concurrentielle de la victime. Par contre, le fait de bénéficier d’une pension de retraite ne peut être pris en considération en tant qu’élément de détermination du taux d’incapacité permanente de travail résultant d’une maladie professionnelle (avec renvoi à Cass. 29 septembre 1996, n° 5249).
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que, s’agissant du secteur public, la condition d’exposition au risque ne doit pas passer par la référence traditionnelle à l’article 32 des lois coordonnées du 3 juin 1970 (Cass., 4 avril 2016, R.G. S.14.0039.F). Dès lors, cette condition d’exposition est régie exclusivement par l’arrêté royal d’exécution de la loi du 3 juillet 1967 applicable, soit en l’espèce l’arrêté royal du 21 janvier 1993. En outre, le tribunal rappelle que la présomption d’exposition au risque professionnel n’est pas limitée aux maladies de la liste mais s’étend à toutes celles qui tout en ne figurant pas sur celle-ci trouvent leur cause dans l’exercice de la profession au sens de l’article 30bis des lois coordonnées (Cass., 10 décembre 2018, R.G. S.18.0001.F).
L’exercice de la profession peut comporter un risque de maladie (burn out en l’espèce) mais ceci doit être distingué d’éléments, constitutifs (ou non) de harcèlement, qui font que la profession est exercée dans un contexte particulier. Il convient de vérifier si la profession dans son exercice normal comporte un risque de le déclencher. Si les éléments identifiés ne constituent pas des faits inhérents à l’exercice de la profession, l’indemnisation d’une maladie professionnelle pourrait être exclue, la législation en matière de risque professionnel n’ayant pas vocation à réparer un dommage dû à des risques psycho-sociaux. Si des faits particuliers ont été subis par le demandeur, ils pourront le cas échéant être considérés, dans le cadre de l’examen de la maladie professionnelle comme des éléments externes dont l’influence sur la maladie devra être déterminée.
Dans la mesure où est contestée une décision de rejet d’une maladie professionnelle figurant dans la liste, l’intéressé faisant état de hernies discales et de douleurs dont il souffre, et qu’est sollicitée une mesure d’expertise portant sur cette maladie, il peut également être demandé que, dans le cadre ce celle-ci, l’on examine si les lésions invoquées ne relèveraient pas d’une maladie hors liste, dès lors que le principe du préalable et le prescrit de l’article 807 du Code judiciaire sont respectés (la lésion invoquée ayant été préalablement soumise à l’appréciation de la partie adverse). Il ne s’agit pas de nouvelles lésions non invoquées dans la demande introduite auprès de FEDRIS et dans l’acte introductif d’instance.
Lorsque le litige oppose un assuré social et une institution de sécurité sociale qui dispose de services juridiques et médicaux spécialisés, il existe un risque de violation du principe de l’égalité des armes. Pour circonvenir celui-ci, il importe que le juge ne rejette la demande d’expertise médicale qu’avec prudence : il s’impose d’éviter de lire les certificats émanant du médecin-traitant de l’assuré social de manière tatillonne pour, au contraire, privilégier une approche réaliste, qui, notamment, puisse tenir compte de ce que le médecin-traitant n’est généralement pas un spécialiste de l’évaluation du dommage corporel. De plus, il serait contraire à l’esprit de la loi d’exiger des particuliers, qui ne sont pas des institutions de sécurité sociale, de recourir à l’assistance d’ingénieurs spécialisés capables de déterminer avec précision leur éventuelle exposition au risque professionnel.
La condition d’exposition au risque n’est pas libellée par la loi-cadre du 3 juillet 1967 mais par l’arrêté royal d’exécution (applicable au type de personnel concerné), ainsi l’arrêté royal du 21 janvier 1993 pour certains membres du personnel appartenant aux administrations provinciales et locales, qui prévoit que la présomption s’applique quel que soit le travail effectué. Le renvoi par la loi du 3 juillet 1967 aux lois coordonnées du 3 juin 1970 étant limité aux articles 30 et 30bis, il n’inclut pas l’article 32, en sorte que l’exposition au risque doit s’analyser tant pour les maladies de la liste que pour les maladies hors liste, conformément à l’article 4, alinéa 2, de cet arrêté royal.
L’exposition professionnelle au risque de la maladie doit être mesurée non pas tant par référence à des normes générales qu’en considération de chaque cas particulier, en fonction de la constitution du travailleur, de la sensibilité de son organisme et de son état antérieur. La jurisprudence constante considère que, dans l’examen de l’exposition au risque professionnel, il faut toujours passer par une appréciation individualisée et que les critères proposés par FEDRIS n’ont qu’une valeur d’avis et ne lient pas le juge.
(Décision commentée)
Dans le secteur public, existe une présomption d’exposition au risque, prévue non dans la loi du 3 juillet 1967 elle-même mais dans l’arrêté royal d’exécution (en l’espèce celui du 21 janvier 1993).
Pour ce qui est du lien de causalité entre la maladie et l’exposition au risque, la Cour de cassation a singulièrement réduit la portée des termes légaux, permettant d’en revenir à la conception de la causalité issue de la théorie de l’équivalence des conditions, et il y a, en conséquence, causalité lorsque la maladie ne serait pas survenue ou aurait été moins grave sans l’exercice de la profession, peu importe que coexistent d’autres causes, étrangères à celui-ci. Dès lors que la victime établit ce lien entre la maladie et l’exercice de la profession, elle n’est pas tenue de prouver l’importance de l’influence des autres causes potentielles de celle-ci.
Il faut dès lors, en cas de maladie hors liste (burnout chez un policier en l’occurrence), prouver dans le chef du demandeur que (i) il est atteint d’une maladie et que (ii) l’exposition au risque (qui est présumée) est la cause déterminante et directe de celle-ci.
Contrairement à la loi du 10 avril 1971, les lois coordonnées le 3 juin 1970 ne contiennent pas de disposition similaire à l’article 63, §4, qui concerne les avances faites à l’assuré social. Un renvoi est cependant fait dans les lois cordonnées pour ce qui est de l’incapacité temporaire aux articles 22 et 23 LAT. Dans cette matière (accident du travail), la notion d’incapacité temporaire totale est un élément de fait qui ne peut faire l’objet d’un remboursement ultérieur (avec renvoi à Cass., 7 novembre 1988, R.G. 6297 et Cass., 22 février 1999, R.G. S.98.0035.N). Pour la Cour suprême, un paiement n’est indu que s’il est dépourvu de cause et n’est pas indu un paiement qui trouve sa cause, notamment, dans la reconnaissance de la durée d’une incapacité totale de travail du fait de laquelle les paiements sont en principe dus.
Il s’agit d’une règle qui peut être transposée à la matière des maladies professionnelles.
La loi n’ayant pas défini autrement la notion de précocité (affections de la colonne lombaire), le seuil fixé par le F.M.P., étant l’âge de 40 ans, ne relève pas d’une interprétation autorisée du texte légal mais d’une modification non autorisée de celui-ci par l’ajout d’une condition nouvelle, plus restrictive que celle qui y est prévue. L’on ne peut dès lors refuser une aggravation d’une maladie professionnelle de la liste au motif que le demandeur n’apporte pas la preuve de l’existence d’une arthrose précoce à l’âge de 40 ans.
(Décision commentée)
Eu égard à la présomption légale en vigueur dans le secteur public, une demande de réparation d’une maladie de la liste (épicondylite du facteur-distributeur) doit être accueillie : dès lors que cette présomption n’est pas renversée, il y a lieu à indemnisation.
L’article 32 de la loi coordonnée du 3 juin 1970 est applicable au seul secteur privé et ne vaut pas pour le secteur public (renvoi à Cass., 4 avril 2016, n° S.14.0039.F).
(Décision commentée)
Les pathologies liées à l’amiante sont susceptibles d’évoluer au fil du temps et peuvent se manifester pendant une période allant jusqu’à de nombreuses années après l’exposition. Il est dès lors possible que lors d’une première demande l’affection ait été bénigne (et n’ait pas pu faire l’objet d’une indemnisation) et que l’état de santé se soit dégradé ultérieurement pour engendrer une affection plus grave, telle l’asbestose.
(Décision commentée)
Reconnaissance de la maladie - modification des codes - droit patrimonial au sens de l’article 1 du Protocole n° 1 et de l’article 14 de la CEDH
(Décision commentée)
Etendue des obligations dans le chef du Fonds des Maladies Professionnelles dans l’hypothèse de la modification de la réglementation (A.R. du 25 février 2007 en l’occurrence) - préalable administratif
Vibrations mécaniques -affection des membres supérieurs - critères d’indemnisation (taux physique + FSE)
Haute probabilité de causalité