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Calcul de l’indemnité compensatoire de préavis en cas de temps partiel (période avant le 1er janvier 2014) et droit pénal social

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 juillet 2019, R.G. 2018/AB/307

Mis en ligne le jeudi 9 juillet 2020


Cour du travail de Bruxelles, 2 juillet 2019, R.G. 2018/AB/307

Terra Laboris

Dans un arrêt du 2 juillet 2019, la Cour du travail de Bruxelles rappelle l’enseignement de la Cour constitutionnelle en ce qui concerne la rémunération de référence permettant de déterminer la durée du préavis (ou le calcul de l’indemnité correspondante) pour les travailleurs à temps partiel et reprend les dispositions du Code pénal social permettant d’obtenir la condamnation solidaire de l’employeur, de son préposé ou mandataire.

Les faits

Un enseignant introduit auprès de l’institut pour lequel il preste une demande de congé pour convenances personnelles à la fin de l’année 2008-2009. Il va par la suite donner des cours dans un autre établissement, à temps partiel et selon un horaire qui sera modifié à diverses reprises. En 2015, l’établissement mettra un terme au contrat et une procédure sera introduite devant le Tribunal du travail de Leuven en paiement de diverses sommes, dont une indemnité compensatoire de préavis de 5 mois et 8 semaines.

La décision du tribunal

Saisi de nombreux chefs de demande, le tribunal en écarte la majorité (licenciement manifestement déraisonnable, discrimination sur la base de l’âge, etc.). Il conclut par ailleurs à l’existence d’un contrat à durée indéterminée depuis le début de l’occupation. Les parties marquent accord pour considérer qu’il y a eu occupation à temps partiel dans le cadre de celui-ci.

Conformément à l’article 39 de la loi du 3 juillet 1978, la cour considère que l’association employeur devait donner un préavis ou payer l’indemnité correspondante lorsqu’elle a mis fin à la relation de travail en mars 2015. Vu la modification législative intervenue par la loi du 26 décembre 2013 (« statut unique »), le préavis doit être calculé en tenant compte de la règle du « cliquet » au 31 décembre 2013.

Se pose ici la question de déterminer la durée du préavis pour la première période, s’agissant d’un travailleur à temps partiel. Il y a en effet lieu de vérifier si la rémunération à cette date dépasse ou non le montant de 32.254 euros. Dans l’affirmative, l’intéressé peut prétendre à une indemnité compensatoire de préavis de 5 mois au lieu de 3 (applicable aux employés dits « inférieurs »).

La seconde période ne suscite pas de difficulté, l’indemnité étant de 8 semaines – montant non contesté.

La cour rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle (à l’époque Cour d’arbitrage) du 20 avril 1999 (n° 45/99). Elle y a jugé que, s’il relève du pouvoir d’appréciation du législateur de décider quelles règles particulières doivent être adoptées pour calculer le préavis à accorder aux travailleurs à temps partiel, le critère pris en compte pour ceux-ci n’est pas pertinent par rapport à l’objectif poursuivi. Est en effet pris en considération, pour le calcul du délai de préavis, le montant de la rémunération annuelle perçue pour les travailleurs à temps plein et pour les travailleurs à temps partiel et ce montant est l’élément unique permettant de déterminer si un travailleur est rangé dans la catégorie des « employés supérieurs » ou des « employés inférieurs ». Le critère n’étant pas pertinent, les articles 82, §§ 2 et 3, ainsi que 131 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Pour la cour, le juge doit, pour le calcul du délai de préavis pour un travailleur à temps partiel, calculer une rémunération annuelle fictive sur un temps plein. Celui de l’indemnité correspondante interviendra quant à lui sur la base du salaire réellement perçu, étant le temps partiel (la cour renvoyant à un arrêt de la Cour du travail d’Anvers du 3 avril 2000, R.W., 2000-2001, p. 911).

La cour applique dès lors la règle en multipliant le taux horaire par le nombre d’heures d’un temps plein en base hebdomadaire. Du total trimestriel, elle revient à une moyenne mensuelle, qui, multipliée par 12,92, s’avère supérieure à 32.254 euros, ce qui donne droit au montant de 5 mois. Le calcul de l’indemnité elle-même est fait sur la base des heures réellement prestées, soit 25 heures par semaine.

Saisie d’une demande de condamnation solidaire de l’administratrice-déléguée, elle rappelle que, dans divers arrêts, la Cour de cassation a considéré que l’indemnité compensatoire de préavis, même si elle constitue de la rémunération au sens de l’article 2 de la loi du 12 avril 1965, n’est pas visée aux articles 9 et 11 de celle-ci et que, par conséquent, ne lui est pas applicable l’article 42 (étant notamment cité un arrêt du 17 février 1997). Depuis l’entrée en vigueur du Code pénal social, cet article 42 a été remplacé par l’article 109 C.P.S. Il ressort des travaux préparatoires qu’actuellement, le non-paiement d’une indemnité compensatoire de préavis n’est toujours pas un délit, car son exigibilité est régie par l’article 39 de la loi sur les contrats de travail et non par l’article 11 de la loi sur la protection de la rémunération (renvoyant à Trib. trav. Anvers, 22 juillet 2014, R.W., 2015-16, p. 909, note HELLEMANS L., « De niet-betaling van een beschermings-, opzeggings- of andere vergoeding bij onregelmatig ontslag vormt ook na de invoering van het Sociaal Strafwetboek geen misdrijf »). En conséquence, seul peut être poursuivi, comme pour tout manquement contractuel, l’employeur uniquement et non son préposé ou mandataire. Seule l’institution peut donc être condamnée de ce chef.

La demande portant également sur des pécules de vacances non payés, la cour relève que trouve à s’appliquer également ici une disposition du Code pénal social, étant son article 162. Vu qu’il s’agit d’un délit, la condamnation peut viser non seulement l’employeur mais également le préposé ou le mandataire. Pour ce, les éléments constitutifs de l’infraction doivent être constatés, à savoir l’élément matériel et l’élément moral. L’élément matériel est évident. Quant à l’élément moral, la cour reprend les grands principes sur la question, et notamment en matière de réparation, rappelant que l’action civile en indemnisation du dommage entraîne la réparation en nature par le paiement des arriérés (renvoi étant ici fait à Cass., 22 janvier 2007, n° S.04.0165.N). La cour expose ensuite les conditions du délit continué, étant qu’est exigée une unité d’intention, et rappelle le pouvoir d’appréciation du juge du fond pour décider si diverses infractions sont reliées entre elles par celle-ci.

Elle examine longuement la question du préposé et du mandataire, dont elle rappelle la définition donnée dans un arrêt de la Cour de cassation du 15 septembre 1981 (Cass., 15 septembre 1981) : il s’agit de toute personne qui est chargée de prendre part à des fonctions de direction dans l’entreprise et qui est investie de l’autorité ou de la compétence nécessaire pour veiller effectivement à l’application de la loi. Dans une A.S.B.L., il s’agit des personnes physiques, des organes ou des mandataires par lesquels elle agit. L’administratrice-déléguée plaidant qu’elle n’a rempli ses fonctions qu’à partir d’un moment déterminé, la cour examine celles qu’elle exerçait précédemment et en conclut que, dans les faits, elle assumait les fonctions de l’employeur. L’intéressé peut dès lors obtenir la condamnation solidaire de l’A.S.B.L. et de l’administratrice-déléguée pour les arriérés.

Intérêt de la décision

Cet arrêt livre deux enseignements, qu’il n’est pas inutile de rappeler.

Le premier est relatif au calcul de l’assiette de la rémunération à prendre en compte pour l’indemnité compensatoire de préavis des travailleurs à temps partiel. Si ce critère n’intervient plus, actuellement, que pour l’évaluation de l’indemnité compensatoire pour la période antérieure au 1er janvier 2014, elle a une incidence non négligeable, puisqu’elle modifie le forfait de l’indemnité correspondant à cette période.

Le second intérêt de l’arrêt est de reprendre les règles du droit pénal social en ce qui concerne la responsabilité de l’employeur, de son préposé et mandataire, permettant, en cas de demande de réparation en nature, d’obtenir leur condamnation solidaire.


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